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Colette avant Colette ou des rêves de faux-cul

> 07 janvier 2018

Colette avant Colette ou des rêves de faux-cul A quinze ans, Colette passe, pour un temps, par « une crise de coquetterie » (La cire verte, 1943).

« Je prétendais porter « tournure », c’est-à-dire aggraver mon derrière en pomme d’un coussin de crin, qui relevait d’autant l’ourlet de mes jupes en arrière. La brutalité de l’adolescence faisait des filles de treize à quinze ans, dans mon village, des forcenées qui volaient le crin, roulaient des chiffons dans un sac et s’attachaient le vilain affiquet dit « faux-cul » sur les reins, dans un escalier sombre, hors de la vue de leurs mères. Je voulais aussi des frisures en éponge sur le front, des ceintures de cuir à me couper le souffle, des cols baleinés, de l’essence de violette sur mes mouchoirs... »

Alors qu’elle est devenue une vieille dame, Colette se souvient, avec amusement, de ses années d’adolescence et de son goût pour les « tournures », ces systèmes à armature qui projetaient le postérieur en arrière et étaient au goût du jour dans les années 1870. Colette rêve, alors, d’être une vraie femme. A défaut de posséder la robe adéquate, elle trafique ses vêtements, à l’aide de différents matériaux qui constituent, pour elle, un moyen de rembourrage. Colette est alors prisonnière de ses cheveux, de divers instruments de torture féminins (corsets et ceintures qui réduisent la taille à presque rien, faux-culs et autres cols baleinés) et de son enfance. Encore quelques années et Willy viendra rompre les digues qui emprisonnent la jeune fille.

Colette n’est pas la seule à brocarder les coquettes du moment. Marcel Proust se moque également des accessoires de mode en vigueur à la fin du XIXe siècle. Tout ce qui « donnait à la femme l’air d’être composée de pièces différentes mal emmanchées les unes dans les autres » met l’écrivain hors de lui (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/marcel-proust-l-ami-des-patissiers-et-des-cosmetologues-125/). Même Odette de Crécy, l’une des plus belles femmes de Paris, a recours à des coussins, rembourrages et armatures qui lui donnent l’aspect d’une poupée articulée cassée en mille morceaux et mal rafistolée ! (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/encore-un-instant-m-proust-218/)

Libérée de ses fantasmes d’adolescente, Colette s’étonne de trouver encore en vente, en 1916, chez bon nombre de corsetières, des gaines de toutes sortes, destinées à contrôler les corps les plus récalcitrants. Un soutien-gorge qui fait disparaître les seins les plus opulents ne manque pas de faire mourir de rire celle qui rêvait enfant de ressembler aux dames des magazines (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/-a-bas-le-corset-vive-la-creme-amincissante-281/) !

Colette avant Colette, c’est une petite fille qui veut devenir une « dame » beaucoup trop vite !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour sa vision personnelle du couple que Colette forme avec Willy !

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