Nos regards
Chroniqueuses beauté d’hier et d’aujourd’hui, même combat

> 22 août 2017

Chroniqueuses beauté d’hier et d’aujourd’hui, même combat Dans « Belles saisons I », patchwork d’anecdotes rédigé durant la période de l’Occupation (« Depuis quatre ans la vie se règle selon la guerre. Le travail cloîtré et sédentaire s’émancipe. Les vacances aussi. Il n’est plus pour moi de départs, il n’est plus de hâte. »), Colette nous livre, pêle-mêle, souvenirs d’enfance et souvenirs plus récents (Colette, Romans – récits – souvenirs (1941 – 1949), Robert Laffont, 1415 pages).

Elle se souvient, en particulier, des étés passés dans le Midi et de certaines petites femmes blondes qui ne sont contentes que lorsqu’elles ont la peau noire. Lorsque, leurs paréos « décolorés deviennent piteux », sonne l’heure du départ. Leur peau est hâlée, bien trop hâlée… Elles ont abusé des bains de soleil, des bains de mer… néfastes, les uns comme les autres, à leur « épiderme délicat ».

Tous les matins, au petit-déjeuner, ces vacancières fort peu vêtues compulsent avidement « une liasse de journaux illustrés » qui ne manquent pas de leur prodiguer de nombreux conseils cosmétiques. Les conseils de début de saison et ceux qu’elles découvrent alors qu’il serait de bon ton d’enfiler « un bon gros chandail, une jupe de laine… », ne sont plus du tout les mêmes. Elles « ouvrent les journaux qui, sur papier couché, renient cyniquement ce qu’en juillet ils prônèrent » et pestent silencieusement contre ces chroniqueuses-beauté qui ballottent leurs pauvres lectrices à hue et à dia.

« Où elle lisait, en juin : « Huilez-vous mesdames ! Hors de l’huile point de salut ! », la petite dame, sans nez, voit que l’usage de l’huile a, d’une manière néfaste, obstrué les pores, tous les pores de toute sa peau. « Décapez-vous, mesdames, décapez-vous ! » La même page, qui vantait la nudité, le camping, le yachting, dénonce les méfaits du grand air, fauteur de rides, d’éphélides et de poils de moustache : « Enfermez-vous, mesdames, enfermez-vous ! Masquez-vous d’œuf cru, de lait cuit, de veau froid, de camomille chaude ! »

Les petites dames blondes qui frissonnent dans « leurs légères cotonnades de Manchester » ont compris à ce changement subit survenu au niveau des colonnes Beauté que « c’est bien la fin de la saison… ». Il n’est plus temps de vanter les huiles solaires censées protéger la peau des méfaits du soleil (il n’en est rien en réalité comme nous avons pu l’expliquer dans un Regard précédent - https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/sous-le-soleil-exactement-naissance-des-produits-de-protection-solaire-pps-210/) ; les rangées de flacons ambrés ont fait place, dans les magasins, à d’autres produits plus conformes à une météo devenue capricieuse. Le teint hâlé tant souhaité est bien là… Il s’agit, maintenant, afin de déclencher l’achat, d’agiter le spectre du vieillissement cutané… Rides profondes comme des sillons, taches cutanées présentées sous le nom charmant de « fleurs de cimetière »… les descriptions se font extrêmement précises afin d’affoler celles qui profitaient, hier encore, avec délice (et rappelons-le avec la caution des chroniqueuses-Beauté), des derniers rayons de soleil.

Lisez les chroniques-beauté avec gourmandise, mesdames, lisez-les… Prenez plaisir à découvrir ce que la rentrée cosmétique nous réserve… Continuez à prendre votre petit-déjeuner entourées « d’une liasse de journaux illustrés », mais surtout… surtout… prenez les conseils prodigués avec recul ! Ne vous étonnez pas de lire tout et le contraire de tout, c’est comme cela depuis toujours !

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