> 30 mars 2022
« Super Potent Serum »… « Cell energy »… tout un programme, in english… please ! Nous allons nous pencher sur cette formule aux super pouvoirs annoncés !
Côté vitamines, tout va bien… et même très bien ! La première que nous rencontrons dans la liste des ingrédients est la vitamine B3 ou niacinamide.1 Utilisé à la dose de 5 %, le niacinamide est susceptible d’améliorer l’élasticité de la peau et son aspect (action sur la qualité du teint qui parait moins jaune, avec moins de taches).1, 2 Quant aux vitamines C et E et leurs dérivés… on ne les présente même plus tant elles sont devenues des actifs-phares des produits anti-âge.3, 4
Commençons par l’écume des prés, Limnanthes alba. Il convient d’être vigilant avec les extraits de cette plante dans la mesure où l’isothiocyanate de 3-méthoxybenzyle, principal produit de dégradation de la glucolimnanthine, glucosinolate majeur chez la plante, est une phytotoxine.5
Vient ensuite la cardamome de Madagascar, Aframamum angustifolium… Cette plante de la famille des Zingibéracées est retrouvée à Madagascar (cela va de soi !), mais aussi aux Mascareignes et dans toute l'Afrique tropicale.6 Les résultats obtenus lors d’une étude datant de 15 ans déjà suggèrent que l’extrait de la graine d’Aframomum angustifolium produit, ce qui est qualifié par les auteurs, un effet de rajeunissement global tant au niveau des rougeurs, de la pigmentation et des ridules, effet similaire à celui observé après recours à une source de lumière pulsée intense.7 La même équipe (qui travaillait alors pour les laboratoires LVMH) publiait la même année des résultats montrant que l’extrait était capable de modifier fortement les profils d’expression génique des kératinocytes ainsi traités, mais faiblement ceux des fibroblastes. Cet extrait paraissait réguler les défenses antioxydantes, les composantes de la jonction dermo-épidermique et les gènes liés au renouvellement épidermique.8 Depuis, étonnement, silence radio au niveau de la recherche concernant cette plante qui paraissait si prometteuse ! Pas de travaux… pas de résultats… pas d’avis… ou plutôt si, un avis pas très positif sur un végétal dont on ne connaît quasiment rien !
Il n’en est pas de même pour la pivoine de Chine (Paeonia lactiflora), une plante herbacée de la famille des Paeoniceae, utilisée en médecine traditionnelle chinoise depuis plus de 1000 ans pour traiter la douleur, l’inflammation et des désordres immunitaires. Les principaux constituants de la racine sont le gallate de méthyle, l’oxypaeoniflorine, la catéchine, l’albiflorine, la paeoniflorine (le composé bioactif majoritaire), l’acide benzoïque, la benzoylpaeoniflorine et le paeonol. Des effets anti-inflammatoire et antioxydant sont démontrés aussi bien in vitro qu’in vivo.9,10
Il y a aussi l’extrait de bulbe de lis. Ce dernier est bien connu en médecine populaire pour le traitement des brûlures, des ulcères, des inflammations et pour la guérison des plaies.11 Le bulbe apparait comme une source d’antioxydants naturels, qui sont (sans surprise !) des composés phénoliques.12 Nous n’avons pas réellement de doute sur son intérêt dans un produit topique.
Il y a enfin l’extrait de fleurs de jasmin. Récemment, ont été identifiés quatre nouveaux sesquiterpénoïdes, dont trois sesquiterpénoïdes de type nor-cinalbicane, nommés jasminol A, G et H et un sesquiterpénoïde de type eremophilène, nommé jasminol B ; ils possèdent une activité anti-inflammatoire.13 Plus récemment encore, une activité antioxydante a été mise en évidence à mettre en relation avec la présence de composés phénoliques (toujours sans surprise !).14
On se demande bien ce que vient faire cet extrait de Palmaria palmata au milieu de ces extraits de plantes supérieures, elles-mêmes noyées au milieu d’une quarantaine d’ingrédients ? Cette algue rouge, appelée également dulse, a beaucoup été étudiée et paraît parfaitement sûre d’emploi.15 Là n’est donc pas le problème. En revanche, on peut plutôt s’interroger sur la pertinence d’un tel ajout, dans la mesure où aucun intérêt particulier dans le domaine cosmétique n’a été démontré.
Rappelons tout d’abord qu’il n’existe pas de définition pour un sérum. Il est habituel, en cosmétologie, de désigner ainsi des solutions qui ont la réputation fort tenace d’être particulièrement concentrées en actifs. En réalité, il n’en est rien et ce sont des solutions aqueuses fort diluées, au contraire.16
Dans le cas présent, on retrouve des hydratants (le hyaluronate de sodium, par exemple) et de nombreux humectants, la glycérine,17 en tout premier lieu, mais également des glycols (butylène-glycol, pentylène-glycol), le PEG-8, le tréhalose ou le xylitol.18
Plus inattendus, sont ces polysaccharides produits par une culture bactérienne d’Alcaligenes latus (Alcaligenes polysaccharides), qui permettent d’augmenter la viscosité du milieu comme le ferait la gomme xanthane.19,20
Outre le parfum, cette solution aqueuse est conservée grâce à l’association quasi universelle actuellement, de benzoate de sodium et de sorbate de potassium, à laquelle s’est jointe la chlorphénésine. Il paraitrait prudent de ne pas choisir le benzoate de sodium comme conservateur quand on formule un cosmétique avec de la vitamine C car, par réaction entre ces deux ingrédients, il se forme du benzène,21 une substance que l’on ne doit absolument pas retrouver dans les cosmétiques… et on comprend pourquoi !
On n’apprécie donc pas beaucoup ce sérum qui contient beaucoup trop d’ingrédients pour savoir exactement ce qui peut se passer au fond du chaudron (!) dans lequel il est préparé !
1 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-vitamine-b3-que-du-bonheur-cosmetique-1734/
2 Bissett DL, Oblong JE, Berge CA. Niacinamide : A B vitamine that improves aging facila skin appearance. Dermatol Surg. 2005, 31, 7 Pt 2, 860-5
3 Rattanawiwatpong P, Wanitphakdeedecha R, Bumrungpert A, Maiprasert M. Anti-aging and brightening effects of a topical treatment containing vitamin C, vitamin E, and raspberry leaf cell culture extract: A split-face, randomized controlled trial. J Cosmet Dermatol. 2020 Mar;19(3):671-676.
4 Masaki H. Role of antioxidants in the skin: anti-aging effects. J Dermatol Sci. 2010 May;58(2):85-90.
5 17 Vaughn SF, Boydston RA, Mallory-Smith CA. Isolation and identification of (3-methoxyphenyl)acetonitrile as a phytotoxin from meadowfoam (Limnanthes alba) seedmeal. J Chem Ecol. 1996 Oct;22(10):1939-49.
6 2 Kafoutchoni KM, Idohou R, Egeru A, Salako KV, Agbangla C, Adomou AC, Assogbadjo AE. Species richness, cultural importance, and prioritization of wild spices for conservation in the Sudano-Guinean zone of Benin (West Africa). J Ethnobiol Ethnomed. 2018 Nov 15;14(1):67.
7 Talbourdet S, Sadick NS, Lazou K, Bonnet-Duquennoy M, Kurfurst R, Neveu M, Heusèle C, André P, Schnebert S, Draelos ZD, Perrier E. Modulation of gene expression as a new skin anti-aging strategy. J Drugs Dermatol. 2007 Jun;6(6 Suppl):s25-33.
8 Bonnet-Duquennoy M, Dumas M, Debacker A, Lazou K, Talbourdet S, Franchi J, Heusèle C, André P, Schnebert S, Bonté F, Kurfürst R. Transcriptional effect of an Aframomum angustifolium seed extract on human cutaneous cells using low-density DNA chips. J Cosmet Dermatol. 2007 Jun;6(2):128-34.
9 Kim MJ, Kang HH, Seo YJ, Kim KM, Kim YJ, Jung SK. Paeonia lactiflora Root Extract and Its Components Reduce Biomarkers of Early Atherosclerosis via Anti-Inflammatory and Antioxidant Effects In Vitro and In Vivo. Antioxidants (Basel). 2021 Sep 23;10(10):1507.
10 Zhang L, Wei W. Anti-inflammatory and immunoregulatory effects of paeoniflorin and total glucosides of paeony. Pharmacol Ther. 2020 Mar;207:107452.
11 Kopaskova M, Hadjo L, Yankulova B, Jovtchev G, Galova E, Sevcovicova A, Mucaji P, Miadokova E, Bryant P, Chankova S. Extract of Lillium candidum L. can modulate the genotoxicity of the antibiotic zeocin. Molecules. 2011 Dec 22;17(1):80-97.
12 Jin L, Zhang Y, Yan L, Guo Y, Niu L. Phenolic compounds and antioxidant activity of bulb extracts of six Lilium species native to China. Molecules. 2012 Aug 3;17(8):9361-78.
13 Lu Y, Han ZZ, Zhang CG, Ye Z, Wu LL, Xu H. Four new sesquiterpenoids with anti-inflammatory activity from the stems of Jasminum officinale. Fitoterapia. 2019 Jun;135:22-26.
14 El-Hawary SS, El-Hefnawy HM, Osman SM, El-Raey MA, Mokhtar Ali FA. Phenolic profiling of different Jasminum species cultivated in Egypt and their antioxidant activity. Nat Prod Res. 2021 Nov;35(22):4663-4668.
15 Campos PMBGM, Benevenuto CG, Calixto LS, Melo MO, Pereira KC, Gaspar LR. Spirulina, Palmaria Palmata, Cichorium Intybus, and Medicago Sativa extracts in cosmetic formulations: an integrated approach of in vitro toxicity and in vivo acceptability studies. Cutan Ocul Toxicol. 2019 Dec;38(4):322-329.
16Les sérums, que d’eau, que d’eau ! | Regard sur les cosmétiques (regard-sur-les-cosmetiques.fr)
19 ALCALIGENES POLYSACCHARIDES – CosmetoScope
21 Piper JD, Piper PW. Benzoate and Sorbate Salts: A Systematic Review of the Potential Hazards of These Invaluable Preservatives and the Expanding Spectrum of Clinical Uses for Sodium Benzoate. Compr Rev Food Sci Food Saf. 2017 Sep;16(5):868-880.
Capture totale Super Potent Serum Dior : Aqua, Glycerin, Niacinamide, Butylene glycol, Squalane, Limnanthes alba seed oil, Pentylene glycol, Alcohol, Propanediol, Betaine, Diglycerin, Lauroyl lysine, PEG-8, Aframomum angustifolium seed extract, Paeonia lactiflora root extract, Lillium candidum bulb extract, Jasminum officinale flower extract, Sodium surfactin, Sodium acetylated hyaluronate, Hydrolyzed soy protein, Ascorbyl glucoside, Sodium tocopheryl phosphate, Adenosine, Xylitol, Trehalose, Palmaria palmata extract, Sodium hyaluronate, Hydroxyethyl acrylate/sodium acryloyl dimethyl taurate copolymer, Boron nitride, Caprylyl glycol, Hydrogenated lecithin, Parfum, Chlorphenesin, Alcaligenes polysaccharides, Polysorbate 60, Sorbitan isostearate, CI 14700, CI 60730, Sodium benzoate, Potassium sorbate, Tocopherol
Retour aux regards