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Le savon, ça sert à tout, chez Caroline Quine !

> 31 mars 2022

Le savon, ça sert à tout, chez Caroline Quine !

Tout commence pour Alice et ses fidèles complices, Bess et Marion, par une formidable tempête qui les oblige à prendre refuge à l’auberge des « Bougies-Torses ».1 Là cohabitent un centenaire excentrique, Abel Sidney (Bess et Marion s’avèrent être ses petites-nièces) et un couple d’aubergistes, Franck et Clara Jammes, avec leur fille adoptive, Peggy, une charmante ado âgée de 15 ans. Le couple Jammes semble séquestrer Abel... Qu’en est-il réellement ? L’appât du gain constitue le moteur de ce roman qui, pour la première fois, voit le trio d’amies voler en éclats. Bess et Marion, manipulées par leurs mères respectives, boudent, en effet, une Alice qui veut faire justice et risque fort de chambouler les belles espérances en matière d’héritage des uns et des autres.

Bess, la coquette aux cheveux ébouriffés

Des bourrasques terribles, un vent à décoiffer des jeunes filles. Bess sort du célèbre cabriolet d’Alice les cheveux complètement décoiffés. En passant ses doigts « dans la masse de ses cheveux blonds », Bess se désole : « Je dois être horrible ». Et de se renseigner illico auprès de l’aubergiste : « Y aurait-il un endroit où nous pourrions faire un brin de toilette et nous donner un coup de peigne ? » Bien sûr, l’auberge est vétuste et ancienne, mais, tout de même, on y trouve des chambres où l’on peut « se recoiffer et remettre un peu d’ordre » dans sa tenue.

Peggy Bell, une Cendrillon décoiffée

La pupille des Jammes se nomme Peggy Bell. Comme Cendrillon, Peggy sert le couple Jammes, sans que ceux-ci montrent à son égard la moindre parcelle d’amour. Des coups de brosse, voilà sa récompense, lorsque Peggy s’attarde un peu trop à discuter avec Alice. Pleine de ressources, Peggy n’hésite pas à jouer du seau et de la serpillère pour empêcher les importuns de venir tracasser Abel. Et hop, un « flot d’eau sale » pour décourager Jacob Sidney (un héritier un peu trop pressé d’obtenir son dû) de tracasser Abel et une « épaisse couche de savon » (« Avec tout ce savon, vous risqueriez de glisser ! ») pour le faire fuir...

Abel Sidney, un Père Noël à la longue chevelure argentée

Abel Sidney est un vieil excentrique qui vit reclus, au sommet de la vieille tour adossée à l’auberge. De « longs cheveux d’argent », une « barbe neigeuse étalée sur la poitrine », Abel ressemble, à s’y m’éprendre, au Père Noël. Peggy prend soin de lui ; Abel veille sur elle. Tous deux vivent en bonne harmonie. Dans la chambre d’Abel, des « dizaines de chandeliers portant des bougies » allumées. Une atmosphère « étouffante », liée à la « lourde odeur de suif chaud », règne dans la petite pièce. Lorsqu’Alice et ses amies arrivent à l’auberge, Abel s’apprête à fêter son anniversaire de manière solitaire, en soufflant ses 100 bougies. Comment expliquer une telle longévité s’interroge Alice. Pas de solution miracle, selon Abel, qui ironise sur les propos tenus par certains. « Vous allez avoir un vieil imbécile qui prétend qu’il lui a suffi de ne jamais manger de viande, tandis qu’à mille kilomètres de là, un autre nigaud vous dira que s’il est devenu centenaire, c’est précisément parce qu’il n’a jamais mangé que de la viande. » Pour Abel, pas d’explication scientifique, mais plutôt une malédiction qui l’a amené à survivre à tous ceux qu’il chérissait.

Sous des allures misérables, Abel est, en réalité, un homme richissime, qui a caché sa fortune dans une foule de cachettes, toutes marquées du signe d’une « bougie torse ». Abel, le roi de la bougie, a déposé brevet sur brevet sur son sujet de prédilection : les chandelles sur base de « suif et de cire d’abeille ». Dans sa chambre, un amoncellement de « marmites, de chaudrons, de bassines, de moules à bougies » témoignent de sa passion pour cet art.

La richesse d’Abel est connue de sa famille (les Banks et les Sidney) qui lorgne sur un héritage, qui ne devrait pas tarder à venir ! Les Jammes, quant à eux, sont également bien décidés à dépouiller le vieil homme et ce aussi bien de son vivant qu’une fois mort.

Heureusement, Abel réussira à rédiger son testament et à le faire authentifier par James Roy (le père d’Alice), avant de s’éteindre doucement... comme une bougie !

Et un bon bain

Des allées et venues, Alice va en faire entre son domicile de River City et l’auberge des Bougies-Torses. Des tentatives d’enlèvement (Alice se fait chloroformer par un inconnu), des discussions vives... L’affaire est complexe et harassante. Un « bon bain » et « un vrai déjeuner », de temps en temps, pour recharger les batteries et Alice est prête à affronter les héritiers en folie.

Alice et le chandelier, en bref

En guise de cosmétiques, une seule et unique référence : un savon, utilisé ici comme produit ménager et non comme produit de beauté. L’hygiène des marches d’escalier préoccupe vivement Peggy, lorsqu’il faut créer un barrage pour protéger son vieil ami ! Ce roman, où les odeurs de suif brûlé et les « effluves âcres » d’un soporifique s’entrecroisent comme à plaisir, n’est guère agréablement parfumé. Un certain Hastings (petit clin d’œil à Agatha Christie) vient en aide à Alice. Et comme d’habitude, tout se terminera dans la joie et la bonne humeur. Et le trio Bess, Marion et Alice sortira de l’aventure plus soudé et fort que jamais.

Bibliographie

1 Quine C., Alice et le chandelier, Bibliothèque verte, Hachette, 1980, 182 pages

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