> 24 février 2020
On peut se poser la question de savoir à partir de quel âge il est pertinent d’utiliser un produit « anti-âge » ? Puisqu’en la matière la seule prévention possible est l’évitement des causes extrinsèques (tabac, expositions aux UV naturels ou artificiels intempestives, déséquilibres alimentaires et carences), la question est de savoir quand va-t-on utiliser une crème pour peaux matures ? Comme il n’y a pas de consensus sur l’âge précis de la maturité cutanée (!) chaque marque positionne le curseur à sa guise et choisit une icône particulière pour nous indiquer si nous sommes (ou pas !) concernées.
Les laboratoires Clarins ont choisi Claudia Maria Ferreira da Costa pour la promotion de leur nouvelle crème nutri-Lumière Jour, une « Innovation pro-ageing », « en faveur des peaux matures ». Mannequin et escrimeuse, cette Brésilienne fête aujourd’hui son anniversaire et, par là-même, ses 58 printemps (indice précieux pour connaître l’âge du public ciblé). Elle fait partie de la silver generation, ces femmes qui assument totalement leurs mèches grises… voire blanches.
En matière de composition, on se rappellera qu’une bonne crème anti-âge est avant tout une bonne crème hydratante et qu’elle doit être formulée avec des substances anti-déshydratantes telles que des huiles et des beurres, par exemple, associées à des humectants (glycérine et glycols variés) et à des hydratants vrais (urée, acide lactique, acide pyrrolidone-carboxylique, acides aminés). On pourra ajouter d’une manière opportune des antioxydants/antiradicalaires comme la vitamine E (tocophérol) ou la vitamine C (acide ascorbique) ou bien encore des substances d’origine végétale comme les polyphénols.
Nous avions déjà évoqué le double sérum et ses 21 extraits de plantes,1 pour lequel il n’y avait pas tout à fait le compte… Nous allons donc voir si, cette fois, les 17 extraits de plantes annoncés sont bien présents… Mais avant, nous allons rechercher les autres ingrédients qui interviennent dans le phénomène d’hydratation. On retrouve ainsi la glycérine en bonne place (2e position de la liste des ingrédients) ou encore le propanediol. Parmi les anti-déshydratants, on identifie un mélange de triglycérides désignés sont le nom INCI de « Caprylic/capric triglycerides », une silicone (dimethicone), de l’huile de jojoba et du beurre de karité. Cette préparation manque cruellement d’agents hydratants vrais.
Passons maintenant aux extraits végétaux annoncés et voyons si, à défaut de compter jusqu’à 21, Clarins sait peut-être compter jusqu’à 17…
Nous avons déjà évoqué l’huile de jojoba… cela fait 1 et le beurre de karité, cela fait 2.
Le 3e, c’est l’extrait de graines d’avoine (Avena Sativa Kernel Extract).
Et voilà qu’arrive en 4e l’extrait de marronnier d’Inde, connu tout particulièrement pour ses propriétés veinotoniques.2 Sa présence peut donc parfaitement se justifier ici dans la mesure où l’on sait que le processus de vieillissement cutané s’accompagne de troubles de la microcirculation. Son action est complétée par de l’aescine (INCI : escine) pure. Cette dernière est le principe actif retrouvé à la dose de 1 %, en association avec un anti-inflammatoire non stéroïdien dans le gel Reparil, un médicament indiqué en cas d’entorse et de contusions.
Il est suivi d’assez loin par l’extrait de bois harongue ou haronga (5e donc) qui vient du Burkina-Faso. Cette plante est utilisée en médecine traditionnelle dans un certain nombre de pays africains.3 Les extraits, dont la toxicité semble faible, renferment des alcaloïdes, des saponines et des flavonoïdes responsables de leur activité antioxydante.4
Cet extrait est talonné par l’extrait de kalanchoé (6e), déjà identifié dans le double sérum.1
Juste après, c’est l’extrait de marrube blanc (7e) qui pointe le bout de ses feuilles. Comme les autres extraits, il est connu pour ses propriétés antioxydantes.5
Il nous reste à identifier l’huile de dattier du désert (8e) en quantité tout à fait négligeable, deux extraits d’algues, l’algue lombric (9e) dont on sait qu’elle contient des galactanes à propriétés gélifiantes et de l’histamine (ce qui n’est pas une bonne chose !)6,7 et le wakamé (Undaria pinnatifida - 10e) dont le fucoïdane pourrait avoir un certain intérêt chez les peaux atopiques8 et une pincée d’extrait de lampsane commun (11e) et ses guaianolides, des glycosides de lactone sesquiterpénique.9
Enfin, a été ajouté un « peptide biomimétique, dérivé de l’hormone de jeunesse, la thymopoïétine » et présenté comme capable d’augmenter les défenses de la peau et d’aider à la régénération de l’épiderme, l’acétyl-tétrapeptide-2 qui, associé au dextran, est disponible chez le fournisseur d’ingrédients Lucas Meyer, sous le nom commercial de Thymulin®4BG. Le fournisseur préconise une dose d’emploi comprise entre 2 et 10 %10... nous en sommes (très !) loin ici…
Si une certaine efficacité n’est pas à dénier à ce produit du fait des antidéshydratants présents, des humectants et des antioxydants, il manque des actifs hydratants… et surtout quelques extraits végétaux pour être en conformité avec l’annonce publicitaire !
Tout escrimeur sait que le premier qui marque 15 touches a gagné la partie… ici il fallait 17 touches et Clarins n’en a que 11… A la fin de l’envoi, notre Regard touche... et blesse légèrement cette crème qui nous trouble en matière d’actifs végétaux sélectionnés.
Il ne nous en reste pas moins à souhaiter un très « Bon anniversaire » à Mme Claudia Maria Ferreira da Costa !
Bibliographie
1 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/double-serum-clarins-quel-salmigondis-837/
2 Anonyme. Aesculus hippocastanum : monography. Alternative Medicine Review, 2009, 14 (3) 278-283
3 Kengni F, Fodouop SP, Tala DS, Djimeli MN, Fokunang C, Gatsing D. Antityphoid properties and toxicity evaluation of Harungana madagascariensis Lam (Hypericaceae) aqueous leaf extract.J Ethnopharmacol. 2016, 179, 137-145.
4 Antia BS, Ita BN, Udo UE. Nutrient Composition and In Vitro Antioxidant Properties of Harungana madagascariensis Stembark Extracts. J Med Food 2015, 18 (5) 609-614.
5 Amri B, Martino E, Vitulo F, Corana F, Kaâb LB, Rui M, Rossi D, Mori M, Rossi S, Collina S. Marrubium vulgare L. Leave Extract: Phytochemical Composition, Antioxidant and Wound Healing Properties. Molecules. 2017, 22 (11).
6 Truus K, Vaher M, Usov AI, Pehk T, Kollist A. Gelling galactans from the algal community of Furcellaria lumbricalis and Coccotylus truncatus (the Baltic Sea, Estonia): a structure-property study. Int J Biol Macromol. 1997, 21 (1-2) 89-96.
7 Andersson L, Bohlin L. Studies of swedish marine organisms. III. Procedure for the isolation of the bioactive principle, histamine, from the red alga Furcellaria lumbricalis (Huds.) Lamour. Acta Pharm Suec. 1984, 21 (6) 373-376.
8 Yang JH. Topical application of fucoidan improves atopic dermatitis symptoms in NC/Nga mice. Phytother Res. 2012, 26 (12) 1898-1903.
9 Fontanel D, Galtier C, Debouzy JC, Gueiffier A, Viel C. Sesquiterpene lactone glycosides from Lapsana communis L. subsp. communis. Phytochemistry. 1999, 51 (8) 999-1004.
10 https://www.lucasmeyercosmetics.com/en/taxonomy/term/455?page=2
Composition
Crème Nutri-Lumière Jour Clarins : AQUA. GLYCERIN. CAPRYLIC/CAPRIC TRIGLYCERIDE. PROPANEDIOL. SQUALANE. SIMMONDSIA CHINENSIS (JOJOBA) SEED OIL. DIMETHICONE. BUTYROSPERMUM PARKII (SHEA) BUTTER. C14-22 ALCOHOLS. C12-16 ALCOHOLS. FRUCTOSE. PALMITIC ACID. C12-20 ALKYL GLUCOSIDE. HYDROGENATED LECITHIN. PARFUM/FRAGRANCE. ACRYLATES/C10-30 ALKYL ACRYLATE CROSSPOLYMER. CAPRYLYL GLYCOL. HEXYLRESORCINOL. AVENA SATIVA (OAT) KERNEL EXTRACT. DISODIUM EDTA. ESCIN. TOCOPHERYL ACETATE. AESCULUS HIPPOCASTANUM (HORSE CHESTNUT) EXTRACT. BUTYLENE GLYCOL. SODIUM HYDROXIDE. TOCOPHEROL. XANTHAN GUM. HARUNGANA MADAGASCARIENSIS EXTRACT. KALANCHOE PINNATA LEAF EXTRACT. MARRUBIUM VULGARE EXTRACT. SODIUM BENZOATE. CITRIC ACID. BALANITES ROXBURGHII SEED OIL. POTASSIUM SORBATE. PHENETHYL ALCOHOL. FURCELLARIA LUMBRICALIS EXTRACT. UNDARIA PINNATIFIDA EXTRACT. CI 14700/RED 4. LAPSANA COMMUNIS FLOWER/LEAF/STEM EXTRACT. MARIS SAL/SEA SALT/SEL MARIN. ACETYL TETRAPEPTIDE-2. DEXTRAN.
Retour aux regards