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Une crème contre la patte d’oie pour résister à la marche au pas de l’oie !

> 14 octobre 2023

Une crème contre la patte d’oie pour résister à la marche au pas de l’oie !

Curieux roman que celui de l’Américain Todd Strasser.1 Un professeur d’histoire y tente une expérience afin de démontrer, preuves à l’appui, qu’il est assez facile d’instaurer une dictature pour peu que l’on ait un minimum de charisme. Et du charisme, le professeur en question n’en manque pas. Cet homme va ainsi créer un groupe obéissant, un groupe qui respecte la « discipline parfaite » mise au point à son intention. Le slogan du groupe : « La Force par la Discipline, la Force par la Communauté. ». Le logo : une « vague ». Le signe de reconnaissance : un salut effectué de la main droite, simulant une vague allant mourir sur l’épaule gauche de chaque membre. Et puis, bien sûr une carte de membre. Et pour certains membres appartenant à l’élite, l’obligation de dénoncer toute personne « qui ne respecte pas » les règles édictées.

Au départ, l’idée semble séduisante. Former un groupe soudé, où chacun pourra progresser sans être gêné par les autres. Mais rapidement, l’on s’interroge sur la pureté des sentiments de ce drôle de professeur d’histoire…

Tout commence par un bel après-midi

Le temps est splendide ; les élèves boudent la salle de rédaction du journal de l’école, le Gordon Grapevine, pour jouer au frisbee ou parfaire « leur bronzage » ! Tout est normal dans cette école où les élèves arrivent régulièrement en retard, oublie de faire leurs devoirs…

Ben Ross, le dictateur migraineux

Ben Ross est un professeur d’histoire très investi, très « charismatique », qui adore son métier et cherche à intéresser ses élèves, quoi qu’il en coûte.

Ainsi, lorsqu’il s’est intéressé au sujet des Indiens, il a vécu, toute une période, « mocassins » aux pieds. Dès qu’un sujet commence à l’intéresser, Ross ne vit plus comme d’habitude. Dans sa période indienne, sa femme a même craint de le voir rentrer à la maison le corps couvert « de peintures de guerre » !

Donc logiquement, vu le bonhomme, quand il aborde le régime hitlérien… le voilà qui décide de se glisser dans la peau d’un dictateur, pendant une semaine, histoire de montrer à ses élèves qu’il est facile de manipuler un groupe, lorsque l’on sait actionner les bons leviers. Tout cela, c’est bien joli sur le papier… mais, dans la réalité, cela donne des migraines effroyables. Dans la pharmacie de la salle des profs, Ben trouve « toutes les marques d’aspirine existantes et autres remèdes contre les maux de tête », dans la mesure où la migraine constitue LA maladie de l’enseignant ! « Il prit un tube de plastique et fit tomber trois cachets dans le creux de sa main. »

Christy Ross, la femme du dictateur migraineux

La femme de Ben Ross, Christy, est professeur de musique, dans le même lycée que son époux. Une jolie jeune femme qui brosse, chaque soir, « ses longs cheveux auburn » avec soin et enduit son visage de « crème », avant de se mettre « confortablement » au lit (« Christy reposa sa brosse et se passa de la crème sur le visage. »). Une femme ordrée, méthodique, qui referme « son pot de crème » soigneusement après l’avoir utilisé. Une enseignante qui se demande bien dans quel pétrin son cher et tendre a bien pu se fourrer…

Laurie Saunders, celle qui fait des vagues, en refusant d’adhérer à la vague

Laurie Saunders, une jolie lycéenne aux « cheveux châtains coupés court », est aussi belle qu’intelligente. Première de sa classe de terminale, Laurie est la rédactrice du journal de son école.

Grâce à ce journal, elle va entrer en résistance, en publiant des articles anti-vague ! Ceux-ci lui vaudront de voir son casier vandalisé ! A la peinture rouge, Laurie est désignée comme une « ennemie » !

Alex Cooper et Carl Block, les anti-vague de la classe

Comme Laurie, Alex et Carl ont refusé de s’encarter au groupe de « La vague » ! Plein d’humour, les jeunes gens ironisent en se proposant de créer un mouvement contestataire dénommé… « L’écume » !

Pour eux, pas question de perdre leur liberté… Alex se mettrait bien à crier : « Qu’on me donne la liberté ou qu’on me donne de l’acné », en plein cours, en matière d’acte de résistance. (« Ben quoi ? L’acné, c’est pire que la mort, non ? »)

La mère de Laurie, une histoire de patte d’oie qui tombe à pic

Très attentive à sa fille, la mère de Laurie est également attentive à son aspect. Chaque soir, c’est le même rituel : « Le contour de ses yeux semblait graisseux, signe qu’elle venait de se passer de la crème anti-rides. » Ce geste quotidien amuse fort Laurie, qui ne peut s’empêcher de la taquiner : « Alors, maman, comment vont les pattes-d’oie, demanda Laurie sur le ton de la plaisanterie. » Mme Saunders se rebiffe, aussitôt… ce genre de rides arrive plus vite qu’on ne le pense : « Un jour, répondit-elle le doigt tendu, un jour, ça ne te fera plus rire. »

Attentive à son aspect, aimant les cosmétiques et plutôt fine mouche, cette Mme Saunders, qui met en garde sa fille contre cette « secte » qui sévit au lycée Gordon.

Robert Billings, une histoire de souffre-douleurs qui devient leader

« Le souffre-douleur de la classe » se nomme Robert Billings. Toujours dépeigné, Robert ne prend guère soin de lui. Pourtant, quand Ross commence à instaurer une discipline de fer dans sa classe, il change du tout au tout, veillant à se regarder dans le miroir « pour se coiffer ».

Le lycéen est désormais un membre comme les autres (et même un peu plus, puisqu’il propose d’être le « garde du corps » du leader du mouvement « La vague ») et non plus un paria. Intégré à « La vague », Robert est complimenté par ses camarades (du jamais vu !), au point de lui faire « piquer un fard » !

Le principal Owens, une main de fer dans un océan pédagogique !

Très ouvert ce principal, qui laisse Ben Ross réaliser son expérience. Les parents commencent à se plaindre. Les collègues commencent à critiquer. Pourtant, Owens permet à Ben de continuer son travail pédagogique sans même « lui passer un savon » ! Et tout finira bien !

La vague, en quelques mots

Un mouvement dont le chef a instauré une discipline de fer dans une classe de terminale. Les élèves ne s’adressent plus à leur enseignant, qu’après avoir effectué un salut simulant une vague, qu’en utilisant des termes choisis…

Un mouvement, qui donne de la cohésion mais ne résout, toutefois, pas tous les problèmes… En sport, on a beau appartenir à la vague, on peut se prendre une raclée durant un match de foot… « La vague n’était pas un médicament miraculeux. »

La vague, en bref

Pour « créer une société meilleure » en apparence, Ben Ross a mis en place un mouvement pour le moins dictatorial. Tout marche comme prévu. Les membres sont nombreux. Gare à qui souhaite conserver sa liberté. Démonstration est faite qu’il ne faut pas longtemps pour voir tout le monde (ou presque) filer doux. L’expérience se termine sans trop de casse (il y a tout de même eu un élève agressé)… La morale de cette histoire tient dans un pot de crème pour le contour des yeux !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Strasser T., La vague, Pocket Nathan, 2022, 177 pages

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