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Un suave parfum Chypre impérial pour faire rêver les petites filles !

> 13 juin 2024

Un suave parfum Chypre impérial pour faire rêver les petites filles !

Le rêve de Caroline de Lucie Rauzier-Fontayne est un joli conte qui met en scène des personnages qui, par la magie de l’auteur, se rencontrent, alors qu’ils n’étaient absolument pas destinés à se croiser.1 Il y a une vieille demoiselle acariâtre, qui refuse d’accueillir la petite fille de son frère, devenue orpheline. Il y a une cantatrice qui, sur un coup de tête, a quitté son époux et le regrette fort. Il y a un jeune orphelin qui revient de Polynésie et a bien du mal à s’acclimater à la vie sur le continent. Enfin, il y a Caroline Mercadier, l’héroïne de ce roman. Toutes les pièces du puzzle vont se mettre en place, permettant au lecteur de comprendre que tous sont indispensables à tous et que le bonheur n’est pas un plat qui se déguste en solitaire !

Précisons que cette histoire se déroule à Fontanès en Occitanie, à la fin du XIXe siècle, vers les années 1870.

Une belle inconnue qui sent bon le parfum

Tout commence avec l’arrivée d’une belle inconnue dans un charmant village français. La jeune femme, « élégante et très belle », avec ses yeux « couleur de bleuet », arrive sur les coups de 5 heures par la diligence. De tout son être se dégage un « suave parfum », qui surnage tant bien que mal dans un habitacle surchauffé, où l’odeur de sueur prédomine.

La belle inconnue, qui déclare s’appeler Mme Fargier, va être hébergée par deux sœurs, les épicières Emilie et Léa Pincemaille ; toutes deux vont prendre soin de leur locataire et tenter d’effacer son chagrin avec des petits plats soignés. Car, oui, très rapidement, Emilie et Léa se rendent compte que Mme Fargier souffre d’une blessure secrète.

Elles s’interrogent, d’ailleurs, sur les mœurs de leur pensionnaire. Ont-elles bien fait d’accueillir sous leur toit une jeune femme qui utilise un cosmétique « très inquiétant »… de la « poudre de riz ». Pas des tonnes, toutefois… « Un peu de poudre de riz sur la figure » ! Donc une poudre de riz inquiétante et un parfum « guère convenable » ! Un parfum qui répond au doux nom de « Chypre impérial », qui effarouche les épicières, mais ravit d’aise les enfants du village, qui aiment à humer la bonne odeur de la belle dame.

La belle inconnue est, en réalité, une personne très connue, puisqu’il s’agit de la cantatrice Laura Fauvel. L’épouse du célèbre ténor italien Aldo Floriani est venue s’enterrer dans ce petit bled, suite à une dispute avec son cher et tendre.

Reconnue par un admirateur un soir de bal, Laura comprend enfin qu’Aldo est l’amour de sa vie et qu’il la cherche désespérément, depuis sa fuite inopinée.

Une vieille demoiselle qui sue l’ennui

Melle Elisabeth Rousson-Roux vit dans une grande et vieille demeure isolée, la Merlière, avec pour seule compagne, une vieille bonne, du nom de Césarine. Un héritage providentiel arrive à propos pour redonner le lustre d’antan aux belles pièces du domaine. Reste à convaincre la vieille dame d’accueillir sa petite nièce Céline dans la belle maison remise à neuf.

Reste aussi à organiser un bal, afin que la vieille femme qui s’est isolée au fil des ans retrouve les plaisirs des rapports sociaux.

Un jeune garçon de 14 à 15 ans qui coupe ses cheveux

Tout commence avec l’arrivée d’un jeune garçon accompagné de son père. Tous deux descendent à Fontanès de la même diligence que la belle et énigmatique inconnue.

Maxime Domergue, hébergé avec son père chez un vieux capitaine, son grand-père, s’ennuie à mourir, jusqu’à ce qu’il fasse la connaissance des sœurs Mercadier (Nathalie, Caroline, Valérie, Juliette et Delphine, dite Finette) qui vivent juste à côté. Il faut dire que le jeune garçon regrette amèrement les paysages de Polynésie qu’il vient de quitter, suite à un terrible typhon.

Lorsque nous découvrons Maxime, il possède encore de jolies boucles brunes. Celles-ci seront coupées impitoyablement à son entrée au lycée. « Ses cheveux coupés très courts changeaient sa physionomie et le faisaient paraitre plus âgé. » « Tondu comme les prés à la fenaison », le pauvre garçon peine à être reconnu par ses petites voisines, qui trouvent que la coupe ne lui sied guère.

Le berger Ezéchiel qui a plein de bon sens

Ce brave berger est toujours là pour venir en aide aux plus démunis. C’est grâce à son entremise que les enfants Mercadier arriveront à ramollir le cœur de Melle Elisabeth.

Et des savons dans l’épicerie des sœurs Pincemaille

Dans ce petit village, les deux sœurs vendent de tout… Cette « épicerie-mercerie-bazar-parfumerie » regorge de références, pour le plus grand bonheur des villageois, qui y trouvent aussi bien du « café fraichement grillé », que des « savonnettes » ou des champignons déshydratés.

Et une tournure qui inquiète sa propriétaire

Pour le bal organisé par Melle Elisabeth, Nathalie a été autorisée à se faire faire une nouvelle robe, avec du tissu fourni par une grand-tante. La couturière, très au courant des modes, a mis « une petite tournure », au niveau du postérieur de la jeune fille… « C’est la mode, vous savez. » Et la couturière de faire « bouffer la soie », afin de lui donner toujours plus de volume ! Pas sûr que cela plaise à Madame-mère !

Et une mère très sévère

Sophie Mercadier, la mère des 5 filles, élève ses rejetons dans la plus grande sévérité, afin d’en faire des jeunes filles bien sous tous rapports. Pour ce faire, elle interdit toute coiffure particulière (« Malheureusement, je ne sais pas si maman te permettra la tournure, remarqua Valérie. De même qu’elle n’admet pas qu’on se frise, quand le Créateur vous a gratifiée de mèches plates, de même je doute fort qu’elle te laisse doubler d’ampleur d’une certaine partie de ta personne. ») Afin de pouvoir aller au bal dans cet appareil, Nathalie n’a plus qu’une solution : ne jamais se retourner et toujours se présenter de face vis-à-vis de sa mère !

Cette mère sévère, qui passe son temps à « doucher » l‘enthousiasme de ses filles, est pourtant une mère aimante qui cache sa tendresse derrière une épaisse carapace.

Et une coiffeuse au bord de la crise de nerfs

Afin de coiffer toutes les dames et demoiselles du village invitées au bal, une coiffeuse est venue de la ville, pour réaliser des coiffures sophistiquées. « Son travail n’était pas une sinécure, car la mode se distinguait alors par une extrême complication. Franges frisées, échafaudages de boucles, chignons, torsades, « anglaises », groupées sur la nuque et revenant gracieusement de chaque côté du cou, chacun de ces édifices de cheveux représentait un petit chef-d’œuvre, fort long à réaliser. » L’artiste capillaire a, évidemment, fort à faire avec toutes ses clientes d’un jour.

Le rêve de Caroline, en bref

Caroline a rêvé à un château de la Merlière remis à neuf… c’est fait. Elle a tout fait pour que la petite Céline retrouve un foyer… c’est fait. Elle a gardé le secret de l’identité de la belle inconnue… c’est dommage, car, sans cela, on aurait gagné du temps.

Cet ouvrage instructif nous parle d’un temps révolu, d’une éducation sévère qui ne laissait la place ni à l’orgueil, ni à la douceur. Les demoiselles se débarbouillent à l’eau froide et possèdent de solides mains de fermière, ce qui n’empêche pas Maxime de rêver du temps où il pourra retrouver sa chère Polynésie, en compagnie d’une Nathalie, devenue son épouse. Réjouissant !

Bibliographie

1 Rauzier-Fontayne L., Le rêve de Caroline, Hachette, 1955, 189 pages

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