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Un peu de pommade... pour un premier amour, c’est chez Tourgueniev

> 20 septembre 2020

Un peu de pommade... pour un premier amour, c’est chez Tourgueniev

De quoi parlent les hommes entre eux ? D’amour, de leur premier amour...1 celui-ci est parfois pathétique ! Vladimir Pétrovitch en a fait très tôt la dure expérience. A 16 ans, ce jeune homme va se trouver en rivalité, sans le savoir, avec son père, un « jeune et beau garçon » à la « taille svelte » et aux « boucles à peine clairsemées » qui a fait un mariage de raison (ou plutôt totalement déraisonnable quand on connaît le caractère de son épouse) avec une femme de 10 ans son aînée. La jeune élue a 21 ans, est parfumée à souhait et capricieuse comme pas deux ! Elle se nomme Zinaïda et est la fille de la princesse Zassekine, une femme vulgaire et sale au possible.

Vladimir, un coeur à prendre

A 16 ans, Vladimir sent les ailes de l’amour frémir autour de lui. Il en a le « pressentiment à moitié conscient », « la prescience de quelque chose d’inédit, d’infiniment doux et féminin ». Trois semaines après son installation dans une villa moscovite sa tranquillité - elle est toute relative - est dérangée par l’arrivée de voisines, la princesse Zassekine et sa fille Zinaïda. Celle-ci est âgée de 21 ans et se plaît à torturer le coeur de ses soupirants. Ils sont quatre à subir ses caprices et à tenter de la séduire.

Vladimir, des cheveux à pommader

Première rencontre, premier réflexe. Vladimir a à peine aperçu sa belle voisine qu’il ne se sent plus de joie. « Au moment de me coucher, je fis trois pirouettes sur un pied - sans savoir pourquoi - et me pommadai les cheveux ». Par la suite, Vladimir se pommade et se repommade pour paraître à son avantage : « Avant le dîner, je repommadai mes cheveux [...] ».

Vladimir, une « peau trop délicate »

Le docteur Louchine est visiblement accro au parfum de Zinaïda. Il le juge toutefois vénéneux et fort peu adapté à un tout jeune homme à la peau encore trop délicate. Chez la princesse l’air que l’on respire est malsain et peut être comparé à celui d’une serre surchargée en fleurs odoriférantes. « L’air de la serre chaude est saturé de parfums, mais nul ne peut y vivre ».

Zinaïda Alexandrovna, un coeur volage

Zinaïda a les « yeux gris », « les dents blanches », « les cheveux flous dorés ». Elle s’amuse avec ses soupirants, le beau comte Malevsky, le docteur Louchine, le poète Maïdanov, le capitaine en retraite Nirmatzky et le hussard vérolé Belovzorov, et les frappe au front « avec une de ces fleurs grises dont le nom m’échappe mais que les enfants connaissent bien : elles forment des petits sachets qui éclatent avec bruit quand on leur fait heurter quelque chose de dur. » Ces tendres amoureux ont certainement la tête dure pour continuer à faire la cour à une jeune fille aussi peu respectueuse. Les coups de balsamine - également appelée impatiente -2 prodigués par la belle montre trop bien la patience de ces hommes subjugués par la beauté de Zinaïda.

Zinaïda, des touffes de cheveux à pleine main

Le père de Vladimir a semble-t-il tourné la tête de Zinaïda... Elle n’est plus aussi légère et rieuse qu’auparavant. Elle arrache des touffes de cheveux de Vladimir sans même s’en rendre compte. « Je vais mettre vos cheveux dans mon médaillon et les porter toujours sur moi, me dit-elle en guise de consolation. »

Une triangulaire amoureuse et malheureuse

Vladimir, son père et Zinaïda forme un trio amoureux malheureux. Quelle comédie lorsque Madame mère se rend compte du penchant de son époux pour sa belle voisine ! C’est la guerre et une attaque d’apoplexie pour le mari. Vladimir, quant à lui, va noyer son chagrin dans les études.

Conseil d’un père à un fils : se méfier de l’amour d’une femme, un véritable poison.

Depuis ce premier amour, Vladimir a-t-il gardé l’habitude de « pommader » et de « repommader » ses cheveux. Tourgueniev ne nous le dit pas !

Bibliographie

1 Tourgueniev I. Premier amour, Les éditions du chêne, 1959, 272 pages

2 https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9I0329

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