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Un Mouthwash free alcohol january, qu’est-ce que c’est ?

> 17 janvier 2024

Un Mouthwash free alcohol january, qu’est-ce que c’est ?

L’alcool est un agent anti-plaque incontestable et incontesté,1 qui n’exerce pas d’effet délétère sur l’émail dentaire.2 L’alcool est un agent anti-halitose incontestable et incontesté.3 L’alcool est un agent cancérigène par voie orale via ses métabolites, l’acétaldéhyde et le méthanol.4 L’alcool est un ingrédient cosmétique muti-fonctions,5 retrouvé aussi bien dans les produits de protection solaire que dans les bains de bouche. A l’occasion de ce mois du Dry January où l’on nous propose de nous passer d’alcool le plus possible, nous nous sommes posé la question de savoir s’il serait bien de réaliser un mouthwash free juanary. Réponse en un clignement de paupière !

Les bains de bouche modernes, c’est toujours mieux que l’urine !

L’utilisation de bain de bouche destiné à purifier l’haleine ne date pas d’hier, comme nous l’indique un certain nombre de documents. Les bains de bouche, également appelés solutions anti-plaque à la mode de nos jours, ont été précédés, d’un point de vue historique, par des solutions plus pittoresques dans certains cas. Voilà 2000 ans que les individus, en quête d’une bouche et d’une haleine irréprochables, s’astreignent à se rincer la bouche avec des préparations de compositions diverses et variées. L’ancêtre du bain de bouche consiste en une matière première biologique étonnante… l’urine d’enfant et même plus précisément de nouveau-né !6 Qualité de l’haleine garantie ? Pas si sûr que cela !

A la fin du XIXe siècle, le phénol fait son entrée sur la scène bucco-dentaire, permettant ainsi d’aseptiser la cavité buccale et d’éviter ainsi toute gingivite. D’autres antiseptiques sont également préconisés pour la réalisation de ces bains de bouche qui sont présentés par les dentistes non comme un substitut au brossage des dents (la brosse à dents reste pour le Dr Miller l’outil indispensable pour assurer la propreté et la conservation des dents et ceux qui n’ont pas l’énergie de se les brosser et comptent uniquement sur quelques glouglous antiseptiques s’en mordront un jour les doigts), mais comme un complément. L’alcool est le solvant le plus souvent utilisé. Il permet d’exercer un effet antiseptique et de solubiliser des molécules elles-mêmes antiseptiques comme le thymol, l’acide benzoïque, le salol (c’est-à-dire du salicylate de phénol), diverses huiles essentielles7 Certains professionnels de santé n’en reviennent pas du prix exorbitant demandé par les fabricants pour des préparations baptisées eaux dentifrice ou bains de bouche. Ces professionnels proposent alors dans la littérature scientifique des formules-maisons faciles à réaliser et coûtant… deux bouchées de pain. A ce titre, on pourra citer cette solution alcoolique renfermant de l’esprit de vin, associé à de la teinture de quillaia (ou bois de Panama), à du salicylate de méthyle, à des huiles essentielles de bergamote, de thym, de géranium, à de la vanilline et de la saccharine.8

Les « élixirs » dentifrices ou eaux dentifrices constituent, selon le pharmacien René Cerbelaud, un pharmacien qui se plaît, au début du XXe siècle, à décrypter les compositions cosmétiques, des « dissolutions d’essences, d’extraits de fleurs, de produits synthétiques, de médicaments, de colorants dans l’alcool à 90° étendu d’eau. L’alcool préconisé est de l’alcool de vin « bien rectifié » ou « à défaut de l’alcool de riz désodorisé ».9

Au milieu du XXe siècle, les sels fluorés s’invitent timidement dans les bains de bouche ; il faut dire que l’effet anti-caries de ces ingrédients actifs vient d’être démontré.10,11

Les bains de bouche alcoolisés modernes, c’est ce que l’on fait de mieux

C’est du moins ce qui ressort d’une publication brésilienne de 2008. Bien sûr, certaines personnes ne peuvent pas y avoir recours ; ce sont les personnes alcooliques, les enfants et les personnes qui ressentent une brûlure trop intense en utilisant ce genre de produits. Pour le reste, le bain de bouche alcoolisé, associé à un brossage biquotidien et à l’emploi de fil dentaire, constitue le trio gagnant en matière de prophylaxie de la carie dentaire.12 Voilà c’est dit !

Les bains de bouche ingurgités, un danger pour les enfants

Ingurgiter 10 à 30 mL de bain de bouche alcoolisé lorsque l’on est âgé de deux ans… n’est pas une excellente idée. C’est ce que nous dit une publication datant de 1998. Un bain de bouche, qui renferme de l’alcool à une teneur de 22 % ; une alcoolémie qui est de 94 mg/dL. Denning milite donc à ce titre pour une réduction de la teneur en alcool dans les bains de bouche. Des cosmétiques qui contiennent des teneurs élevées en alcool et sont vendus sans licence ! Des accidents surviennent, de temps à autre, suite à l’ingestion par des enfants de cette catégorie de produits cosmétiques posés sur la tablette de la salle de bain. Des décès sont, en effet, à déplorer tel celui de ce petit garçon de 4 ans qui avait consommé un demi flacon de bain de bouche.13 La littérature médicale rapporte un certain nombre de situations mettant le bain de bouche alcoolisé au centre d’accidents domestiques14 et considère, à juste titre, que ce type de produits attractifs, au même titre que les parfums, ne doit pas être laissé en libre accès pour les enfants.15,16

Notons que lorsqu’un bain de bouche est ingurgité, on est dans le cas d’un mésusage, puisque le bain de bouche est destiné à être recraché !

Les bains de bouche ingurgités, un danger pour les adultes

Les bains de bouche constituent, selon la littérature scientifique, un substitut de l’alcool dans les endroits où celui-ci est interdit (hôpital, prison, caserne). Une publication allemande en fait état, en 2013 et se montre assez rassurante (trop à notre avis), quant aux effets sur la santé de ce type de comportement, tout en pointant du doigt des éléments fort peu rassurants. Il y a bien sûr les effets de l’éthanol, qui sont mis en avant, mais aussi les effets de certains actifs associés, comme le menthol, l’eucalyptol, l’acide benzoïque ou le salicylate de méthyle. Les auteurs considèrent, que dans le pire des cas (personne ingérant 100 g d’alcool par jour), la DJA de salicylate de méthyle sera dépassée d’un facteur 17… entre autres.17 Ce qui n’est pas rien !

Les bains de bouche recrachés, un danger pour les adultes ?

On se pose, depuis de nombreuses années, la question de l’effet cancérigène de l’alcool lorsque celui-ci est administré, quotidiennement, sous la forme d’un bain de bouche en contenant. Une étude de la littérature incluant 8 articles et 43 499 participants a permis, en mars 2022, de relativiser les choses, tant les facteurs responsables de ce type de cancers sont nombreux. Toutefois, les facteurs pouvant influencer le risque de développer un cancer de la bouche, suite à l'utilisation de bains de bouche alcoolisés, mis en évidence dans ce travail, comprennent une fréquence importante d’utilisation de ce genre de produits (plus de trois fois par jour), une durée totale d'utilisation élevée (plus de 35 ans), une mauvaise hygiène bucco-dentaire (ce qui est un comble pour des personnes qui ont passé une partie de leur vie à se nettoyer la bouche avec ce genre de produit) ; d’autres facteurs de risque comme par exemple, le tabagisme et la consommation d'alcool sont également pointés du doigt.18-20 D’autres publications du même genre hésitent à conclure, indiquant que l’alcool des bains de bouche, sans être le responsable N°1 de ce type de cancer, peut se surajouter à d’autres facteurs de risque, augmentant ainsi le risque de développer un cancer de la cavité buccale.21

La plupart des travaux aboutissent à une conclusion similaire, relativisant la dangerosité de ce type de produits.22,23

Mais, il faut signaler que les travaux les plus anciens (ou moins récents) sur le sujet sont beaucoup plus à charge, concernant les bains de bouche renfermant un pourcentage élevé d’alcool.24,25

En ce qui concerne le passage de l’éthanol dans le sang, certaines études démontrent que l’utilisation de manière « intensive » de bains de bouche alcoolisés (bains de bouche contenant 21,6 % d’éthanol, utilisé 4 fois par jour pendant 12 jours) se traduit, selon les individus, par une absence de détection de phosphatidyléthanol dans le sang ou bien par la présence de ce marqueur à des doses variables allant de 4 à 14 ng/mL.26

En ce qui concerne ses métabolites retrouvés dans les urines, les résultats sont différents selon les échantillons considérés, selon les auteurs considérés aussi. Ainsi, certains concluent que l’utilisation d’un bain de bouche contenant 12 % d’éthanol utilisé 3 fois par jour peut entraîner la détection dans les urines d’éthylglucuronide à hauteur de 50 ng/mL, ce qui traduit bien un passage systémique de cet ingrédient.27,28 D’autres auteurs montrent, quant à eux, que le rinçage de la bouche par un bain de bouche alcoolisé ne se traduit pas toujours par la détection de métabolites de l’éthanol dans les urines.29

La chlorhexidine, un bon substitut de l’alcool

La chlorhexidine est, comme on le sait, un très bon substitut de l’éthanol, en matière d’effet anti-plaque.30

La curcumine, le chitosan… d’autres substituts

Des alternatives à l’alcool sont étudiées en matière d’effet antiseptique (vis-à-vis de Candida en particulier) ; les candidats efficaces contre Candida sont entre autres la curcumine et le chitosan.31,32

L’absence de substitut, le meilleur substitut

Certaines publications récentes remettent l’accent sur un concept déjà un peu ancien selon lequel les antiseptiques retrouvés dans les bains de bouche (bien qu’efficaces pour éviter la formation de la plaque dentaire) sélectionnent les germes présents au niveau de la cavité buccale, sélection qui peut être tout à fait intéressante ou sélection qui peut être préjudiciable pour l’hôte, lorsque les germes sélectionnés ne sont pas les plus sympathiques du monde. Ceci entraine la conclusion suivante pour des auteurs anglais, américains, australiens et allemands : l’antiseptique idéal devrait équilibrer la flore buccale, tout en luttant contre les bactéries responsables de maladies bucco-dentaires ; un concept simple en théorie, mais complexe en pratique, l’idéal n’existant pas.33

Alors Mouthwash alcohol free january or not ?

Les bains de bouche alcoolisés sont efficaces pour lutter contre la plaque dentaire, ce biofilm qui fait le lit de la carie et constitue un réservoir de bactéries cariogènes. Ces bains de bouche peuvent être utilisés en toute quiétude, dès lors que l’on réalise quelques pauses, afin d’éviter d’exposer sa cavité buccale en permanence à l’éthanol. Il existe des substituts possibles, n’hésitons pas à les rechercher ! Pour autant, ne faisons pas sortir cette catégorie de produits cosmétiques trop vite de nos vies, ils sont bien trop utiles. Alors une pause OUI ; un abandon total et définitif NON ! Une question de bon sens comme d’habitude !

Bibliographie

1 Marchetti E, Mummolo S, Di Mattia J, Casalena F, Di Martino S, Mattei A, Marzo G. Efficacy of essential oil mouthwash with and without alcohol: a 3-day plaque accumulation model. Trials. 2011 Dec 15;12:262

2 Pelino JEP, Passero A, Martin AA, Charles CA. In vitro effects of alcohol-containing mouthwashes on human enamel and restorative materials. Braz Oral Res. 2018 Mar 15;32:e25

3 Jameel RA, Khan SS, Kamaruddin MF, Abd Rahim ZH, Bakri MM, Abdul Razak FB. Is synthetic mouthwash the final choice to treat oral malodour? J Coll Physicians Surg Pak. 2014 Oct;24(10):757-62

4 Obe G, Ristow H. Mutagenic, cancerogenic and teratogenic effects of alcohol. Mutat Res. 1979 Dec;65(4):229-59

5 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/31401

6 Van der Weijden FA, Van der Sluijs E, Ciancio SG, Slot DE. Can Chemical Mouthwash Agents Achieve Plaque/Gingivitis Control? Dent Clin North Am. 2015 Oct;59(4):799-829

7 Miller WD. An Attempt to Construct an Antiseptic Mouthwash. Indep Pract. 1888 Apr;9(4):175-182

8 The Mouthwash: Some Points in the Hygiene of the Teeth. Hospital (Lond 1886). 1907 Jun 29;42(1086):340

9 Cerbelaud R., Formulaire des principales spécialités de parfumerie et de pharmacie, Paris, 1912, 1190 pages

10 ROBERTS JF, BIBBY BG, WELLOCK WD. The effect of an acidulated fluoride mouthwash on dental caries. J Dent Res. 1948 Aug;27(4):497-500

11 BOSSERT WA, DUNNING JM. Salivary dilution of 1-1000 sodium fluoride solution used as a mouthwash. J Dent Res. 1945 Dec;24:311-4

12 Lemos CA Jr, Villoria GE. Reviewed evidence about the safety of the daily use of alcohol-based mouthrinses. Braz Oral Res. 2008;22 Suppl 1:24-31

13 Denning Z. More alcohol. J Accid Emerg Med. 1998 Jan;15(1):70

14 Rayar P, Ratnapalan S. Pediatric ingestions of house hold products containing ethanol: a review. Clin Pediatr (Phila). 2013 Mar;52(3):203-9

15 Bradford DE. Alcohol and the young child. Alcohol Alcohol. 1984;19(2):173-5

16 Weller-Fahy ER, Berger LR, Troutman WG. Mouthwash: a source of acute ethanol intoxication. Pediatrics. 1980 Aug;66(2):302-5

17 Lachenmeier DW, Monakhova YB, Markova M, Kuballa T, Rehm J. What happens if people start drinking mouthwash as surrogate alcohol? A quantitative risk assessment. Food Chem Toxicol. 2013 Jan;51:173-8

18 Carr E, Aslam-Pervez B. Does the use of alcohol mouthwash increase the risk of developing oral cancer? Evid Based Dent. 2022 Mar;23(1):28-29

19 Cole P, Rodu B, Mathisen A. Alcohol-containing mouthwash and oropharyngeal cancer: a review of the epidemiology. J Am Dent Assoc. 2003 Aug;134(8):1079-87

20 La Vecchia C. Mouthwash and oral cancer risk: an update. Oral Oncol. 2009 Mar;45(3):198-200

21 Ustrell-Borràs M, Traboulsi-Garet B, Gay-Escoda C. Alcohol-based mouthwash as a risk factor of oral cancer: A systematic review. Med Oral Patol Oral Cir Bucal. 2020 Jan 1;25(1):e1-e12

22 Aceves Argemí R, González Navarro B, Ochoa García-Seisdedos P, Estrugo Devesa A, López-López J. Mouthwash With Alcohol and Oral Carcinogenesis: Systematic Review and Meta-analysis. J Evid Based Dent Pract. 2020 Jun;20(2):101407

23 Gandini S, Negri E, Boffetta P, La Vecchia C, Boyle P. Mouthwash and oral cancer risk quantitative meta-analysis of epidemiologic studies. Ann Agric Environ Med. 2012;19(2):173-80

24 Zunt SL, Beiswanger BB, Niemann SS. Mouthwash and oral cancer. J Indiana Dent Assoc. 1991 Nov-Dec;70(6):16-9

25 Werner CW, Seymour RA. Are alcohol containing mouthwashes safe? Br Dent J. 2009 Nov 28;207(10):E19; discussion 488-9

26 Reisfield GM, Teitelbaum SA, Jones JT, Mason D, Bleiweis M, Lewis B. Blood Phosphatidylethanol Concentrations Following Regular Exposure to an Alcohol-Based Mouthwash. J Anal Toxicol. 2021 Nov 9;45(9):950-956

27 Costantino A, Digregorio EJ, Korn W, Spayd S, Rieders F. The effect of the use of mouthwash on ethylglucuronide concentrations in urine. J Anal Toxicol. 2006 Nov-Dec;30(9):659-62

28 Reisfield GM, Goldberger BA, Pesce AJ, Crews BO, Wilson GR, Teitelbaum SA, Bertholf RL. Ethyl glucuronide, ethyl sulfate, and ethanol in urine after intensive exposure to high ethanol content mouthwash. J Anal Toxicol. 2011 Jun;35(5):264-8

29 Høiseth G, Yttredal B, Karinen R, Gjerde H, Christophersen A. Levels of ethyl glucuronide and ethyl sulfate in oral fluid, blood, and urine after use of mouthwash and ingestion of nonalcoholic wine. J Anal Toxicol. 2010 Mar;34(2):84-8

30 Karamani I, Kalimeri E, Seremidi K, Gkourtsogianni S, Kloukos D. Chlorhexidine Mouthwash for Gingivitis Control in Orthodontic Patients: A Systematic Review and Meta-Analysis. Oral Health Prev Dent. 2022 Jun 28;20(1):279-294

31 Mahattanadul S, Mustafa MW, Kuadkaew S, Pattharachayakul S, Ungphaiboon S, Sawanyawisuth K. Oral ulcer healing and anti-Candida efficacy of an alcohol-free chitosan-curcumin mouthwash. Eur Rev Med Pharmacol Sci. 2018 Oct;22(20):7020-7023

32 Mustafa MW, Ungphaiboon S, Phadoongsombut N, Pangsomboon K, Chelae S, Mahattanadul S. Effectiveness of an Alcohol-Free Chitosan-Curcuminoid Mouthwash Compared with Chlorhexidine Mouthwash in Denture Stomatitis Treatment: A Randomized Trial. J Altern Complement Med. 2019 May;25(5):552-558

33 Brookes Z, Teoh L, Cieplik F, Kumar P. Mouthwash Effects on the Oral Microbiome: Are They Good, Bad, or Balanced? Int Dent J. 2023 Nov;73 Suppl 2(Suppl 2):S74-S81

 

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