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Quand Francis Fitzgerald fait parler la poudre !

> 04 février 2024

Quand Francis Fitzgerald fait parler la poudre !

Chez Francis Fitzgerald, on se croirait chez Eric Rohmer ou chez Woody Allen, l’amour y est d’un compliqué ! Une jeune fille new-yorkaise tombe amoureuse d’un jeune garçon du Sud, un certain Charley Kincaid.1 L’amour est réciproque. Mais, malheureusement, Charley est déjà fiancé à Marie Bannerman. Marie qui folâtre avec Joe Cable, un très beau garçon, pas très sérieux. Joe Cable est, faut-il le préciser, le fiancé de Catherine Jones, qui ne plaisante pas avec les histoires d’infidélité ! Un baiser échangé entre Marie et Joe met le feu aux poudres. Catherine, folle de jalousie, tire sur Marie, qui s’écroule, morte sur le coup !

Marie Bannerman, un vrai pot de poudre de riz !

Une « vraie beauté », qui ne sait pourtant ni s’habiller, ni se maquiller. « Il s’en fallait d’un rien pour que Marie Bannerman soit une vraie beauté - c’était une question de vêtements, qu’elle n’aurait pas dû porter, de rouge rosé, trop violent, dont elle se peignait les joues, comme deux taches brûlantes, alors qu’elle se poudrait le menton et le nez avec un blanc presque cadavérique. » Bref, une belle brune, aux cheveux « soyeux », qui aurait mérité des conseils en matière d’image de soi, via le relooking.

Catherine Jones, un vrai pot de blush !

« Une très jolie fille au regard vif », qui recouvre son épiderme d’une « telle couche de rouge », que l’on n’arrive pas à savoir son âge. 18 ans ? 25 ans ? Les paris sont ouverts dans le petit groupe d’amis qui entoure Catherine. Une danseuse enragée, celle-là, qui se couvre parfois le visage d’une poudre « jaune », pour donner, à sa peau, une teinte hâlée et qui danse le charleston avec une belle frénésie.

Katie Goldstein, la femme de chambre noire, qui fait parler la poudre !

Katie Goldstein n’est autre que l’ancienne nourrice de Catherine Jones. Lorsque Catherine a besoin de son aide, elle ne se défile jamais. Afin de créer un alibi à celle qu’elle considère comme sa fille, Katie tire un coup de feu en l’air, lorsque le silence se fait juste lorsque Catherine, devant une foule de témoins, s’arrête de danser le charleston. De cette façon, impossible d’imputer le crime de Marie ! Sauf que celui-ci a été perpétré bien avant ce dernier coup de feu !

Le vestiaire, le lieu où l’on fait parler la poudre !

Lors des soirées entre jeunes, au Country Club, les jeunes filles se rendent régulièrement aux vestiaires « pour vérifier leur maquillage » et y apporter des retouches, si nécessaire. Un nuage de poudre, sans nul doute !

L’enquêtrice, une bonne couche de poudre pour masquer une nuit d’insomnie

La jeune fille amoureuse de Charley Kincaid - la narratrice de la nouvelle dont on ne connait pas le nom - réussit à trouver le fin mot de l’affaire, une nuit d’insomnie. Avant d’aller tout raconter au shérif, une étape-maquillage est indispensable. « A neuf heures, le lendemain matin, après avoir camouflé sous une couche de maquillage, dont je n’avais jamais eu besoin jusque-là, et dont jamais plus je n’ai eu besoin, le teint blafard que m’avait donné l’insomnie, j’ai grimpé l’escalier branlant qui conduit au bureau du shérif Abercrombie. »

Et une happy end

Catherine a tué Marie par jalousie. La place est désormais libre pour la narratrice, qui va pouvoir convoler en injustes noces avec le fiancé de son ancienne rivale. Lors de la lune de miel, la jeune femme retrouve l’arme du crime dans… son « sac de golf » ! C’est là que Katie l’avait fourré, en toute hâte, une fois le coup de feu-alibi tiré !

La danse, en bref

Dans cette courte nouvelle, Francis Fitzgerald ne nous laisse pas le temps de faire tapisserie sur le bord de la piste de danse. L’orchestre est survolté. Les couples dansent ou s’embrassent à perdre haleine, dans le parfum doucereux des corps surchauffés, des visages poudrés. Il fait chaud ; les âmes sont exaltées… Et le shérif ne semble guère porter attention à son arme de service. Un drame rapide, concis, circonstancié. Le malheur des uns fait le bonheur des autres ! Et quand la poudre parle chez Fitzgerald, difficile de dire si celle-ci sort d’un révolver agressif ou d’un inoffensif poudrier !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Fitzgerald F.S., La danse in Un diamant gros comme le Ritz et 26 autres nouvelles ; Eds France Loisirs, 2011, 772 pages

 

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