> 28 janvier 2018
Armande Fauconnier est secrètement amoureuse de Maxime Degouthe. Il y aurait de quoi s’inquiéter, si cela n’était pas réciproque, mais ce n’est pas le cas. Le seul problème est lié à la timidité des deux protagonistes qui n’osent pas s’avouer leurs sentiments (Armande, 1943).
Cette nouvelle, petit clin d’œil à Emmanuel Bove, auteur du roman intitulé « Armand » (https://www.babelio.com/livres/Bove-Armand/13830) s’intéresse à une famille de pharmaciens, les Debove (comme par hasard !) qui vendent des produits de leur composition.
Armande aime à flâner à la Grande Pharmacie du Centre. Elle y vient pour faire ses achats, mais, surtout, pour y prendre des nouvelles de Maxime. « Tant qu’elle n’avait pas pu placer son « Et votre frère ? » elle ne s’en allait pas. Elle attendait. En attendant, elle achetait de l’aspirine, des pâtes pectorales, des tubes de lanoline, de l’eau de toilette, de la teinture d’iode... ». La femme du pharmacien, Jeanne, qui tient la boutique n’a aucun intérêt à lui répondre trop vite... Plus elle tarde à la renseigner... plus la liste des « courses » s’allonge !
Armande possède un teint parfait. Elle est « juste assez brune, juste assez blanche, longue, lisse comme une poire. » Au niveau du front, « sa peau est un peu bleue. » « Dans la pénombre des stores, ses joues et son cou prenaient la couleur des terres cuites très claires. » On dirait vraiment qu’elle utilise une Terracotta, afin d’obtenir cet effet (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/terracotta-de-guerlain-de-l-argile-des-origines-au-compact-de-demain-352/).
Armande est un parfum à elle toute seule. Alors que Maxime gît, assommé par le lustre de l’entrée, Armande s’affaire autour de lui. Revenu à lui, Maxime respire l’odeur de sa bien-aimée : « Mais il ne pouvait fuir l’odeur de chevelure noire, de peau échauffée, le santal qu’exhalent les brunes saines. »
Chez Armande tout est joli. Même lorsqu’elle fait la lessive, elle est douée d’une grâce particulière. « Les mouchetures de savon blanc dans ses cheveux noirs » font ressortir l’éclat de sa chevelure.
Maxime, quant à lui, est un poète dans l’âme. Pour lui, la nature est source de parfums ineffables. La vase est décrite de manière gourmande par cet épicurien qui serait capable de nous vendre la boue la plus infâme pour un masque véritablement divin : « La vase, cette argile gris perle, si douce aux orteils nus, mystérieusement musquée [...]. »
Maxime est grand amateur de bain (« Je ne m’en irai pas sans mon bain. »). S’il aime la propreté et les cosmétiques, il est beaucoup plus réticent en ce qui concerne les cosmétiques produits par son beau-frère ! Il « usa avec précaution d’une eau de toilette inventée par son beau-frère le pharmacien roux. » Maxime (son nom de famille est Degouthe) ne goûte pas « les parfums de Roger », vis-à-vis desquels il est très sévère : « quand ils ne sentent pas la fourmi écrasée, ils sentent le mauvais cognac. »
Maxime est également amateur de brillantine. La domestication de ses cheveux est difficile car ses « gros cheveux sont indociles, ondés ». Ils constituent « un vigoureux pelage qui aimait mieux être debout que couché. »
Colette n’est décidément pas Georges Brassens. Pour l’écrivain, Armande rime avec gourmande (son visage ne ressemble-t-il pas à une poire savoureuse ?), avec lavande (elle est belle, même lorsqu’elle fait la lessive à grands renforts de savon), avec demande (Maxime finira bien par faire sa demande en mariage) et c’est tout... Point de trivialité dans cette nouvelle où tout est bien qui finit bien !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour avoir réuni aujourd'hui Colette et Brassens !