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Les peptides, quelle place occupent-ils en cosmétologie ?

> 27 janvier 2018

Les peptides, quelle place occupent-ils en cosmétologie ? Si le concept du dermocosmétique ou du cosméceutique (si l’on veut utiliser du franglais) est déjà un peu ancien, il est toujours d’actualité mais ne possède, toujours pas pour autant, de statut réglementaire (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/les-cosmeceutiques-ou-les-dermocosmetiques-made-in-us-150/). Chacun est donc libre de lui donner la définition qui lui plaît le mieux. Pour bon nombre de personnes, les dermocosmétiques sont des cosmétiques plus « actifs » et plus « sûrs » que les autres, ce qui a de quoi faire sourire, le concept de cosmétique « inactif » et « totalement dangereux » n’étant, en revanche, revendiqué par aucune société, ce que l’on comprend aisément.

En 2009, dans un article intitulé « Cosméceutiques et peptides », Lijuan Zhang et Thimoty Falla voient dans les dermocosmétiques des produits possédant une activité biologique susceptible d’être démontrée scientifiquement. La catégorie d’actifs qui leur semble emblématique dans ce cas correspond aux peptides, des molécules très en vogue alors. Ils dénombrent, pour l’heure, 25 substances possédant des propriétés diverses et variées. Il s’agit de molécules qui interfèrent avec différents processus cutanés : prolifération cellulaire, migration cellulaire, inflammation, angiogenèse, mélanogenèse, synthèse et régulation de la synthèse protéique… On peut citer comme exemple le tripeptide-2 qui entraîne une stimulation de la synthèse des fibres de collagène présentes au niveau de la matrice extracellulaire constitutive du derme, par inhibition de la MMP-1, une métalloprotéinase matricielle responsable du vieillissement cutané. On peut citer également le cas de l’acétylpeptide-1, agoniste de la MSH (melanocyte stimulating hormon) qui, de ce fait, augmente la synthèse de mélanine. Le tripeptide-1, en inhibant la glycosylation (réaction qui aboutit à une rigidification de la molécule concernée) du collagène, présente un intérêt dans le domaine de l’anti-âge. Le pentapeptide-3 et son effet botox-like mime les enképhalines, et par là-même, œuvre dans le sens d’une jeunesse éternelle. Ajoutez à cela le palmitoyl-oligopeptide, une molécule susceptible de mimer l’activité de l’acide rétinoïque, et vous retrouverez la peau de velours que vous possédiez tout bébé (Lijuan Zhang, Timothy J. Falla, Cosmeceuticals and peptides, Clinics in Dermatology, 27, 5, 2009, 485-494).

Chaque peptide est identifié sous un nom de guerre différent qui ne révèle pas sa composition en acides aminés. La consultation du Cosing, à leur sujet, s’avère extrêmement décevante. On y lit, par exemple, que l’ingrédient dont le nom INCI est acetyl tetrapeptide-11 est le produit de réaction de l’acide acétique et du tétrapeptide-11. Il est présenté comme un agent conditionneur, ce qui ne renseigne pas sur son activité biologique propre. C’est en faisant de la bibliographie à son sujet que l’on apprend qu’il s’agit d’un actif anti-âge qui agit en stimulant la prolifération des kératinocytes (Anna Olejnik, Grzegorz Schroeder, Izabela Nowak. The tetrapeptide N-acetyl-Pro-Pro-Tyr-Leu in skin care formulations—Physicochemical and release studies, International Journal of Pharmaceutics, 492, Issues 1–2, 2015, 161-168).

Pour exercer une action au niveau de récepteurs ou de molécules présents au niveau cellulaire, une pénétration transdermique s’impose. Sachant que les premières cellules vivantes rencontrées par les ingrédients constituant les cosmétiques sont les kératinocytes de la couche de Malpighi, une migration verticale est indispensable. Si l’on cherche à atteindre le derme, il faudra encore progresser. L’excipient aura, dans ce cas, toute son importance. Une étude réalisée en 2014 sur des fragments de peau humaine et de peau de cochon d’Inde nu montre que le phénomène de pénétration transdermique n’est pas chose aisée pour cette catégorie d’ingrédient. Une émulsion H/E renfermant 10% d’acétyl hexapeptide-8 fut appliquée à raison de 2 mg/cm² sur les deux types d’explants, montés sur une cellule de diffusion. Après 24 heures de mise en contact, les fragments cutanés sont rincés afin d’éliminer tout ce qui n’a pu être absorbé. Dans les 2 cas (peaux humaine ou animale), c’est au niveau du Stratum corneum que l’on retrouva le peptide en plus grande concentration. Le taux était de 0,54 % dans le cas du cochon d’Inde et de 0,22% dans le cas de l’échantillon humain. Le taux retrouvé au niveau de l’épiderme vivant n’était que de 0,01%. Le derme était exempt d’acétylhexapeptide-8 (Margaret E. K. Kraeling, Wanlong Zhou, Perry Wang & Oluwatosin A. Ogunsola, In vitro skin penetration of acetyl hexapeptide-8 from a cosmetic formulation, Cutaneous and ocular toxicology, 34, 1, 2015). Une autre étude réalisée, cette fois-ci, sur membrane de cellulose montre que, dans le cas du tétrapeptide-11, l’excipient le plus favorable à la pénétration transdermique n’est pas, contre toute attente, l’émulsion mais l’hydrogel ! (Anna Olejnik, Grzegorz Schroeder, Izabela Nowak. The tetrapeptide N-acetyl-Pro-Pro-Tyr-Leu in skin care formulations—Physicochemical and release studies, International Journal of Pharmaceutics, 492, Issues 1–2, 2015, 161-168).

Les peptides occupent une place particulière dans le domaine cosmétique. Doués de propriétés biologiques diverses et variées, ils sont susceptibles de trouver de nombreuses applications dans le domaine de la lutte contre le vieillissement cutané, dans le domaine de l’éclaircissement du teint ou bien au contraire du bronzage. Leur implication dans les mécanismes cellulaires mérite que l’on s’y attarde ; elle mérite également que la réglementation s’en mêle !

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