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Pas de muguet chez Francis… même un 1er mai !

> 01 mai 2024

Pas de muguet chez Francis… même un 1er mai !

Le 1er mai de Francis Fitzgerald n’est pas l’occasion pour lui de nous offrir un bouquet de muguet, à la suave senteur, mais plutôt de nous inonder du parfum amer d’un conte qui finit une balle dans la tempe. Pas simple d’être heureux chez ce loulou-là !1

Le luxe ou le dénuement, pas de milieu chez Fitzgerald !

Dans cette courte nouvelle, Fitzgerald se plait à nous désigner les poignets de chemise élimés de l’un et les nombreuses chemises en soie de l’autre.

Philip Dean vit dans le luxe. Il est beau et en bonne santé. Il prend des douches, s’habille avec soin, coordonnant au mieux chemise et cravate. Tout sourit à ce jeune homme, qui n’aime rien tant que de se faire « raser », « coiffer », avant de s’octroyer un « bon massage » !

Gordon Sterrett vit, quant à lui, dans la pauvreté. Il est d’aspect quelconque. Il vient de perdre son emploi et vient quémander un peu d’argent à son ami. Cet argent, il le doit à une femme de petite vertu, Jewel Hudson. Philip ne lui donnera pas un centime !

Philip et Gordon se connaissent, depuis les bancs de la fac. Tous deux sont issus de Yale, la prestigieuse université américaine !

Edith, extrêmement belle, le must pour Fitzgerald

Une peau de soie, des bas de soie, une vie dans la soie !

Edith est l’ex-petite amie de Gordon. Depuis la guerre, elle n’a plus de nouvelles de lui, mais elle en a gardé une image parfaitement idéalisée. Lorsqu’Edith arrive au bal organisé par les anciens de Yale, elle n’est guère de joyeuse humeur. En effet, son cavalier, Peter Himmel, a tenté de l’embrasser… sans délicatesse. Alors, qu’elle « a passé l’après-midi chez le coiffeur », afin de pouvoir arborer une coiffure extraordinairement sophistiquée, voilà que ce gros lourdaud se prend le coude dans l’échafaudage capillaire. Une attitude, évidemment, inqualifiable ! Une attitude qui fait pâlir Edith de rage ("Pâle sous son maquillage »), qui ne décolère pas.

Par ailleurs, Edith répond aux critères de beauté de son époque. Ses bras et ses épaules, dont elle est très fière, sont poudrés, afin de paraitre les plus blancs possible. Sa peau irradie littéralement d’un « éclat blanc mat » ! Ces bras marmoréens ressortent à merveille sur le noir des robes de soirée, qui l’entourent.

Belle, Edith est belle. Edith est riche. Une rousse à peau laiteuse. Avec des lèvres bien rouges (« Son rouge à lèvres était vraiment beau ») et des yeux bleus.

Edith est sûre de sa beauté. Sûre de sa capacité à séduire les hommes. « Je sens bon, se dit-elle simplement, et puis une autre pensée lui vint : je suis faite pour l’amour. »

Edith veut se marier… tout simplement !

En fin de soirée, elle se rend compte qu’elle a perdu Gordon (celui-ci n’est plus celui d’autrefois) et que sa coiffure est à l’agonie, prête à « s’écrouler d’une minute à l’autre ». L’horreur absolue, en somme !

La salle de bal, une haleine chargée comme on en trouve souvent chez Fitzgerald

La salle de bal où Gordon et Edith se retrouvent, après des années de séparation, est une salle au « parfum lourd », du fait des « allers et venues des jeunes femmes parfumées », « beaucoup trop fardées », qui papillonnent à droite et à gauche. « De riches parfums et la poussière lourde de souvenirs de poudres parfumées » assaillent les narines de Gordon. Celui-ci n’est plus guère habitué à se déplacer au milieu d’effluves variés, allant de l’odeur de cigarette à « l’odeur excitante, stimulante, douce », mais, également, « un peu inquiétante », des fragrances féminines, transportées par toute une cohorte de jeunes femmes, plus jolies les unes que les autres. Le modeste Gordon se retrouve ainsi propulsé dans un « bal mondain », sans l’avoir vraiment voulu.

Et une pièce qui se vide

Une pièce, qui paraît « se vider aussi vite qu’un lavabo » ! C’est dire !

Le 1er mai, en bref

Une soirée arrosée, où l’on ne sait plus trop ce que l’on fait. On est bien chez Fitzgerald !

Et voilà Gordon marié à Jewel, pour la vie. Pour la vie ? Pas si sûr que cela… lorsque l’on constate, qu’à peine éveillé, notre Gordon se précipite sur son révolver, afin de se loger une balle dans le crâne. La vie n’est pas simple chez Fitzgerald que l’on soit un 1er mai ou un autre jour !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Fitzegerald F.S., Le 1er mai in Un diamant gros comme le Ritz et 26 autres nouvelles ; Eds France Loisirs, 2011, 772 pages

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