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Pas d’eau de Cologne pour un évadé, élémentaire !

> 11 mai 2024

Pas d’eau de Cologne pour un évadé, élémentaire !

Une ferme-prison, perdue dans une exploitation de pins à résine.1 Deux cent sept prisonniers entassés dans des baraquements. Des forçats, qui sont là pour de longues peines, tel le brave M. Schaeffer, respecté de tous, censé devoir purger 99 ans de peine, assortie d’un jour supplémentaire pour le plaisir. Et puis des jeunes qui ne font que passer et qui ont écopé de courtes peines. Des liens qui se créent ; des vies qui se croisent le temps d’une peine, le temps de se faire de la peine !

M. Schaeffer, le tueur au regard si doux !

Il est maigre ; il est roux. Il est doux. Il sait lire et met cette compétence au service de la collectivité. 50 ans et seulement 17 années de prison effectuées. Il en reste encore beaucoup… par derrière. Il faut dire que M. Schaeffer a tué un homme !

Tico Feo, le délinquant aux doigté si doux !

Il est jeune ; il est blond ; il est Cubain et a écopé de 2 ans d’emprisonnement, suite à une bagarre dans un bar, sans mort d’homme. Il a 18 ans ; une beauté fascinante, avec des « yeux comme des stries de ciel » et des cheveux dorés, comme « de l’or des dents du capitaine » (ce capitaine est un garde-chiourme plutôt jovial, qui ne cherche noise à personne).

Dans son foulard, Tico a réuni tous ses trésors : un « rosaire », « une bouteille d’eau de Cologne « Soir de Paris », un miroir de poche, la carte du monde ». Et puis, aussi, une guitare couverte de strass. Une guitare dont il régale ses colocs, dès que faire se peut.

Une prise de conscience douloureuse

Lorsque Tico débarque au campement, M. Schaeffer prend, subitement, conscience du vide de sa vie.

Et une odeur de prisonniers

Dans le dortoir, les hommes s’entassent. Un « endroit morne, ranci par l’odeur des prisonniers. »

Et une absence d’odeur nécessaire

Tico a décidé de se faire la malle et d’embarquer avec lui l’ami Schaeffer. Repérant une rivière propice à brouiller les recherches canines, Tico exulte. « Dans l’eau pas d’odeur, énonça soigneusement Tico Feo se répétant une chose qu’il aurait entendue. On courra dans l’eau, et puis la nuit nous grimpons dans un arbre. Oui, Mister. »

Afin de sentir le moins possible, Tico abandonne son flacon d’eau de Cologne, le jour du départ. Il « n’ouvrit pas la bouteille d’eau de Cologne » !

La guitare de diamants, en bref

M. Schaeffer s’est blessé au pied en courant. Il reste donc sur le carreau, alors même que Tico disparait de sa vie. Tico ne laisse à son ami qu’un flacon de parfum et une guitare mal accordée. La vie de M. Schaeffer s’achève le jour où celle de Tico commence ! Ainsi va la vie chez Truman Capote.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Capote T., La guitare de diamants in Petit déjeuner chez Tiffany, Folio, Gallimard, 2010, 188 pages

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