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On arrête les blagues avec les arêtes de poisson !

> 03 juillet 2023

On arrête les blagues avec les arêtes de poisson !

Un vent de folie semble souffler sur le monde de la recherche en matière de protection solaire. On cherche de nouveaux filtres UV et pour ce faire on se met à vider tous les tiroirs de la salle de bain avec frénésie.

Le domaine bucco-dentaire est ainsi mis à contribution.

Certains auteurs voudraient, par exemple, nous faire prendre notre bon vieux carbonate de calcium pour un filtre UV de dernière génération. Avec un SPF compris entre 1 et 2, on repassera !1

D’autres auteurs creusent aussi dans la direction des ingrédients destinés à formuler des dentifrices. Les phosphates sont ainsi présentés comme d’excellents candidats. Le phosphate de calcium connu agent abrasif, anti-plaque et agent de contrôle de la viscosité,2 le phosphate de zinc, lui aussi agent anti-plaque3 et le phosphate de manganèse, pour l’instant inconnu de l’inventaire européen, ont ainsi été étudiés sous la lorgnette « anti-UV » !

Résultat exceptionnel obtenu avec le phosphate de calcium qui permet de doubler les performances d’un filtre UV comme l’octocrylène. Une préparation contenant 20 % d’octocrylène (SPF = 40,6) se transforme en une véritable bombe antisolaire (SPF 80,8) une fois ce filtre UV associé à cette substance !4

Sauf que…

L’octocrylène est un filtre UV réglementé qui ne peut pas être utilisé à plus de 9 % dans les produits sous forme d’aérosols et à plus de 10 % dans les autres produits.5 Alors un usage à 20%, même pas en rêve !

L’octocrylène est un filtre UV qui ne permet d’obtenir qu’une unité SPF par pourcentage d’emploi (ce qui est tout à fait honorable).6 Alors un SPF de 40 avec seulement de l’octocrylène, même pas en rêve !

Transformer un agent abrasif de dentifrice en « booster » de SPF de compétition, quelle drôle d’idée ! En utilisant une loupe surpuissante qui lit « 40 » à la place de « 10 », tout est possible… mais ce n’est vraiment pas sérieux !

Parue en novembre 2022 cette publication n’est apparemment pas une blague du 1er avril… L’intention était louable (valoriser des arêtes de poisson en leur assurant une seconde vie pour la protection de la peau des sirènes !) ; malheureusement les résultats sont totalement folkloriques !

Le upcycling des arêtes de poisson dans le domaine de protection solaire… un rêve ! Rien de plus !

Bibliographie

1 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/un-dentifrice-n-est-pas-un-produit-solaire-n-en-deplaise-a-certains-2592/

2 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=32340

3 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=92142

4 Adamiano A, Carella F, Degli Esposti L, Piccirillo C, Iafisco M. Calcium Phosphates from Fishery Byproducts as a Booster of the Sun Protection Factor in Sunscreens. ACS Biomater Sci Eng. 202214;8(11):4987-4995. 

5 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02009R1223-20221217

6 Couteau C, Pommier M, Paparis E, Coiffard LJ. Study of the efficacy of 18 sun filters authorized in European Union tested in vitro. Pharmazie. 2007;62(6):449-452.

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