> 20 décembre 2023
Dans la littérature scientifique, le polyester est multiple, tant il est obtenu à partir de monomères différents. Il est pourtant désigné sous un nom unique, polyester, mais il n’en reste pas moins énigmatique, car il faut se pencher sur sa composition pour voir que celle-ci n’est pas deux fois de suite la même.1,2 Munis d’un motif « ester » (obtenu par réaction entre un acide et un alcool) répété x fois, les polyesters sont des polymères de composition variable, puisque l’on peut choisir toutes sortes d’acides et d’alcools pour leur donner naissance. Selon le cas, ces polymères sont plus ou moins nouveaux ou anciens, plus ou moins biodégradables ou biopersistants, plus ou moins adaptés au domaine cosmétique. Un sujet mystérieux dont nous allons soulever un coin du voile, histoire de comprendre un peu de quoi l’on parle lorsque l’on prononce le mot de polyester.
Ce sont les chimistes Whinfield et Dickson de la Calico Printers' Association de Manchester qui sont à l’origine de la découverte du PET, en 1941. La société DuPont se charge alors d’en produire pour les États-Unis, alors que l’Imperial Chemical Industries en répand sur le reste du monde.3 Obtenu à partir d’un acide (l’acide téréphtalique) et d’un diol (l’éthylèneglycol), le polyester porte bien son nom.
En matière d’implants de pontage, cette fibre appelée couramment « polyester » est utilisée. Ce « polyester » ou polytéréphtalate d’éthylène ou Dacron® est toujours d’actualité, 70 ans après son invention.4 On lui doit beaucoup ; on peut donc la remercier.
Ce PET est le thermoplastique le plus abondant de la famille des polyesters ; il représente environ 10 % de tous les plastiques synthétiques présents sur le marché.5 Actuellement, des efforts sont réalisés afin de pouvoir recycler ce plastique, grâce à des méthodes biotechnologiques, utilisant des enzymes produites par certaines souches de Pseudomonas.6
Cet ingrédient émarge à l’inventaire européen sous le nom INCI de « polyethylene terephthalate » ; sa fonction correspond à un rôle « filmogène »,7 ce qui ne traduit pas l’ensemble de ses fonctions cosmétiques. En effet, il s’agit du constituant de base des paillettes,8 le support sur lequel on fixe colorants, nacrants… ; le PET s’invite donc dans les produits de maquillage de fête9,10 et constitue, dans certains cas, l’ingrédient recommandé pour la formulation de produits d’hygiène DIY (savons, bombes de bain),11 pour le moins extravagants. Pour le visage, le corps ou les cheveux,12 le PET fait pétiller tout ce qu’il touche ! Mais ce n’est pas tout, il s’immisce également dans les mascaras13 (attention les yeux !) ou certains rouges à lèvres14 (hum, quel bon goût de polyester !).
Sorti des creusets de Carothers, en 1932, le polymère de bas poids moléculaire initialement obtenu (son coût est élevé et ses qualités médiocres), chez DuPont, est amélioré, au fil du temps, puis breveté en 1954. A partir des années 1960, ce polymère fait ses débuts sur la scène médicale, puisqu’il entre dans le monde fermé des sutures et implants osseux.15
En 2023, à l’inventaire européen, l’acide polylactique n’émarge pas sous le nom de polyester, mais sous le nom INCI de polylactic acid16 et avec la fonction d’agent « abrasif ». Polyester… il l’est, ce polymère obtenu par répétition d’unités monomères à type d’ester (la fonction acide d’un acide lactique réagissant avec la fonction alcool de l’acide lactique voisin).
Il s’agit d’un polyester, qui peut être qualifié de « thermoplastique aliphatique linéaire facilement biodégradable et recyclable »,17 susceptible de remplacer les polymères conventionnels largement utilisés comme matériaux d'emballage et d'isolation, dont l’inconvénient est lié au fait qu’ils ne sont pas biodégradables et/ou non recyclables, tels que le polyéthylène (PE), le polypropylène (PP), le polyéthylène téréphtalate (PET) et le polystyrène (PS). Ce polyester présente de nombreux avantages, du fait de son caractère biodégradable et de son mode d’obtention, dit « vert », à partir d’amidon de maïs, de canne à sucre ou de déchets végétaux.18 En ce qui concerne son mode d’obtention « vert », il semble bien toutefois que ceci ne concerne que le mode d’obtention du matériau de base de l’édifice à savoir l’acide lactique, pour le reste la polymérisation résulte d’un processus chimique pouvant se faire selon trois voies.15
Ce polyester trouve actuellement de nombreuses applications variées, puisqu’il peut permettre de réaliser des patchs dermiques qui trouvent des applications dans les domaines médicaux et cosmétiques.19 Il peut constituer un matériau de comblement en médecine esthétique,20 afin de « rajeunir » le visage, le cou et les mains21 ou bien, plus simplement, constituer des particules gommantes, permettant la mise au point de produits cosmétiques exfoliants,22 qui ne donnent pas mauvaise conscience !
Le copolymère P3HB-4HB, un type de poly(hydroxyalcanoate), est un polyester aliphatique, obtenu par voie fermentaire. Il a été découvert, en 1988, pour la première fois, dans le milieu de culture d’une bactérie nommée Ralstonia eutropha,23 renommée depuis Cupriavidus necator,24 avec, comme source de carbone, de l’acide 4-hydroxybutyrique.25
Le P3HB-4HB est biodégradable et peut être complètement décomposé dans des environnements aussi bien terrestres que marins. Il présente une capacité de biodégradation plus rapide que celle de l’acide polylactique. Par ailleurs, il possède des propriétés physiques et mécaniques similaires à celles des polymères thermoplastiques synthétiques, tels que le polyéthylène, le polypropylène et le polystyrène.
On sait que des microbilles de P3HB-4HB permettent de formuler des produits d’hygiène à type de gommages efficaces, car permettant d’éliminer des polluants non susceptibles d’être éliminés par un simple lavage. Ceci est mis en pratique, actuellement, par Nafigate Corporation (République tchèque), qui commercialise des cosmétiques exfoliants contenant ce type de microbilles (produits Hydal).26
Pour l’instant, on ne retrouve pas encore cet ingrédient à l’inventaire européen.
L’inventaire européen n’ignore pas les polyesters. Ils y sont, sagement, alignés et numérotés du Polyester-1 (« Copolymère de t-butylacrylamide, de cyclohexane diméthanol, de diéthylène glycol, de sulfonate d'acide isophtalique, de sodium d'acide isophtalique et d'un ou plusieurs monomères d'acide acrylique, d'acide méthacrylique ou d'un de leurs esters simples »)27 au Polyester-41 (« Le polyester-41 est un polyester complexe fabriqué en condensant du diméthylolcyclohexane, de la glycérine, du néopentyl glycol, du pentaérythritol, du triéthylène glycol et du triméthylolpropane avec de l'acide acrylique, de l'acide adipique, de l'acide fumarique, de l'anhydride maléique, de l'anhydride phtalique et de la colophane »).28 Agent filmogène, liant, adhésif, conditionneur cutané… autant d’étiquettes qui leur sont collées dans le dos.
Côté littérature scientifique… le vide sidéral. Ces polyesters laissent froids les chercheurs d’un bout à l’autre du globe.
Non, on ne les adore pas tous en bloc, sans distinction, ces polyesters… Nous ne sommes pas comme Sabrina Ocon, dont le nom d’artiste (Pauline Ester) doit tout au « polyester » et à un embouteillage monstre.29 On se dit que ce serait bien de s’en passer pour les moins biodégradables et de continuer à en développer de plus vertueux d’un point de vue environnemental. Des agents gélifiant, filmogène, adhésif, adaptateur de viscosité, ça doit pouvoir se trouver ailleurs qu’au fond d’une bouteille en plastique. On lance une bouteille à la mer (en verre), pour sensibiliser le public à ce sujet. Le PET, on le sait, est le constituant majoritaire de nos emballages cosmétiques… AUTOUR, donc. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’il est parfois DEDANS aussi ! Et ça, c’est moins connu !
1 Hynes N, Acharya Y, Sultan S. The contemporary design of endovascular aneurysm stent-graft materials: PTFE versus polyester. Front Surg. 2022 Aug 16;9:984727
2 Geervliet TA, Gavrila I, Iasilli G, Picchioni F, Pucci A. Luminescent Solar Concentrators Based on Renewable Polyester Matrices. Chem Asian J. 2019 Mar 15;14(6):877-883
3 Andrady AL, Neal MA. Applications and societal benefits of plastics. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 2009 Jul 27;364(1526):1977-84
4 Russu E, Mureșan AV, Ivănescu AD, Kaller R, Nedelea DE, Niculescu R, Cordoș BA, Budișcă OA, Arbănași EM, Arbănași EM. Polytetrafluorethylene (PTFE) vs. Polyester (Dacron®) Grafts in Critical Limb Ischemia Salvage. Int J Environ Res Public Health. 2023 Jan 10;20(2):1235
5 García JL. Enzymatic recycling of polyethylene terephthalate through the lens of proprietary processes. Microb Biotechnol. 2022 Nov;15(11):2699-2704
6 Tiso T, Narancic T, Wei R, Pollet E, Beagan N, Schröder K, Honak A, Jiang M, Kenny ST, Wierckx N, Perrin R, Avérous L, Zimmermann W, O'Connor K, Blank LM. Towards bio-upcycling of polyethylene terephthalate. Metab Eng. 2021 Jul;66:167-178
7 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/36708
9 https://www.grimtout.fr/les-paillettes/58-gel-paillete-argent-3700010415258.html
10 https://www.sagacosmetics.com/paillettes-freakin-fluo-trance-dance.html
11 https://www.savonnerielabulle.com/product-page/paillettes-iridescentes-vert-aqua
12 https://www.procoiffure.com/glitter-gels-paillettes-fines-3-tubes-moon-creations-3x12ml
14 https://trupheme.com/collections/maquillage/products/intoxicating-rouge-satin
15 Li G, Zhao M, Xu F, Yang B, Li X, Meng X, Teng L, Sun F, Li Y. Synthesis and Biological Application of Polylactic Acid. Molecules. 2020 Oct 29;25(21):5023
16 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/58660
17 Pang X, Zhuang X, Tang Z, Chen X. Polylactic acid (PLA): research, development and industrialization. Biotechnol J. 2010 Nov;5(11):1125-36
18 Abdel-Rahman MA, Tashiro Y, Sonomoto K. Recent advances in lactic acid production by microbial fermentation processes. Biotechnol Adv. 2013 Nov;31(6):877-902
19 Adli SA, Ali F, Azmi AS, Anuar H, Nasir NAM, Hasham R, Idris MKH. Development of Biodegradable Cosmetic Patch Using a Polylactic Acid/Phycocyanin-Alginate Composite. Polymers (Basel). 2020 Jul 27;12(8):1669
20 Breithaupt A, Fitzgerald R. Collagen Stimulators: Poly-L-Lactic Acid and Calcium Hydroxyl Apatite. Facial Plast Surg Clin North Am. 2015 Nov;23(4):459-69
21 Redaelli A, Forte R. Cosmetic use of polylactic acid: report of 568 patients. J Cosmet Dermatol. 2009 Dec;8(4):239-48
22 Nam HC, Park WH. Aliphatic Polyester-Based Biodegradable Microbeads for Sustainable Cosmetics. ACS Biomater Sci Eng. 2020 Apr 13;6(4):2440-2449
23 Kim JS, BH Lee, BS Kim, Production of Poly(3-hydroxybutyrate-co-4-hydroxybutyrate) by Ralstonia eutropha, Biochemical engineering journal, 23, 2, 2005, 169-174
24 Pospisilova A, Vodicka J, Trudicova M, Juglova Z, Smilek J, Mencik P, Masilko J, Slaninova E, Melcova V, Kalina M, Obruca S, Sedlacek P. Effects of Differing Monomer Compositions on Properties of P(3HB-co-4HB) Synthesized by Aneurinibacillus sp. H1 for Various Applications. Polymers (Basel). 2022 May 13;14(10):2007
25 Li ZJ, Shi ZY, Jian J, Guo YY, Wu Q, Chen GQ. Production of poly(3-hydroxybutyrate-co-4-hydroxybutyrate) from unrelated carbon sources by metabolically engineered Escherichia coli. Metab Eng. 2010 Jul;12(4):352-9
26 Choi YH, Park JJ, Sim EJ, Lee E, Yoon KC, Park WH. Ecofriendly poly(3-hydroxybutyrate-co-4-hydroxybutyrate) microbeads for sanitary products. Int J Biol Macromol. 2023 Jan 1;224:1487-1495
27 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/58350
28 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/99916
Retour aux regards