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Les mousses à raser antiseptiques : que faut-il en penser ?

> 07 janvier 2019

Les mousses à raser antiseptiques : que faut-il en penser ?

Inutile de prendre des antibiotiques tous les jours si l’on ne souffre pas d’une pathologie qui l’exige. Le slogan : « Les antibiotiques, c’est pas automatique » est (ou devrait être) bien ancré dans les cerveaux.

Inutile d’utiliser une mousse antiseptique tous les jours si l’on ne souffre pas d’un problème particulier. « Les antiseptiques, c’est pas systématique », pourrait-on (devrait-on !) dire au sujet des cosmétiques. La folliculite de la barbe constitue, en revanche, une indication à ce type de produit.

La folliculite de la barbe, également appelée pseudo-folliculite, sycosis barbae, sycosis vulgaris, poils incarnés ou encore familièrement pour les militaires « bosses du rasoir »1 est une affection causée par Staphylococcus aureus qui se traduit par une éruption papulo-pustuleuse prurigineuse au niveau de la barbe. A l’origine de cette infection, il peut s’agir d’un rasage mal pratiqué (poil rasé trop court, à contre-courant de la pousse du poil). Un réservoir local (cavité nasale) en bactéries peut entraîner un phénomène de réinfection récurrente. De la même façon, le matériel utilisé pour le rasage peut être souillé, ce qui alimente en permanence le phénomène.2 La barbe étant composée d’environ 20 000 poils, on comprend que ce problème peut devenir rapidement très gênant. Il est difficile d’estimer le nombre d’hommes atteints par cette pathologie. Toutefois, des médecins de l’armée américaine avancent le chiffre de 45 % (pour les soldats noirs). D’autres dermatologues considèrent que cette pathologie est beaucoup plus répandue, avec un taux de 94 % chez les sujets noirs contre 16 % pour les sujets blancs. Aucune notion de degré de sévérité n’est mentionnée. Selon les études considérées les résultats sont très différents, ce qui rend difficile toute estimation chiffrée fiable.

La pseudo-folliculite peut également survenir lorsque le poil (préférentiellement épais et frisé) sort à la surface cutanée. Il est alors capable de se réinsérer dans l’épiderme, créant une invagination ressemblant à un follicule pileux d’où le nom de la pathologie associée. Du fait de la pénétration de ce corps étranger au niveau cutané, une réaction inflammatoire est susceptible de se développer. Une deuxième possibilité est également envisageable. Le poil coupé très court est également capable de percer l’épiderme transversalement sans sortir au niveau extérieur.3

Le traumatisme occasionné fait le lit des micro-organismes et, en particulier, du staphylocoque doré, comme indiqué précédemment. Si la personne atteinte de pseudo-folliculite cesse de se raser, le poil va continuer à pousser. Lorsqu’il atteindra une longueur de 10 mm, il sortira de la papule inflammatoire et les signes cliniques disparaitront spontanément. Des chercheurs de la société Procter et Gamble se sont interrogés sur la fréquence optimale de rasage pour les hommes souffrant de folliculites. La conclusion est sans appel, un rasage quotidien permet d’obtenir de meilleurs résultats qu’un rasage tous les 2 ou 3 jours. La qualité des produits de rasage utilisés doit, bien évidemment, être à la hauteur.4

Pour les formes les plus sévères, un dermatologue prescrira des antibiotiques par voie locale ou même générale.

Pour les formes les plus bénignes, le recours aux mousses à raser antiseptiques est intéressant.

Nobacter fut certainement la première mousse à raser à revendiquer clairement un effet antiseptique. Dans les années 1990, de grandes campagnes de publicité sont réalisées pour vanter une mousse à raser ayant un statut de médicament. Le mannequin qui prête son image à la marque souligne : « Les problèmes de barbe, moi je les rase avec Nobacter. C’est une mousse à raser antiseptique mais également un médicament. Nobacter, no problème.5 Depuis, le produit a changé de statut et est désormais un cosmétique.

C’est dans la langue de Shakespeare que ce produit de rasage s’exprime en disant « Non » aux bactéries. Après avoir eu recours au triclosan pendant de nombreuses années, c’est désormais le triclocarban qui entre dans la formule du célèbre produit pour la simple et bonne raison que le triclosan a vu son utilisation restreinte à un certain nombre de cosmétiques, en 2014.6 Le Règlement N°358/2014 restreint, en effet, l’utilisation du triclosan aux « dentifrices, savons pour les mains, savons pour le corps/gels de douche, déodorants (autres que sous forme de spray), poudres pour le visage et fond de teint, produits pour les ongles destinés au nettoyage des ongles des mains et des pieds avant l’application des préparations pour ongles artificiels ».7 On notera la bizarrerie réglementaire (une de plus !) qui consiste à autoriser la présence d’un agent antiseptique dans des produits de maquillage tels que les poudres et les fonds de teint ! Autant la présence d’un antiseptique se conçoit aisément dans un produit type déodorant, un produit de rasage ou d’hygiène ciblant une certaine fraction de la population, autant sa présence dans un produit de maquillage apparaît comme vraiment incongrue.

La mousse à raser Nobacter est une mousse composée majoritairement d’un savon, le palmitate de triéthanolamine. Des agents surgraissants (paraffinum liquidum, myristic acid) favorisent le glissement de la lame sur la peau. Le triclocarban est comme nous l’avons indiqué un excellent agent antiseptique. Seul bémol, son profil toxicologique. Il pourra, toutefois, être utilisé sur de courtes périodes, afin de mettre un terme à une situation gênante.

Pour ceux que la présence de triclocarban rebute, on pourra proposer l’emploi de certains gels nettoyants recommandés en cas d’acné. C’est le cas par exemple du gel nettoyant Sébium (Bioderma). Ce gel est composé d’une base lavante relativement douce composée de sodium cocoamphoacetate de sodium et de lauryléthersulfate de sodium dans laquelle ont été incorporés deux actifs antiseptiques, le sulfate de zinc et le sulfate de cuivre.8

Dernière possibilité, utiliser une mousse à raser « ordinaire », c’est-à-dire sans ingrédients antiseptiques et compléter avec une lotion type Serozinc des laboratoires La Roche Posay.

A la question : Les mousses à raser antiseptiques, que faut-il en penser ? La réponse est « du bien, à condition d’en avoir vraiment besoin ! »

Bibliographie

1 Perry PK, Cook-Bolden FE, Rahman Z, Jones E, Taylor SC. FEM simulation of single beard hair cutting with foil–blade-shaving system. Journal of the Mechanical Behavior of Biomedical Materials, 2015, 46, 271-284.

2 Diernaes JEF, Bygum A.Successful treatment of recalcitrant folliculitis barbae and pseudofolliculitis barbae with photodynamic therapy. Photodiagnosis and Photodynamic Therapy, 2013, 10, 4, 651-653.

3 Ribera M, Fernández-Chico N, Casals M. Pseudofolliculitis Barbae. Actas Dermo-Sifiliográficas (English Edition), 2010, 101, 9, 2010, 749-757.

4 Zupkosky P, Mc Michael A, Westbrook A, Kemp H. Investigator-blinded study on the potential benefits of daily shaving with an advanced shave regimen compared to shaving 2 to 3 times per week with a standard shave regimen in the management of the symptoms of pseudofolliculitis barbae. Journal of the American Academy of Dermatology, 2012, 66, 4, Suppl 1, 2012, AB54.

5 https://www.ina.fr/video/PUB3774434039

6 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/triclosan-triclocarban-deux-antiseptiques-dans-la-tourmente-911/

7 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32014R0358

8 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/bioderma-parle-aux-patients-acneiques-560/

Compositions

Nobacter mousse à raser (Eucerin) : Aqua, palmitic acid, triethanolamine, oleth-20, isopentane, glycereth-26, paraffinum liquidum, isobutene, stearic acid, hydroxyethylcellulose, triclocarban, PEG-14 M, myristic acid, hydroxypropylcellulose, CI 47005, CI 42090.

Sébium gel nettoyant (Bioderma) : Aqua, sodium cocoamphoacetate, sodium laureth sulfate, methylpropanediol, disodium EDTA, complexe breveté D.A.F, fructooligossacharides, zinc sulfate, copper sulfate, ginkgo biloba leaf extract, PEG-90 glyceryl isostearate, lactic acid, laureth-2, potassium sorbate, sodium chloride, propylene glycol, sodium hydroxide, fragrance (parfum).

Solution de sulfate de zinc Serozinc (La Roche Posay) : Aqua, sodium chloride, zinc sulfate.

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