> 29 avril 2024

La chirette verte (Andrographis paniculata) est une plante très largement étudiée, qui a été utilisée durant l’épidémie de COVID, par les populations asiatiques, afin de contrer les symptômes respiratoires de la maladie.¹ Un médicament ancestral qui, après étude, devient un médicament 2.0. Une plante, qui fournit un extrait riche en principe amer, doué de propriétés anti-âge 2.0.² Des substances qui réduisent l’inflammation et l’oxydation des structures cellulaires.³ Cette petite plante, d’aspect insignifiant, semble recéler un trésor cosmétique. On la retrouve dans la catégorie des actifs rétinol-mimétiques, selon certains.⁴ Forcément, on a envie d’en savoir plus sur cette plante, connue de l’inventaire européen comme un agent « astringent, conditionneur cutané ».⁵

Des indications thérapeutiques variées

La chirette est une plante, qui pousse largement en Inde. Elle y est connue sous le nom de Kalmegh ; elle entre dans la composition d’un médicament (Alui) administré chez le nourrisson souffrant de troubles digestifs. On peut également l’utiliser comme fébrifuge et vermifuge,⁶ entre autres. Ce « Roi des amers », originaire d’Inde et du Sri Lanka, est utilisé, en phytothérapie, dans de nombreux pays comme le Bangladesh, la Chine, l’Indonésie, la Malaisie… Le spectre d’action de cette plante dépasse très largement la sphère digestive, si l’on en croit les applications qui en sont faites pour le traitement de pathologies aussi variées que la lèpre, la gonorrhée, la gale, l’alopécie, l’herpès… En usage topique, on y a recours pour soigner les infections cutanées et les morsures de serpents.⁷ Une plante à laquelle on attribue de nombreuses propriétés, en résumé !

Un principe actif amer, l’andrographolide

Si l’amertume de la plante est connue depuis des siècles, ce n’est, en revanche que récemment que l’on connaît précisément quel est le responsable de son goût si particulier.^8,9

Ce principe amer est connu depuis 1911, depuis que Gorter a pu isoler l’andrographolide, une lactone insaturée de formule brute C₂₀H₃₀O₅,⁶ dont on a affiné petit à petit la connaissance de la structure chimique.¹⁰

Ce principe actif n’est, toutefois, pas le seul ingrédient connu de cette plante dont le profil a fait l’objet de nombreuses publications. Une cinquantaine de diterpénoïdes, une trentaine de flavonoïdes, une dizaine d’acides quiniques, des xanthones, des iridoïdes, ont ainsi été parfaitement identifiés.¹¹

Il est amusant de constater que l’amertume liée à l’andrographolide constitue un atout en tant que plante apéritive ; en revanche, celle des médicaments en contenant n’est pas appréciée des patients. Il convient donc de tenter de la masquer en utilisant différents additifs ou différentes techniques comme l’enrobage, par exemple.¹²

Un principe actif, un effet anti-inflammatoire

Un effet anti-inflammatoire, avec inhibition des voies de l’inflammation (COX2) et une diminution significative des cytokines pro-inflammatoires,¹³ fait de cette plante un bon candidat pour la prise en charge de toutes sortes de maladies inflammatoires.¹⁴

Un principe actif, un effet antiradicalaire

On connaît l’usage traditionnel qui est fait de décoctions des différentes parties de la plante, on s’intéresse de nos jours à l’activité thérapeutique de certains extraits. Et on montre en particulier, avec un « gros » conditionnel que l’andrographolide pourrait être intéressant dans le domaine de la prévention des maladies dégénératives¹⁵ ou dans le traitement d’intoxications par des dérivés mercuriels.¹⁶

Un effet inhibiteur du stress oxydant est reconnu, qui peut être mis à différentes sauces et permettrait, par exemple, de réduire la toxicité hépatique de certains agents anticancéreux, comme le méthotrexate (des résultats concluants sont obtenus sur modèle animal).¹⁷

Un principe actif, un effet perturbateur endocrinien

Celui-ci est mis en évidence chez la souris, avec un effet sur la spermatogenèse chez le mâle (effet anti-androgénique) et un effet anti-progestéronique chez la femelle (tests réalisés avec de la poudre de feuilles séchées, mélangée aux aliments et sur cultures cellulaires de tissus placentaires humains)¹⁸ et est mis en lien avec l’andrographolide.

Et un usage cosmétique potentiel

Pour certains auteurs, l’andrographolide est un bon candidat pour la mise au point de préparations à usage topique, au même titre que les molécules-phares du thé et du curcuma. Avec ce mélange végétal, il semble bien que l’on puisse retrouver sa peau de bébé Cadum… en un rien de temps !

Les propriétés antioxydantes, antiradicalaires de cette molécule sont, en effet, clairement démontrées. Une efficacité plus importante que celle obtenue avec des molécules de référence comme le BHT ou la vitamine C. Une activité anti-inflammatoire est également mentionnée. Un ingrédient qui convient aussi bien aux peaux jeunes (avec un effet bénéfique sur les lésions d’acné)^19,20 qu’aux peaux matures (avec un effet du néoandrographolide sur la synthèse du collagène).²¹

Un effet inhibiteur de la mélanogenèse est également démontré, qui peut être mis en application, nous dit-on, dans le domaine du traitement des hyperpigmentations cutanées ou dans le domaine de l’éclaircissement cosmétique.²² Une mise en application qui a eu lieu en 2020, avec un essai réalisé sur 40 femmes souffrant de mélasma et qui a donné de bons résultats, tant au niveau efficacité qu’acceptabilité de la préparation topique testée.²³

Les extraits hydro-alcooliques de chirette sont promis à un bel avenir, si l’on se réfère aux publications mettant en avant leur effet anti-âge, avec atténuation des rides et action sur le relâchement cutané, démontrés, in vivo, sur un petit échantillon d’une trentaine de femmes.²⁴ Une action sur la prolifération des cellules souches épidermiques est même mise en avant par des équipes coréennes,²⁵ depuis une dizaine d’années. A murmurer et non pas à claironner sur les toits cette action semblant bien hypothétique dans le cadre de l’utilisation d’un cosmétique.

Le Roi des amers, en bref

Le Roi des amers, après avoir été testé pendant des siècles pour un usage thérapeutique (vraiment, cette plante nous est présentée comme une panacée), est désormais observé, depuis quelques années, à l’aide d’une lorgnette cosmétique. En regardant par le petit bout de la lorgnette, on aperçoit des choses immenses, des choses qui dépassent largement le domaine cosmétique, puisque l’on nous parle de stimulation de la prolifération de cellules souches. On ne fait pas les choses à moitié, lorsque l’on discute avec le Roi des végétaux ! Tout cela c’est bien joli, mais, en attendant, il faudrait savoir précisément toutes les conséquences de l’emploi de cet ingrédient dans les cosmétiques. Toutes… sans exception.

Bibliographie

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3 Mussard E, Jousselin S, Cesaro A, Legrain B, Lespessailles E, Esteve E, Berteina-Raboin S, Toumi H. Andrographis paniculata and Its Bioactive Diterpenoids Against Inflammation and Oxidative Stress in Keratinocytes. Antioxidants (Basel). 2020 Jun 17;9(6):530

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