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Le résorcinol, un ingrédient cosmétique dont on se passerait bien !

> 28 février 2022

Le résorcinol, un ingrédient cosmétique dont on se passerait bien !

Le résorcinol, également appelé résorcine est un benzène-diol ou dihydroxybenzène ou diphénol, isomère de l’hydroquinone. Connu au répertoire européen comme un « antioxydant, un dénaturant, un colorant capillaire et un parfum », il s’agit d’un ingrédient qui émarge à l’Annexe III du Règlement (CE) N°1223/2009.1 Celui-ci ne le connait que comme un ingrédient dévolu au domaine capillaire. On en déduit que l’usage cutané est proscrit. Utilisé initialement dans le domaine médical comme exfoliant, entre autres, cet ingrédient est sur un siège éjectable depuis quelques années. De quoi donner envie d’aller gratter un peu...

Le résorcinol, qu’est-ce que c’est ?

Le résorcinol se présente sous la forme d’une poudre blanche qui vire au brun-rouge à l’oxydation. Cette molécule est dotée d’une odeur non déplaisante, qui explique sa fonction de parfum.2 Elle est obtenue par synthèse, mais on peut également en retrouver dans le milieu naturel. Le thé Awa-ban, par exemple, tire ses propriétés anti-oxydantes de sa richesse en résorcinol.3

Le résorcinol, des emplois divers et variés

Le résorcinol est principalement utilisé dans l'industrie pour la fabrication des pneus et des produits en caoutchouc renforcé (bandes transporteuses permettant le déplacement des matières premières ou des produits finis dans le domaine industriel, courroies d'entraînement...), dans le domaine des adhésifs réalisés à partir du bois (fabrication nécessitant l’utilisation de résorcinol, de phénol et de formol), mais également, et ce depuis 1977, comme colle biologique (en association à la gélatine et au formol) dans le cadre chirurgical.4 Différentes variantes existent en matière de viscosité et d’additifs incorporés.5 Il est également utilisé pour la préparation de colorants et comme agent de réticulation pour la fabrication du néoprène.6 Dans le domaine pharmaceutique, on lui reconnait des propriétés antiprurigineuses, antimycotiques et antiseptiques,7 sans toutefois en faire un usage immodéré ; il est retrouvé actuellement dans peu de spécialités. On citera la célèbre spécialité médicamenteuse Synthol, où il est associé avec du lévomenthol, du vératrol et de l’acide salicylique pour le traitement des « contusions, hématomes et ecchymoses ».8 On lui reconnaît, en effet, des propriétés antiseptiques exploitables dans le domaine cutané ou auriculaire, ainsi qu’en stomatologie.9

Le résorcinol, un principe actif exfoliant

C’est en 1882, que le célèbre dermatologue allemand Paul Gerson Unna se lance dans la réalisation de peelings chimiques, à base de résorcinol dosé à 10, 20 et 30 %.10 A son avis, sa pâte résorcinol-oxyde de zinc n’est alors pas appréciée à sa juste valeur. Pour désigner les substances exfoliantes, Unna emploie le terme de Schalmittel et de Lepismatica.11 On peut comprendre certaines réticences à employer ce principe actif à fort pourcentage. Des effets indésirables à type de dermatite allergique de contact, de dermatite irritative et de décoloration cutanée sont, en effet, rapportés. Afin d’améliorer la tolérance de ce type de préparations, Max Jessner met alors au point une solution éthanolique qui portera désormais son nom. Afin de réduire au mieux les effets indésirables, Jessner mise sur une association de principes actifs œuvrant en synergie, pour un effet kératolytique optimal. L’acide salicylique un bêta-hydroxyacide (14 g pour une solution de 100 mL) est utilisé pour son effet sur le ciment intercellulaire et pour son effet exhausteur de pénétration. Le résorcinol (14 g pour une solution de 100 mL) est employé pour briser les liaisons hydrogènes, garantes de l’intégrité de la molécule de kératine, protéine prédominante de la couche cornée épidermique. L’acide lactique (14 g pour une solution de 100 mL) est, quant à lui, un alpha-hydroxyacide exfoliant, susceptible de provoquer le phénomène de desquamation.12 Ces peelings chimiques employés dans toutes les situations où un effet exfoliant est recherché (traitement de l’acné, du photo-vieillissement cutané, des hyperpigmentations...) ne laissent bien sûr pas indifférent Albert Kligman,13 qui tient à mettre son grain de sel dans la soupe dermatologique. Balayant d’un revers de main les préparations à base de résorcinol, il opte pour une solution hydro-alcoolique d’acide salicylique (dosée à 30 % en acide salicylique).14

Le résorcinol, un principe actif utilisé en cas d’acné

En 1960, alors que Boule et Bill viennent à peine de naître de la plume de Jean Roba, deux chercheurs visiblement liés par un lien de famille - il s’agit de Boulle S et de Boulle M - considèrent la solution hydro-alcoolique de résorcinol et d’acide salicylique comme le traitement de choix de l’acné vulgaire.15 Ce n’est, bien sûr, plus le cas en 2020.

Le résorcinol, un principe actif utilisé en cas d’hidradénite suppurée

L’hidradénite suppurée est une pathologie cutanée inflammatoire, également appelée acné inversée, qui touche 1 à 4 % de la population européenne. Les lésions cutanées (comédons, nodules, abcès) observées sont localisées préférentiellement au niveau des plis (aisselles, périnée, infra-mammaires, inguinaux) et au niveau des zones de peau où une traction mécanique est opérée (nuque, tronc, ceinture). Lors de la rupture des abcès, un liquide purulent et malodorant s’écoule ; des cicatrices persisteront par la suite. Selon la gravité de la pathologie, on distingue 3 stades (classification de Hurley) susceptibles d’être pris en charge par des protocoles thérapeutiques différents. L’usage de résorcinol topique peut être envisagé lors des stades I et II. Ses propriétés kératolytiques et anti-inflammatoires sont utilisées dans ce cadre. Le pourcentage d’emploi est de 15 % ; une réduction de la douleur et un effet cicatrisant lui sont reconnus.16,17 Ceci est en phase avec l’emploi qui en était fait à la fin du XIXe siècle ; on l’utilisait alors en effet pour réaliser des pansements dans le cas de plaies suppurées.2 Un effet antiseptique était également exploité.18

Le résorcinol, quid de la tolérance ? et de l’innocuité ?

Dans les industries utilisant du résorcinol des cas d’hypothyroïdie survenant chez des salariés sont connus.19 Des effets indésirables à type de myxoedème (phénomène lié à une hypothyroïdie) et d’ochronose (décoloration de la peau) sont relatés en cas d’utilisation de manière prolongée (une dizaine d’années) de préparations topiques à base de résorcinol fortement dosées (concentration de 12,5 %).20 Chez le rongeur, on observe également un effet goitrogénique, en cas d’absorption par voie orale de forte dose de résorcinol.21

Des réactions allergiques associées sont observées pour différents phénols.22 Des cas de dermatites de contact sont décrits dans la littérature scientifique.23 Le CSSC considère cet ingrédient comme un sensibilisant fort.24

Des cas de confusions sont également rapportés pour une application topique de préparations renfermant un fort pourcentage de résorcinol dans le cas du traitement de l’acné. On cite, le cas, par exemple, d’une jeune femme ayant des antécédents de troubles neurologiques ayant développé des effets indésirables à type d’amnésie, de tremblements et de désorientation, suite à l’application d’une pommade (80 g de résorcinol, 56 g d’axonge, 4 g de silice, 20 g d’oxyde de zinc) sur l’ensemble de son dos.25

Considéré comme un colorant capillaire sûr d’emploi à la concentration maximum de 1,25 % dans les colorations capillaires et pour les cils et à la concentration de 0,5 % dans les lotions capillaires et shampooing.,26,27

Une nouvelle évaluation est en cours concernant un effet perturbateur endocrinien,28 reconnu par l’ECHA (Agence Chimique Européenne).29,30 Affaire à suivre de près...

Le résorcinol, en bref

Dans le domaine cosmétique, le résorcinol est absent des préparations à usage cutané (c’est normal au regard de la réglementation). Seuls sont retrouvés dans ces produits des dérivés de résorcinol. Il est, en revanche, présent dans des colorations capillaires et plus étrange dans des colorations pour cils et sourcils. Au regard des informations disponibles à l’heure actuelle, on se passera très bien de cet ingrédient venu du domaine médical et qui ferait très bien d’y rester.

Bibliographie

1 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=79461

2 Chuni Lal Bose, Chemistry, Pharmacy and Other Allied Subjects-Resorcinol-A Delicate Test for Albumin in Urine, Ind Med Gaz, 1896, 31, 8, 307-308

3 Miki Hiasa, Megumi Kurokawa, Takashi Kuzuhara, Identification and purification of resorcinol, an antioxidant specific to Awa-ban (pickled and anaerobically fermented) tea, Food Research International, 54, 1, 2013, 72 – 80

4 Bachet J, Goudot B, Dreyfus G, Banfi C, Ayle NA, Aota M, Brodaty D, Dubois C, Delentdecker P, Guilmet D., The proper use of glue: a 20-year experience with the GRF glue in acute aortic dissection., J Card Surg., 1997, 12, 2 Suppl, 243-53, discussion 253-5

5 H NomoriH HorioK Suemasu, The efficacy and side effects of gelatin-resorcinol formaldehyde-glutaraldehyde (GRFG) glue for preventing and sealing pulmonary air leakage, Surg Today, 2000, 30, 3, 244-8

6 Anonyme, Resorcinol., IARC Monogr Eval Carcinog Risks Hum., 1999, 71, Pt 3, 1119-31

7 Gabriel Serrano, José M. Fortea, José M. Latasa, Contact allergy to resorcinol in acne medications: Report of three cases, Journal of the American Academy of Dermatology, 1992, 26, 3, 92, 502 – 504

8 https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/synthol-10029.html

9 https://www.vidal.fr/medicaments/substances/resorcine-3035.html

10 Karam PG., 50% resorcinol peel., Int J Dermatol., 1993, 32, 8, 569-74

11 C. Borelli, F. Ursin, F. Steger,The rise of Chemical Peeling in 19th‐century European Dermatology: emergence of agents, formulations and treatments, JEADV, DOI: 10.1111/jdv.16307

12 Pearl E. Grimes, Jessner’s Solution, Color Atlas of Chemical Peels pp 23-29

13 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/kligman-le-premier-a-1685/

14 Kligman D, Kligman AM., Salicylic acid peels for the treatment of photoaging., Dermatol Surg., 1998, 24, 3, 325-328

15 Divers LS.J Coll Gen Pract., A new preparation for the topical treatment of acne vulgaris. Report of a year's study., 1966, 12, 2, 239-41

16 Lee EY, Alhusayen R, Lansang P, Shear N, Yeung J., What is hidradenitis suppurativa?, Can Fam Physician., 2017, 63, 2, 114-120

17 Alexandre Docampo-Simón, José C. Pascual, Juan Selva Otaolaurruchi, Topical 15% resorcinol in hidradenitis suppurativa: Patient satisfaction, 83, 6, 2020, AB27

18 Klarmann E, Shternov VA, Wowern JV., THE GERMICIDAL ACTION OF HALOGEN DERIVATIVES OF PHENOL AND RESORCINOL AND ITS IMPAIRMENT BY ORGANIC MATTER., J Bacteriol., 1929, 17, 6, 423-42

19 Roberts FP, Wright AL, O'Hagan SA., Hypothyroidism in textile workers., J Soc Occup Med., 1990, 40, 4, 153-6

20 THOMAS AE, GISBURN MA., Exogenous ochronosis and myxoedema from resorcinol., Br J Dermatol. 1961, 73, 378-81

21 DONIACH I, FRASER R., Effect of resorcinol on the thyroid uptake of I131 in rats., Lancet., 1950, 6, 1, 6610, 855-6

22 H KEIL, Group reactions in contact dermatitis due to resorcinol, Arch Dermatol, 1962, 86, 212-6

23 Foti C, Romita P, Ettorre G, Angelini G, Bonamonte D., Allergic contact dermatitis caused by resorcinol and sodium dehydroacetate in a patient with leg ulcers., Contact Dermatitis., 2016, 74, 6, 383-4

24 https://ec.europa.eu/health/scientific_committees/consumer_safety/docs/sccs_o_015.pdf

25 Bontemps H, Mallaret M, Besson G, Bochaton H, Carpentier F., Confusion after topical use of resorcinol., Arch Dermatol., 1995, 131, 1, 112

26 https://ec.europa.eu/health/scientific_committees/consumer_safety/docs/sccs_o_015.pdf

27 https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/scientific_committees/consumer_safety/docs/sccs_o_241.pdf

28 https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/scientific_committees/consumer_safety/docs/sccs2016_q_042.pdf

29 https://www.anses.fr/fr/content/le-r%C3%A9sorcinol-reconnu-perturbateur-endocrinien-pour-l%E2%80%99homme-mais-pas-identifi%C3%A9-comme-une

30 https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-lanses-relatif-%C3%A0-lidentification-en-tant-que-substance-extr%C3%AAmement-pr%C3%A9occupante-svhc

Composition

Kit teinture de cils et sourcils Peggy Sage : Référebce 138503 : AQUA (WATER), CETEARYL ALCOHOL, PROPYLENE GLYCOL, CETEARETH-30, PARAFFINUM LIQUIDUM (MINERAL OIL), CERA ALBA (BEESWAX), CETEARETH-20, ETHANOLAMINE, ASCORBIC ACID, DISODIUM EDTA, SODIUM METABISULFITE, SODIUM HYDROSULFITE, XANTHAN GUM, P-PHENYLENEDIAMINE, P-AMINOPHENOL, RESORCINOL, 2-METHYLRESORCINOL.

 

 

 

 

 

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