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L’ongle, une annexe cutanée qui en dit long…

> 24 août 2018

L’ongle, une annexe cutanée qui en dit long… Contrairement à l’iceberg, la partie visible de l’ongle représente la majorité de celui-ci. Seulement 25 % de l’ongle reste caché à nos yeux !

L’ongle est composé de la plaque unguéale, du lit de l'ongle, des replis unguéaux, de l'hyponychium et de la matrice de l'ongle. La plaque unguéale a pour but de protéger les zones délicates que sont le bout des doigts et des orteils contre les traumatismes.

L’ongle est un élément du corps humain très utile, que l’on peut qualifier de véritable « outil », permettant la préhension des objets… mais aussi d’arme d’auto-défense !

La matrice de l'ongle est un tissu vivant qui subit un phénomène de kératinisation, ce qui assure la production d’un tissu mort à savoir la plaque de l'ongle. Cette plaque de kératine est fixée sur un épithélium très mince appelé lit de l'ongle. Le repli sus-unguéal (cuticule ou éponychium) est une expansion de l’épiderme sur la plaque unguéale. La cuticule peut être comparée à un joint qui assure l’étanchéité et l’isolement d’un carreau de fenêtre. Cette barrière physique permet d’éviter la pénétration d’éléments étrangers à ce niveau. De la même façon, au niveau distal, on trouve une zone épidermique, l’hyponychium, qui fait la jonction entre le lit de l’ongle et le bord libre de celui-ci.

L’ongle d’un doigt pousse en moyenne de 3,0 mm par mois ; l’ongle d’un orteil est un peu moins rapide et ne croît que de 1,0 à 1,5 mm par mois. Il faut compter 6 mois pour reconstituer complètement un ongle au niveau de la main et 12 à 18 mois pour un ongle de pied. Ces valeurs correspondent à des moyennes. Il existe des variations selon le sexe, l’âge, le régime alimentaire, l’état de santé… Les ongles des doigts sont beaucoup plus fins que les ongles des orteils. On mesure respectivement 0,5 mm et 1,0 mm à la partie distale pour un doigt et pour un gros orteil.

L’ongle est une plaque de kératine transparente. Elle apparaît de couleur rose, car elle laisse transparaître la couleur rouge due au réseau capillaire sous-jacent. Les taches blanches qui peuvent apparaitre sur les ongles sont liées à des microtraumatismes et non pas, comme certains le pensent, à une carence quelconque. On ne note, en effet, aucune différence en ce qui concerne le taux de calcium présent dans les ongles de sujets souffrant d’ostéoporose ou non (Yesil Y., Kuyumcu M.E., Ozturk Z.A., Ulger Z., Ariogul S. The relationship between metabolic bone diseases and fingernail calcium levels in the elderly, European Geriatric Medicine, 3, 6, 2012, 341-344).

Jaune chez le fumeur ou la personne souffrant d’hépatite ou encore de maladie pulmonaire, bleu en cas de maladie de Wilson ou chez le patient utilisant de l’argent colloïdal en automédication, vert chez le coiffeur ou le nageur dont les ongles sont exposés à un environnement chaud et humide propice au développement de bactéries type Pseudomonas aeruginosa, noir en cas d’hyperpigmentation bénigne ou maligne… l’ongle passe par toutes les couleurs et signe l’état de santé de son propriétaire (Raam R., DeClerck B., Jhun P., Bright A., Herbert M. That’s Some Weird Nail Polish You Got There! Annals of Emergency Medicine, 66, 6, 2015, 585-588).

Au niveau de la plaque unguéale, on dénombre entre 80 et 90 couches de cellules mortes, aplaties et kératinisées. Un ciment intercellulaire constitué de protéines et de mucopolysaccharides assure la cohésion de l’ensemble. La kératine est l’élément majeur. La quantité d’eau est très variable (pourcentage compris entre 5 et 30 %). On estime que la teneur moyenne en eau est de 18 %. Cette teneur conditionne les caractéristiques de l’ongle. Les ongles deviendront cassants lorsque la teneur en eau sera inférieure à 16 % ; ils deviendront mous pour une teneur supérieure à 25 % (Cashman M.W., Sloan S.B. Nutrition and nail disease, Clinics in Dermatology, 28, 4, 2010, 420-425).

Les lipides sont présents, quant à eux, à moins de 5 %. La fraction minérale de l’ongle est représentée par le calcium, le magnésium, le sodium, le potassium, le fer, le cuivre, le zinc, l’aluminium, le chlore, le sélénium, le fluor (Murdan S. Nail disorders in older people, and aspects of their pharmaceutical treatment, International Journal of Pharmaceutics, 512, 2, 2016, 405-411).

En ce qui concerne la dureté de l’ongle, on considère que deux facteurs sont importants : la présence de nombreux ponts disulfures au niveau de la kératine et une teneur en eau optimale (Cashman M.W., Sloan S.B. Nutrition and nail disease, Clinics in Dermatology, 28, 4, 2010, 420-425).

On peut se poser la question de l’intérêt d’une supplémentation en vitamines chez les personnes présentant une fragilité de leurs ongles. Selon les études considérées, les résultats sont plus ou moins spectaculaires. Une supplémentation en biotine (2,5 mg par jour) pendant 6 à 15 mois est capable d’entraîner une augmentation de 25 % de l'épaisseur de la plaque unguéale chez certains patients ayant des ongles cassants. D’autres travaux font état d’un bénéfice perceptible pour une posologie en biotine comprise entre 1,0 et 3,0 mg par jour. Il faut attendre 2 mois en moyenne avant de pouvoir observer une amélioration. Deux mois après l’arrêt du traitement, on se retrouve confronter au même problème… De la levure de bière (riche en biotine) entre dans la composition de compléments alimentaires visant à fortifier les ongles.

Les acides aminés soufrés, le silicium apporté parfois par le biais de la prêle, une plante qui peut en contenir jusqu’à 10 % (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-prele-une-sorte-de-dinosaure-preconise-pour-traiter-les-signes-du-vieillissement-447/)... sont les actifs classiquement retrouvés dans les compléments alimentaires ciblant les ongles cassants. Aucune preuve scientifique de leur efficacité n’a pu encore être apportée à ce jour (Pillon F., Allaert F.A. Conseiller une supplémentation orale destinée à renforcer les ongles. Actualités Pharmaceutiques, 54, 545, 2015, 47-48).

L’ongle est une annexe cutanée qui ne se laisse pas facilement traverser. Ceci est considéré comme une limite aux traitements médicamenteux topiques. Il est difficile de traiter une onychomycose lorsque le principe actif antifongique n’est pas en quantité suffisante au niveau de l’organe cible (Flores F.C., Chiu W.S., Beck R.C.R., da Silva C.B., Delgado-Charro M.B. Enhancement of tioconazole ungual delivery: Combining nanocapsule formulation and nail poration approaches, International Journal of Pharmaceutics, 535, 1–2, 2018, 237-244). Afin de favoriser la pénétration des principes actifs, différentes techniques sont envisagées. Il est possible de réaliser des voies de passage sous forme de pores en utilisant différents systèmes. La création de 100 pores sur une surface de 0,2 cm2 permet de multiplier par 1000 la diffusion des principes actifs… (Vanstone S., Cordery S.F., Stone J.M., Gordeev S.N., Guy R.H. Precise laser poration to control drug delivery into and through human nail, Journal of Controlled Release, 268, 2017, 72-77).

Ce qui constitue un frein du côté pharmaceutique est intéressant du point de vue cosmétique car lorsque l’on souhaite colorer un ongle grâce à un vernis on ne souhaite pas retrouver les ingrédients qui le composent dans le tissu sous-jacent et encore moins dans la circulation sanguine.

Il est bon de souligner que les vernis à ongles jouent un rôle appréciable dans la préservation des ongles lors de certains traitements anticancéreux (Couteau C., Paparis E., Coiffard L. Comparaison de différents vernis à ongles en matière d’efficacité photoprotectrice. Étude de l’intérêt de leur recours en soins de support en oncologie, Bulletin du Cancer, 103, 7–8, 2016, 612-621).

Le vernis à ongles ne doit cependant pas être utilisé de manière compulsive… A ce sujet, nous laisserons la parole au Dr Warren R. Heymann qui aime à se comparer au héros de Sir Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes. Le vernis à ongles revêt pour le détective médical un caractère diabolique dans la mesure où il cache les indices permettant d’établir un diagnostic précis ! Si Sherlock Holmes ne peut plus examiner l’état des manches du suspect, le degré d’usure de ses bottines et la longueur de ses ongles… il lui sera impossible de trouver le fin mot de l’énigme. De la même façon, en masquant ses ongles par des postiches, en les colorant par des couches successives de vernis, on efface soigneusement des signes cliniques qui pourraient alerter le dermatologue ou le médecin traitant (Heymann W.R. Nail cosmetics: Potential hazards, Journal of the American Academy of Dermatology, 57, 6, 2007, 1069-1070).

Bravo et merci à Antoine pour cette illustration que nous n’avons pas eu à payer… rubis sur l’ongle !

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