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Hydroquinone, l’ingrédient cosmétique au parfum de scandale !

> 07 mars 2022

Hydroquinone, l’ingrédient cosmétique au parfum de scandale !

L’hydroquinone ou benzène-1,4-diol est un composé aromatique au doux parfum de scandale. Depuis les débuts de son utilisation dans les années 1950 à des fins éclaircissantes de la peau sur de petites surfaces (pour éliminer les lentigines solaires présentes sur les mains des sujets de phototypes clairs) ou sur de grandes surfaces (pour éclaircir le teint de manière radicale des sujets de phototypes foncés) jusqu’à son interdiction dans les cosmétiques dans les années 2000, l’hydroquinone a été au centre de combats épiques entre défenseurs farouches et opposants déterminés, résolus à en finir avec cet ingrédient. Il a fallu du temps pour pousser cet ingrédient hors des crèmes de soin... du temps, de la patience, des travaux scientifiques. Cela c’est pour la partie visible de l’iceberg cosmétique. Restent ces produits illicites contenant indument de l’hydroquinone, produits qu’il convient de traquer, d’interdire !

Quid de l’hydroquinone ?

Un ingrédient à la fois « antioxydant, blanchissant, colorant capillaire, réducteur et parfum », voilà le portrait complet de l’hydroquinone, selon l’inventaire européen 2022.1 Cette fiche est restée dans son jus des années 1980-1990 ; on trouve alors, en effet, sur le marché, l’hydroquinone dans des cosmétiques aussi variés que des teintures capillaires, des baumes à lèvres, des déodorants ou des produits de soin.2 On en met alors un peu partout !

Une poudre blanche, qui vire au marron sous l’effet de l’oxydation de l’air et ce d’autant plus rapidement que l’on se trouve en milieu alcalin.3 Un colorant d’oxydation capillaire, auquel il ne faut plus penser actuellement puisqu’il est désormais interdit.4 En ce qui concerne, un usage cutané, même chose, il ne faut plus y penser ; en effet, l’hydroquinone est retrouvée en Annexe II (liste des substances interdites) du Règlement (CE) N°1223/2009, à l’entrée 1339. A ce jour, seule l’utilisation dans les préparations pour faux ongles (dose limite d’emploi : 0,02 %) avec pour fonction d’inhiber la polymérisation des monomères de méthacrylate durant le transport ou la conservation, pour usage professionnel uniquement reste possible ; ceci est mentionné à l’entrée 14 de l’Annexe III.5 Un effet immunomodulateur et une toxicité rénale ont, entre autres, été mises en évidence,6 de même qu’un risque carcinogène et ce d’autant plus que l’hydroquinone est utilisée sur de longues périodes.7

Un acteur du trio de Kligman

Utilisée seule dans les crèmes dépigmentantes dans les années 1950 et 1960,8 l’hydroquinone va bientôt être associée à d’autres ingrédients afin d’en améliorer les performances.

L'une des premières thérapies topiques associant différentes molécules, dans les années 1970, pour le traitement de l'hyperpigmentation est la célèbre formule de Kligman-Willis, composée de 5 % d’hydroquinone, de 0,1 % de trétinoïne et de 0,1 % de dexaméthasone. Dans cette association, chaque ingrédient joue un rôle bien spécifique, au point que Kligman prévient son lecteur en précisant que si l’un des ingrédients est laissé de côté le niveau d’efficacité de la formule s’en trouvera altérée.9 La trétinoïne empêche l'oxydation de l'hydroquinone et favorise sa pénétration épidermique, tandis que le corticostéroïde topique réduit l'irritation due aux deux autres ingrédients, tout en interagissant sur le métabolisme cellulaire afin d’inhiber davantage la synthèse de mélanine. Une association qui paraît donc judicieuse, mais qui a pourtant fait l’objet d’aménagements variés, afin d’en augmenter l’efficacité et la tolérance.10 Kligman est ravi de son invention ; toutefois, des effets indésirables à type d’érythème, de desquamation, de sensations de brûlure et de télangiectasies sont fréquemment observés. Les effets indésirables moins courants comprennent l'acné/les poussées d'acné, l'hyperpigmentation, le prurit, l'atrophie cutanée, la dermatite péri-orale et l'hypertrichose.11 L’ochronose (apparition de macules bleu-noir au niveau cutané) est, quant à elle, nous dit-on parfois, rare (seulement 22 cas référencés aux Etats-Unis sur une période de 50 ans)12 ou bien au contraire à ne pas négliger, en particulier chez les sujets à peau noire, sous traitement pendant de longues années,13 d’où les fameuses modifications réalisées.14

Pour autant, en 2022, la formule de Kligman modifiée (l’une d’elles est par exemple composée de 4 % d’hydroquinone, de 0,05 % de trétinoïne et de 0,1 % de bétamethasone) constitue toujours une formule de référence pour certains et permet de comparer les résultats obtenus avec de nouveaux principes actifs, comme la cystéamine, par exemple.15,16

Un principe actif sûr d’emploi... ou pas

Une publication de 2021 présente l’hydroquinone comme un principe actif sûr d’emploi, dans le cadre du traitement des hyperpigmentations, réalisé selon une utilisation contrôlée (dose d’emploi inférieure à 5 % sur une courte période).17 Pourtant, d’autres mentionnent clairement l’effet cytoxique de l’hydroquinone vis-à-vis des mélanocytes et proposent en lieu et place des solutions alternatives, plus douces.18,19

Et quid des générateurs d’hydroquinone ?

L’arbutine, contenue entre autres dans les feuilles d’Arctostaphylos uva-ursi, est susceptible d’être hydrolysée en hydroquinone.20 Une arbutine qui passe au travers des trous de la raquette réglemenatire et échappe pour l’instant à toute législation.21

L’hydroquinone, en bref

Un agent éclaircissant/dépigmentant, très utilisé en Afrique sub-saharienne pour le blanchiment de la peau, même si un grand nombre d’effets indésirables sont à déplorer.22-24 Un agent éclaircissant interdit dans les cosmétiques, retrouvé pourtant en Europe dans un certain nombre de produits illicites,25 produits traqués, entre autres, par Isabelle Mananga,26 une femme courageuse qui s’est fixé pour mission d’assainir un marché un peu trop opaque à son goût, dans un but de santé publique. Un ingrédient au sujet duquel il est bon de répéter, encore et toujours, qu’il est interdit dans les cosmétiques, donc que l’on ne doit pas en retrouver une seule trace dans les produits du commerce.

Bibliographie

1 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=76687

2 https://online.personalcarecouncil.org/ctfa-static/online/lists/cir-pdfs/pr86.pdf

3 https://online.personalcarecouncil.org/ctfa-static/online/lists/cir-pdfs/pr182.pdf

4 https://online.personalcarecouncil.org/ctfa-static/online/lists/cir-pdfs/PRS551.pdf

5 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02009R1223-20201203&from=EN

6 Andersen FA, Bergfeld WF, Belsito DV, Hill RA, Klaassen CD, Liebler DC, Marks JG Jr, Shank RC, Slaga TJ, Snyder PW. Final amended safety assessment of hydroquinone as used in cosmetics. Int J Toxicol. 2010 Nov-Dec;29(6 Suppl):274S-87

7 Charoo NA. Hyperpigmentation: Looking beyond hydroquinone. J Cosmet Dermatol. 2022 Jan 12. doi: 10.1111/jocd.14746

8 O'Donoghue JL. Hydroquinone and its analogues in dermatology - a risk-benefit viewpoint. J Cosmet Dermatol. 2006 Sep;5(3):196-203

9 Kligman AM, Willis I. A new formula for depigmenting human skin. Arch Dermatol. 1975 Jan;111(1):40-8

10 Sarkar R, Gokhale N, Godse K, Ailawadi P, Arya L, Sarma N, Torsekar RG, Somani VK, Arora P, Majid I, Ravichandran G, Singh M, Aurangabadkar S, Arsiwala S, Sonthalia S, Salim T, Shah S. Medical Management of Melasma: A Review with Consensus Recommendations by Indian Pigmentary Expert Group. Indian J Dermatol. 2017 Nov-Dec;62(6):558-577

11 Al Dhafiri M, Almutairi M, Alutaibi HM, Aldandan HR, Albshr FA, Alkhalifa FS. Attitude Toward Using the Triple Combination Bleaching Formula and Related Outcomes: A Cross-Sectional Study. Cureus. 2021 Dec 20;13(12):e20542

12 Levitt J. The safety of hydroquinone: a dermatologist's response to the 2006 Federal Register. J Am Acad Dermatol. 2007 Nov;57(5):854-72

13 Ishack S, Lipner SR. Exogenous ochronosis associated with hydroquinone: a systematic review. Int J Dermatol. 2021 Sep 6

14 Majid I. Mometasone-based triple combination therapy in melasma: is it really safe? Indian J Dermatol. 2010 Oct;55(4):359-62. doi: 10.4103/0019-5154.74545

15 Karrabi M, David J, Sahebkar M. Clinical evaluation of efficacy, safety and tolerability of cysteamine 5% cream in comparison with modified Kligman's formula in subjects with epidermal melasma: A randomized, double-blind clinical trial study. Skin Res Technol. 2021 Jan;27(1):24-31

16 Kasraee B, Mansouri P, Farshi S. Significant therapeutic response to cysteamine cream in a melasma patient resistant to Kligman's formula. J Cosmet Dermatol. 2019 Feb;18(1):293-295

17 Searle T, Al-Niaimi F, Ali FR. Hydroquinone: myths and reality. Clin Exp Dermatol. 2021 Jun;46(4):636-640

18 Draelos ZD, Deliencourt-Godefroy G, Lopes L. An effective hydroquinone alternative for topical skin lightening. J Cosmet Dermatol. 2020 Dec;19(12):3258-3261

19 Kalasho BD, Minokadeh A, Zhang-Nunes S, Zoumalan RA, Shemirani NL, Waldman AR, Pletzer V, Zoumalan CI. Evaluating the Safety and Efficacy of a Topical Formulation Containing Epidermal Growth Factor, Tranexamic Acid, Vitamin C, Arbutin, Niacinamide and Other Ingredients as Hydroquinone 4% Alternatives to Improve Hyperpigmentation: A Prospective, Randomized, Controlled Split Face Study. J Cosmet Sci. 2020 Sep/Oct;71(5):263-290

20 Drugs and Lactation Database (LactMed) [Internet]. Bethesda (MD): National Library of Medicine (US); 2006–. Uva Ursi. 2021 Jun 21

21 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=74362

22 Morand JJ, Ly F, Lightburn E, Mahé A. Complications de la dépigmentation cosmétique en Afrique [Complications of cosmetic skin bleaching in Africa]. Med Trop (Mars). 2007 Dec;67(6):627-34

23 Olumide YM, Akinkugbe AO, Altraide D, Mohammed T, Ahamefule N, Ayanlowo S, Onyekonwu C, Essen N. Complications of chronic use of skin lightening cosmetics. Int J Dermatol. 2008 Apr;47(4):344-53

24 Karamagi C, Owino E, Katabira ET. Hydroquinone neuropathy following use of skin bleaching creams: case report. East Afr Med J. 2001 Apr;78(4):223-4

25 https://sante.lefigaro.fr/article/depigmentation-60-des-cremes-eclaircissantes-contiennent-des-produits-dangereux/

26 https://labelbeautenoire.org/author/manangaosseyisa/

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