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Histoire d’un maquillage réussi qui pourrait tout faire mal tourner !

> 06 mai 2023

Histoire d’un maquillage réussi qui pourrait tout faire mal tourner !

Barbara Cartland, surnommée la dame en rose, est une curieuse femme, née en 1901 et morte en 2000.1 Avec des centaines de romans à son actif, cet écrivain aux cils imbibés de mascara, à la blonde chevelure permanentée et aux joues rosies de blush, a passé son existence - nous dit-elle - à lire des livres historiques et à dicter à des secrétaires empressés une vingtaine de romans par an… Et elle voudrait qu’on la croit !

Ce qui est certain, c’est que l’intrigue est mince et qu’elle se reproduit dans le temps et l’espace de manière immuable dans des romans qui traitent majoritairement d’amour. Une jeune fille toute pureté, un homme fait, ayant savamment navigué parmi de nombreuses conquêtes. Une rencontre. Des hésitations. Un final avec feu d’artifices de sentiments.

Avec Barbara, on ne se prend pas la tête. Tout est simple. Tout est dit. Evidemment, à haute dose, ça peut faire des dégâts. Lady Di, la petite-fille biberonnée aux histoires romanesques de la vieille dame, en saura quelque chose (Lady Di n’est autre que la petite fille de Barbara !).

Avec Dansons sous la pluie, paru en 1987,2 Barbara nous transporte en France à la fin du XIXe siècle.

Loretta Court, une blonde héroïne toute fraiche

Loretta Court (ou Madrescourt selon les pages !), l’héroïne de l’histoire, est une jeune fille vive et pleine de charme, aimant la nature, les chevaux, les belles robes… Une jeune orpheline de mère, à la blonde et longue chevelure, qui doit obéissance à un père fortuné, qui s’est juré de lui faire faire le mariage le plus avantageux possible. Le marquis Fabian de Sauerdun, un jeune Français, coureur de jupons, devrait pouvoir s’assagir au contact de la pure jeune fille qui lui est destinée. Loretta suffoque, en apprenant les projets de son père. Cette fougueuse jeune fille ne se mariera pas contre son gré !

Loretta, un bain pour chasser l’odeur de crottin !

Après deux heures passées sur le dos de son cheval, Loretta revient fourbue au manoir paternel. A peine rentrée, la voilà qui se rue dans la salle de bains, afin de « prendre un bain » ! A peine rentrée, la voilà qui se trouve nez à nez avec un projet fou : Loretta va devoir se fiancer illico avec un parfait inconnu !

Loretta, un bateau pour fuir le projet paternel

A peine prévenue des intentions paternelles, voilà Loretta qui se glisse avec sa duègne dans un bateau en direction de la France. Le but : se faire héberger par sa cousine Ingrid (celle-ci a rompu son mariage pour aller vivre maritalement à Paris avec l’homme de son cœur), afin de tenter de rencontrer le marquis et de se faire une idée du tempérament de celui qui lui est promis.

Loretta, un peu de maquillage pour masquer innocence et virginité

Afin de pouvoir rencontrer Fabian, un séducteur qui ne s’intéresse qu’aux femmes mariées, Ingrid met au point un stratagème cosmétique. Loretta va être métamorphosée en femme fatale. Il ne restera plus à elle qu’à s’inventer un mari ombrageux et passionné de chasse, resté sur son domaine. « Tu as l’air très jeune mais en t’habillant avec plus de recherche et en te maquillant légèrement » ; il doit être possible de berner Fabian ! La transformation est totale ; qu’en penserait le vieux M. de Madrescourt, père de Loretta ? Que du mal certainement (« Si le duc de Madrescourt avait été présent, il aurait immédiatement envoyé sa fille se débarbouiller dans sa chambre. »)

Pour être « convaincante », Loretta sort donc le grand jeu. « Bain parfumé au seringa », corset serré au maximum, robe divine, « coiffure élaborée typiquement Française », maquillage soigneux. « Mais Ingrid ne considérait pas son œuvre comme terminée. Elle appliqua elle-même un peu de poudre de riz sur la peau de pêche de la jeune fille, une touche de mascara sur les cils et un peu d’ombre sur les paupières qui parurent deux fois plus grandes qu’auparavant. Pour finir, elle lui mit un soupçon de rouge sur les joues et les lèvres. »

Et à chaque rencontre, Ingrid réinstalle Loretta à sa coiffeuse. La même scène se reproduit, afin de transformer l’innocente jeune fille en une jeune épouse aguerrie. « Elle désirait être à la hauteur de sa nouvelle toilette et, pour cela, il fallait que sa cousine eût le temps de poser sur son visage les légères touches de maquillage qui la vieillissaient juste assez pour qu’elle n’eût plus l’air d’une charmante jeune fille. »

Fabian de Sauerdun, une virile beauté à tomber par terre

Le marquis est d’une « beauté » et d’une virilité « désarmantes » ! Sa voix grave fait courir dans le corps de Loretta « comme de minuscules rayons de soleil » !

Et balance ton porc avant l’heure

Loretta est si séduisante, qu’elle fait tourner bien des têtes, au point de se faire enlever par le comte Eugène de Marais, un vil séducteur, qui en tient visiblement pour sa personne ! Heureusement, Fabian veille au grain et arrive à soustraire Loretta des griffes de ce « porc » !

Suite à cette aventure, Loretta, livide sous son maquillage, comprend que le petit jeu auquel elle joue peut s’avérer dangereux !

Et tout finit très bien

En robe de mariée, avec un bouquet de « roses blanches et de muguet, symbole de pureté » !

Dansons sous la pluie, en bref

Surtout ne pas avoir peur du ridicule en lisant cet ouvrage où les séducteurs séduisants deviennent dociles comme des enfants sous les feux d’un amour innocent. Les épidermes tressaillent au moindre contact. Les bouches se rencontrent, les baisers sont ardents… Mais c’est tout. On jette bien vite un voile pudique sur les alcôves entrouvertes.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1981-barbara-cartland-pretresse-des-romans-a-l-eau-de-rose

2 Cartland B., Dansons sous la pluie, Fanval, 1988, 190 pages

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