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Hercule ou Achille Poirot, une moustache qui fait toute la différence

> 30 janvier 2021

Hercule ou Achille Poirot, une moustache qui fait toute la différence

Les quatre n’est certainement pas le meilleur roman d’Agatha Christie.1 Hastings revient alors d’Argentine pour faire une surprise à son cher Hercule Poirot, qui s’apprête à s’embarquer pour Rio, afin de mener une enquête extrêmement lucrative, à l’intention du « roi du savon », un homme extrêmement riche, un certain Abe Ryland. Les deux amis ne se croiseront, toutefois, pas. Le piège est trop gros... Une organisation à 4 têtes a décidé d’en finir avec l’enquêteur de génie. L’envoyer au Brésil pour un temps plus ou moins défini leur permettra de faire leurs petites magouilles en toute sécurité. Mais c’est compter sans les petites cellules grises d’Hercule Poirot qui, une fois de plus, fonctionnent à plein régime.

Les quatre, une organisation maléfique

Ce quatuor du mal est composé de 4 personnes : le N°1, le cerveau est un Chinois, du nom de Li Chang Yen, le N°2 un Américain fort riche (Abe Ryland et son empire savonnier), le N°3 une femme savante, une Française, véritable génie de la chimie - l’égale de la célèbre Mme Curie - et le N°4, « Le Destructeur », le bras armé de cette organisation maléfique, un acteur capable de changer d’apparence à volonté. Ce N°4 est un artiste qui fait plus que « se grimer » ; « expert dans l’art du maquillage », capable de modifier ses traits, il change de personnalité en un instant et ne recule devant aucun forfait.

Cette organisation criminelle - « le grand quatuor » - bien décidée à régner sur le monde, multiplie les crimes sans pitié. De l’acide prussique au jasmin, l’air est saturé de parfums plus délétères les uns que les autres.

Un détective que l’on reconnaît bien

Hercule Poirot, c’est une silhouette que l’on reconnaît de loin ! « Un petit bonhomme à la tête en pain de sucre et aux yeux verts. » Un petit bonhomme qui se laisse prendre au charme de Mme Véroneau, la secrétaire de Mme Olivier, la célèbre chimiste. Sous les traits de cette secrétaire dévouée, on aura tous reconnu la pulpeuse comtesse Rossakoff, cambrioleuse de génie. Afin de traquer la bande de malfaiteurs, Hercule Poirot envisage de se déguiser ; difficile toutefois pour lui de sacrifier ses moustaches (« Et même si je faisais le sacrifice de ma moustache, on me reconnaitrait. ») Devant un tel dilemme, Hercule Poirot ne tergiverse pas. Il ne lui reste plus qu’à se faire passer pour mort - un bel enterrement avec une superbe couronne de roses rouges - et à renaître sous les traits d’un jumeau, plus vrai que nature. Achille Poirot, résidant à Spa en Belgique, ressemble, à quelques détails près, à son célèbre frère, la moustache en moins. La voix et les yeux sont différents ! Pour la voix, un petit entraînement a suffi ; pour les yeux, des gouttes de belladone ont permis de modifier efficacement le regard.

Un apprenti-détective que l’on reconnaît aussi

Le cher Hastings reste égal à lui-même, toujours aussi fasciné par les belles chevelures rousses. Misogyne à souhait, Hastings s’étonne des capacités intellectuelles de Mme Olivier. « Seul un cerveau masculin, avais-je cru jusque-là, était capable de fournir ce travail ». Envoyé chez Abe Ryland, au titre de secrétaire stylé pour épier le N°2 de l‘organisation, Hastings se métamorphose littéralement. Passé entre les mains d’un expert en maquillage et transformations, Hastings gagne 5 cm (merci aux talonnettes), change de regard, du fait de la modification subtile de son arc sourcilier, prend des joues, grâce à des tampons d’ouate habilement dissimulés (très inconfortables à la longue !), devient blême, après s’être tartiné de fond de teint « blafard » (adieu le teint hâlé qui fait tout son charme), se rase de près en sacrifiant sa jolie petite moustache, peaufine l’ensemble avec une dent en or du meilleur genre. A la fin de la séance de maquillage, Hastings est mort ; Arthur Neville, secrétaire mondain, peut entrer en scène ! Et tant qu’à faire tomber amoureux de la secrétaire d’Abe, Melle Martin, une jolie rousse, qui se laisse courtiser gentiment. Jouer les espions n’est pas simple pour un homme aussi transparent que le capitaine. Malgré les transformations, Hastings reste Hastings, à n’en pas douter... Capturé, puis prisonnier dans une cave où des « parfums étranges » alourdissent l’air, Hastings est mis en présence d’un énigmatique Chinois (« A la longueur de ses ongles, je compris que j’étais en présence d’un homme considérable. »)

Les quatre, en bref

Dans ce roman, moins bien construit que les autres, Agatha Christie laisse transparaître, une fois de plus, son amour de la botanique. Il est question d’une intoxication au jasmin de Virginie, Gelsemium sempervirens, une plante bien connue pour ses propriétés photosensibilisantes.2 Un médecin qui inocule à son patient de la « gelseminine », un « toxique puissant agissant comme la cicutine »... Hercule Poirot salit ses chaussures, joue au cambrioleur, s’égare dans ses raisonnements, se fabrique un jumeau sur-mesure... Il y a des fards de théâtre, des cosmétiques pour se grimer, il y a du fond de teint et des parfums à profusion.

4 mercis, ce serait peu... plutôt plein de mercis à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour ses illustrations !

Bibliographie

1 Christie A. Les quatre. Librairie des Champs-Elysées, 251 pages

https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-millepertuis-une-plante-capricieuse-peu-utilisee-dans-le-domaine-cosmetique-1462/

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