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En Italie, avec Ingres

> 18 juin 2022

En Italie, avec Ingres

L’Italie, de Florence à Naples… « l’odeur du foin à chaque halte de poste »… et le soleil, toujours ce soleil qui assomme, qui « tape sur la caboche »… surtout celle du maître qui ne porte « jamais de chapeau »…1

Ingres, le maître

Peu flatteur le portrait que Jean-Auguste-Dominique fait de lui-même ! « J’étais petit, pas encore gros ». « J’étais laid ».

Madeleine Chapelle, l’épouse du maître

« Madeleine avait un visage rond et de petits bras potelés. » « C’était la cousine pauvre de [l]a belle Adèle ». « Madeleine était surtout bonne, et avisée ». « Elle avait prévu le soleil et fait faire une cargaison d’ombrelles », avant son départ pour l’Italie. Tout l’opposé de son mari, donc, en matière de photoprotection ! Drôle d’histoire que celle de leur couple. Ingres était très amoureux d'une femme mariée, Adèle de Lauréal, « la belle Adèle » ! Celle-ci lui proposa un étrange arrangement : lui permettre d’entrer en relation avec Madeleine Chapelle, sa cousine, modiste de son état dans la bonne ville de Guéret, qui, a priori, lui ressemblait beaucoup. Ingres écrit à la jeune femme… Echange de lettres et de portrait et conclusion rapide d’une union arrangée.2,3

La belle Napolitaine, le modèle du maître

Dans l’atelier, « Elle dénoua ses cheveux noirs sur sa nuque qu’elle avait la plus belle du monde ». A force de l’avoir contemplé, Ingres pouvait dire « je connaissais chaque ligne de son corps, je pouvais dessiner de mémoire la petite tache qu’elle avait sur le mollet droit, placer le grain de beauté qui est sous la commissure de ses lèvres, du côté gauche, seules imperfections d’un corps qui, sans cela, n’eût pas appartenu à la Terre. Je savais comment étaient rangées ses dents […]. » « Ses bras longs et minces, ce dos si long, cette taille si fine. C’était surtout cela que j’aimais, cette peau brune et si douce à la taille. »

La dormeuse de Naples, LE tableau du maître

La toile représentait « Une femme, au corps souple et sec, à la lèvre fraîche, une peau que l’on sentait douce, un parfum, qui, croyait-on, remplissait l’air tout autour d’elle. Pas d’idéalisation, pas d’invention : une femme réelle, avec une petite tache brune sur le mollet. » « Sa pose alanguie, ses mains derrière elle, dans ses cheveux, montraient-elle qu’elle s’éveillait ? » « Ses cheveux […] noirs avec des reflets roux, lui donnaient curieusement un visage de blonde. La bouche grande et sans sourire, la tête un peu plus colorée que le corps. Un visage d’adolescente qui se promène sous le soleil ». « Elle vous fixait, comme si elle n’avait pas été nue. » Certain disait « qu’elle représentait la reine de Naples, Caroline Murat, née Bonaparte comme nul ne l’ignore. » Mais le lecteur, lui, il sait bien qu’il y a cette petite tache au niveau du mollet droit qui ne peut tromper ! Il en est de même pour Madame « C.-M ***, une ancienne cantatrice qui avait perdu voix et jambes », ainsi que ses dents... Elle connaissait l’existence de cette toile, « Une jolie femme », « Une assez belle femme, un peu canaille ». Ingres avait-il fait poser « Céleste Coltellini-Meuricoffre,4 une sorte de beauté corse un peu hâlée […] pour le visage du moins » ? Mais non, bien sûr !

François Marius Granet, l’ami du maître

Son seul ami même…Un « Bel homme, hâlé par le soleil à faire peur dans Paris. […] Grand nez, joues creuses, quelque chose de Bonaparte à Arcole ». Pour lui, la jeune Napolitaine est une « merveille » !

La dormeuse de Naples, en bref

Lisez ce court roman en trois actes dont le titre résonne « comme une contrepèterie et n’en [est] pas une. »

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration d'Adrien Goetz !

Bibliographie

1 Goetz A., La dormeuse de Naples, Grands romans Points, 2007, 119 pages

2 Madeleine Chapelle (1782-1849) - Histoire de guéret (histoire-gueret.fr)

3 Portrait de Mme Ingres née Madeleine Chapelle (culture.gouv.fr)

4 Portrait of Celeste Coltellini, Madame Meuricoffre - Speed Art Museum (speedmuseum.org)

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