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Avec Amélie Nothomb, recette beauté maison pour mains d’érable !

> 26 septembre 2021

Avec Amélie Nothomb, recette beauté maison pour mains d’érable !

En 1988, il était possible de voir une drôle d’attraction sur l’île japonaise de Sado : une Eve, nue comme au premier jour, sans même une feuille de vigne, se baignant dans une piscine d’extérieur, par un froid glacial. L’extase ! Une Eve, guettant son Adam, de retour d’un champ de plaqueminiers, Diospyros kaki, les bras chargés de fruits tendres et savoureux. « Leur pulpe exaltée par le gel avait une saveur de sorbet aux pierres précieuses ». Point de serpents à l’horizon, mais des bêtises cosmétiques, tout de même.1

Rinri, le fiancé japonais un peu rasoir

Rinri, l’élève de français d’Amélie, puis son fiancé en titre, est un beau jeune homme âgé de 20 ans, qui se déplace dans « une somptueuse Mercedes blanche ». L’héritier d’un empire dans le domaine de la joaillerie, si vous voulez vraiment tout savoir. Un jeune homme, lisse, « aimable », « charmant », sans aspérités, tout de douceur, d’impassibilité, d’élégance. Jamais un mot plus haut que l’autre. Une beauté pleine de délicatesse, une « nuque rasée de près ». Un tantinet rasoir, tout de même !

Amélie, la fiancée belge au front blanc

Amélie, la professeur de l’élève japonais, aussi lisse qu’un miroir, est une jeune fille de 21 ans, au visage jugé trop expressif, gourmande de la vie, friande de sauce Hiroshima, au « parfum de prune amère, de vinaigre, de saké et de soja », de « beignets de pissenlits », de « bouillon d’orchidées » ou de « soupe aux fougères des montagnes ». Son front est blanc (« Que c’est blanc »), ce qui ne manque pas d’impressionner Rinri et sa famille. Son teint pâle est ravissant ; Rinri y veille comme à la prunelle de ses yeux. Surtout, ne pas ingurgiter de tomates, susceptibles de corrompre le teint magnifique de la belle. « Il soupira des choses désespérées sur la fugacité de la blancheur. »

Pour le teint, rien à redire... Amélie est conforme à ce que l’on attend d’une belle Japonaise. Pour le reste, comment dire ? Pas vraiment, une bonne ménagère, Amélie, si l’on en croit le désordre qui règne dans son appartement, aux allures de « débarras squatté par des réfugiés politique ».

Amélie, la fiancée belge du mont Fuji

Entre le mont Fuji et Amélie, des rapports encore plus forts qu’entre Amélie et Rinri. Amélie est éblouie. Grimpe à son sommet, dévale les pentes à toute allure, bat des records de vitesse et en sort le « visage noirci par des projections de lave ». Un masque qu’apprécierait sûrement les blogueuses beauté un peu branchées du moment. On les trouve où dans le commerce les sachets de « lave du mont Fuji » anti-comédons, détoxifiants, illuminateurs de teint...

Amélie, la fiancée belge aux mains d’érable

Et une fondue suisse pour la demoiselle ! Rinri,aux petits soins pour sa jolie fiancée, propose, un soir, de faire une fondue suisse. Un fromage insipide, du vin blanc au parfum d’antigel, les produits de base manquent de qualité... l’ambiance est, toutefois, au rendez-vous. Une fois le ventre plein, pourquoi ne pas s’accorder une pause manucure, avec l’idée saugrenue de finir le fromage et le vin blanc en une seule fois, à la manière de ses séances de paraffinothérapie (pour obtenir les mains douces les esthéticiennes d’antan proposaient souvent à leurs clientes de réaliser des bains de paraffine chaude). Et hop, voilà Amélie les deux mains dans le caquelon. Et hop, la voilà avec une paire de gants en « faux-fromage »... Consternation de Rinri qui, très pratique, se lamente. L’eau et le savon ne pourront jamais venir à bout de cette véritable glu. Effectivement, le savon, tout comme le produit vaisselle, s’avère infructueux. Le couteau de cuisine, utilisé à la manière d’un strigile antique, est source de coupure... Amélie arrête le combat au premier sang. Rinri prend le relais du bout des dents (prévoir alors un bon dentifrice pour décoller la glu du râtelier) ; un vrai couteau suisse ce garçon ! Le résultat est approximatif... mais on avance quand même. Fignolage avec un bon « détergent et une éponge abrasive ». « Le lendemain matin, la sensation d’avoir les mains douloureusement sèches » éveilla une Amélie un peu confuse de ses zouaveries de la veille. Il ne restait plus qu’à s’enduire les mains d’une bonne couche bien épaisse de crème hydratante, émolliente, adoucissante afin de retrouver la « perfection de la feuille d’érable ».

La fiancée belge à la peau dévorée par les moustiques

La peau d’Amélie est un vrai piège à moustiques. Souple, délicate, moelleuse... « J’avais beau m’enduire de citronnelle ou d’onguents répulsifs, l’attrait que j’exerçais sur eux l’emportait. »

Amélie la fiancée belge qui découvre les joies du bain

Chez Christine, une compatriote rencontrée à l’ambassade, Amélie découvre les joies offertes par les baignoires gigantesques. Avec Rinri, Amélie y passe un temps fou, goûte au rituel japonais qui consiste à se laver... avant de se laver. Un récurage soigneux est pratiqué, par morceaux, au lavabo, avant de mettre un pied dans l’eau du bain, histoire de ne pas souiller « l’eau de l’honorable baignoire ». Pratique étonnante pour une Européenne, qui y voit une loufoquerie comparable à celle de la ménagère s’ennuyant à ranger des « assiettes propres dans un lave-vaisselle ». Pour Rinri, pas d’entorse aux coutumes : « Profaner l’eau du bain est au-dessus de mes forces ». Quelle volupté, un bain chaud au retour d’une promenade dans la montagne enneigée !

Quel bonheur également que ce week end dans l’île de Sado, dans un hôtel de luxe où les chambres embaument le « tatami frais » et où une piscine à débordement, munie d’un robinet rustique en bambou, chante toute la journée des notes cristallines. L’eau est brûlante... Amélie, en bonne asiatique, se savonne et s’astique au lavabo avant de se mettre à macérer dans « l’incroyable baignoire ».

Rika, la soeur du fiancé japonais un peu rasoir

Rika est magnifique… Cette svelte jeune fille possède un doux prénom qui se traduit par « Le pays des parfums » !

Ni d’Eve ni d’Adam, en bref

Le mariage d’Amélie et de Rinri n’aura pas lieu. Comment dire « non » à ce garçon si charmant ? La fuite semble être la seule solution acceptable. Aller simple pour Bruxelles et les bras de Juliette à l’arrivée..., un collier bien plus joli que celui que pourrait composer le père de Rinri pour son auguste belle-fille.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour !

Bibliographie

1 Nothomb A., Ni d'Eve ni d'Adam, Albin Michel, 2020, 182 pages

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