> 04 avril 2024
Chez la veuve Douglas, tout est beaucoup trop propre pour Huckleberry Finn, l’ami de Tom Sawyer, aussi celui-ci ne manque-t-il pas de prendre la poudre d’escampette.
Chez le père de Huckleberry Finn, tout est beaucoup trop sale pour Huckleberry Finn, qui préfère retrouver sa liberté, plutôt que de mourir sous les coups de cet homme, qui aime plus la boisson que son fils.
Entre une veuve trop attentionnée et trop propre et un père trop méchant et trop sale, il ne reste plus au jeune garçon qu’à prendre la tangente !1 Et le lecteur le suivra avec plaisir dans cette aventure, riche en rencontres et en péripéties.
Tout est aseptisé, chez la veuve et sa sœur ; il faut se tenir droit, ne pas bailler intempestivement ; il faut rester propre, toute la journée. Trop dur, pour un jeune garçon, habitué, jusque-là, à vivre dans un tonneau, en haillons, sans la moindre contrainte d’aucune sorte.2
Le père de Huckleberry n’est pas un as de la propreté. Ses cheveux, « longs et sales », témoignent de son aversion pour tout acte d’hygiène. Un homme, qui bat son fils et mérite d’être quitté, avant qu’il ne soit trop tard.
En écoutant aux portes, Jim surprend une conversation : il risque bien d’être vendu. Afin d’éviter ce grand drame, il prend les devants et s’enfuit. Il se cache alors, dans une île, où il est rapidement rejoint par Huckleberry. Le binôme se met alors en route, croisant sur son chemin toutes sortes de personnages pittoresques.
Les Grangeford sont les ennemis, depuis des lustres, des Shepherdson. Alors, forcément, Huckleberry tombe en plein milieu d’une haine de clan ; ça tire des coups de fusils dans tous les coins. Le reste du temps, les Grangeford sont des aristocrates, très bon chic bon genre. Le père de famille, met « une chemise propre chaque matin » et porte « des costumes en fine toile blanche, très chic », pour pratiquer sa vendetta quotidienne !
Pour Jim, tout homme qui a « du poil sur les bras et la poitrine » est voué à devenir « riche un jour » ! ça tombe bien, car Jim est très poilu ! Mais, avant de devenir riche, il doit se cacher, afin d’échapper à ses poursuivants (il est en fuite, ne l’oublions pas). Afin de passer inaperçu, il se déguise en « roi Lear » (« une grande robe et une perruque blanche en crin de cheval » ; « Il lui peignit la figure et le cou en bleu avec du maquillage de théâtre, un bleu horrible, Jim ressemblait à un noyer qu’on a repêché après une semaine dans l’eau. »). Bizarre, bizarre !
Sur son chemin, Huckleberry croise deux marchands ambulants, ayant piètre allure. L’un est vieux et chauve ; l’autre n’a qu’une trentaine d‘années et a priori tous ses cheveux sur la tête.
Le jeune escroc vend des cosmétiques… plus spécialement des dentifrices, tellement blanchissants qu’ils en arrivent à altérer l’émail dentaire et à compromettre la santé bucco-dentaire. Les effets indésirables de son dentifrice de compétition déclenchent la fureur des consommateurs, qui ont eu la faiblesse de se laisser prendre à son boniment. « Je vendais un produit pour enlever le tartre des dents - et qui agit, parole ! Il enlève même l’émail avec ! - mais je suis resté un jour de trop dans le même village et je cavalais avec toute la population à mes trousses quand je t’ai rencontré. » Outre les cosmétiques, notre commerçant hors-pair, conseille également quelques médicaments, fait des conférences et des séances d’hypnotisme… ou des leçons de chant. Cet homme sait tout faire !
Le vieil escroc change, lui aussi, plus souvent de métier que de chemise. Fervent défenseur d’une ligue anti-alcoolique, mais amateur de whisky, cet escroc tour à tour « guérisseur » (« L’imposition des mains contre la paralysie, le cancer, tout ça, tu vois ? »), voyant, se fait parfois doux agneau, pour prêcher la bonne parole et empocher le don des fidèles !
Quand le jeune (Bilgewater ou Bridgewater selon les goûts) et le vieux (David Garrick) s’associent… il n’en sort pas une nouvelle crème anti-âge, mais un attrape-nigaud, destiné à se faire de l’argent facilement. L’idée est de monter un spectacle, en promettant de nombreux acteurs et de somptueux décors et en n’offrant, en tout et pour tout, que quelques mimes ratés. A la fin du spectacle, l’escroc s’empresse de demander à l’assistance de faire de la publicité auprès de son entourage, afin d’attraper toujours plus de monde et de payer sa soirée par une douce vengeance. Une sorte de réaction en chaîne, afin que la personne attrapée en attrape une autre, etc, et à l’infini !
Le jeune et le vieil escroc se font ensuite passés pour les héritiers d’un certain Peter Wilks. Pour toucher son héritage, il convient de prouver que l’on connait bien le mort en indiquant quel est le tatouage qu’il a toujours arboré sur la poitrine. « Une petite flèche bleue à peine visible » ? « Un P ou un W, ses initiales » ? Pas du tout… Le notaire malicieux a tendu un piège aux chasseurs d’héritage. Il n’y avait aucun tatouage sur la poitrine du mort !
Huckleberry Finn n’arrête pas d’en croiser des gens de toutes sortes… des originaux, des escrocs… bref, tout un petit monde. Et, à la fin de l’ouvrage… Huckleberry n’est pas plus avancé. Il y a toujours quelqu’un qui veut se charger de son éducation (tante Sally en l’occurrence), alors que, justement, ce que veut Huckleberry c’est la… liberté ! Le bien le plus compliqué certainement à posséder !
1 Twain M., Les aventures de Huckleberry Finn, texte intégral, collection spirale, Paris, 1979, 251 pages
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