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Belladone… drôle de nom pour une plante toxique !

> 13 novembre 2019

Belladone… drôle de nom pour une plante toxique !

Atropa belladona est le nom d’une plante de la famille des Solanacées, largement retrouvée aux Etats-Unis et en Europe. Dans la mythologie grecque, Atropos constitue l’un des trois sorts qui se penche sur le berceau du nouveau-né. Alors que Clotho, la fileuse, fabrique les fils blancs et les fils noirs de la vie, Lachesis les entremêle et laisse à l’aînée, Atropos, le soin de les couper, quand bon lui semble.1 Il est donc tout à fait logique que Linné ait attribué ce nom de genre à une catégorie de plantes renfermant des principes toxiques. L’origine du nom botanique, Bella Donna en Italien, semble être à mettre au profit d’un certain Pietro Andrea Mattioli, en 1554. C’est sous ce terme qu’il présente, dans ses commentaires de l’œuvre de Dioscoride, la plante désignée sous le nom de Solatrum maius. Le nom vernaculaire de Herba Bella Donna est alors, semble-t-il, couramment employé par les Vénitiens et les Toscans.

Pourquoi Bella Donna ?

On se pose évidemment la question de savoir pourquoi cette plante est connue sous le vocable de « belle dame ». On peut imaginer que les belles dames devaient avoir recours à certaines parties de la plante afin de réaliser des préparations cosmétiques permettant de valoriser leur beauté. Selon les sources, il est fait mention de préparations destinées à blanchir le teint ou bien au contraire à le colorer. Le jus, extrait des baies, aurait permis de fabriquer ce que l’on a dénommé durant longtemps le « rouge ». Pour piquer un fard (avec ou sans belladone), princesses et aristocrates,2-4 ont, depuis l’Antiquité, eu recours à ce type de produit de maquillage. Des produits d’hygiène destinés à éliminer de la peau boutons et autres lésions cutanées sont également évoqués. Il est enfin fréquemment fait mention de préparations ophtalmiques à base de belladone, donc d'atropine, destinées à dilater la pupille et à conférer aux belles qui s’en servaient des yeux de braise !

Pour clore le chapitre, Bodaeus, en 1644, propose une explication qui n’a rien de cosmétique ; utilisée par voie générale et non plus locale, la belladone donnerait de l’imagination aux belles femmes et permettrait la réalisation de « fantaisies sexuelles »…

Si certains considèrent la belladone comme l’alliée des belles femmes, d’autres (et en particulier le très sérieux Oxford English Dictionary) n’y voient qu’un poison ayant été utilisé, entre autres, par un célèbre empoisonneur italien, Leucota, afin de se débarrasser de belles dames un peu trop gênantes. Quant à savoir qui était ce célèbre Leucota c’est une autre paire de manches ! Quel que soit l’empoisonneur en question, la belladone n’en reste pas moins un poison utilisé au XVIe et au XVIIe siècles.5

Un ingrédient actuellement interdit en cosmétologie

Actuellement la belladone (Atropa belladona) et ses préparations sont interdites pour un usage cosmétique. L’annexe II (Liste des substances interdites dans les produits cosmétiques) du Règlement (CE) N°1223/2009 y fait mention au numéro d’ordre 44.

Quid alors des cosmétiques Bella Donna ?

La gamme cosmétique commercialisée sous le nom de Bella Donna ne contient bien évidemment pas de belladone.6 Nous ne la conseillerons pas pour autant et ce pour la bonne raison que le produit solaire de la marque est assez étonnant. Cette protection qui « dure toute la journée et n'a pas besoin d'être réappliquée » est présentée comme étant révolutionnaire. La poudre en question (car il s’agit d’une poudre !) composée de dioxyde de titane, d’oxyde de zinc, d’oxychlorure de bismuth et d’oxydes de fer (ces derniers sont présentés comme des actifs anti-inflammatoires) conviendra mieux pour un maquillage de fête (la nacre n’a rien à faire dans un produit de protection solaire !) que pour une protection familiale, même si l’on nous annonce « Une protection solaire naturelle pour tout le monde (hommes, femmes et enfants) ! ».6 Une protection solaire devant être appliquée en couche épaisse et réappliquée toutes les 2 heures, une protection solaire efficace devant comporter un mélange de filtres organiques associés éventuellement à des filtres inorganiques, la poudre LBD SUN SPF50 restera dans le tiroir durant toute la période estivale !

Bibliographie

1 Holzman RS, The legacy of Atropos, the fate who cut the thread of life, Anesthesiology., 1998, 89, 1, Pages 241-249

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/journal-d-une-femme-de-chambre-ou-marie-antoinette-intime-340/

3 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/des-mouches-des-fards-du-parfum-voila-la-lecon-de-la-pompadour-en-matiere-cosmetique-398/

4 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/du-maquillage-de-carnaval-au-fond-de-teint-nude-une-petite-histoire-des-produits-pour-le-teint-411/

5 Forbes TR, Bull N Y Acad Med., Why is it called 'beautiful lady'? A note on belladonna, 1977, 53, 4, 403-406

6 http://www.lbd-makeup.com/fr/lbd-sun-spf50-pv3818.html

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