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A la ferme... avec la comtesse !

> 20 août 2020

A la ferme... avec la comtesse !

Le mauvais génie de la comtesse de Ségur est un roman un peu déjanté qui met en scène des fermiers, les Bonard, leur fils Frédéric et leur protégé, Julien.1 Celui-ci est un orphelin qui a été recueilli à la suite du décès de son père (du choléra) et de sa mère (morte de chagrin et de misère peu de temps après son mari). Julien est bon comme le bon pain. Frédéric, lui, sans être vraiment mauvais est extrêmement influençable. Son mauvais génie, un nommé Alcide, l’entraîne sur les chemins du mal, sans aucune peine. Mensonge, vols... au rendez-vous. Il y a aussi un amateur de dindes, M. Georgey, un Anglais à l’accent inimitable et à l’appétit gargantuesque (2 grosses dindes au minimum par semaine), véritable bon génie de l’histoire. Pour visiter les Bonard, enfilons les sabots et rendons-nous à la campagne.

Du fumier pour une arrivée aromatique

L’arrivée de M. Georgey à la ferme Bonard se fait dans un tas... de fumier très odorant. Mme Bonard, pleine de compassion, prépare à son intention un baquet, un savon et du linge pour un bain improvisé, mais indispensable. Heureusement, par la suite, c’est le parfum des savoureuses dindes cuites par Caroline qui va venir lui titiller les narines et non plus l’odieuse odeur de purin.

Du savon pour une toilette express

Julien est un garçon plein de délicatesse qui ne veut pas être à la charge de ses protecteurs. Son pain, il le gagne à la sueur de son front. Le savon ? On peut s’en passer à l’entendre. Lorsque Mme Bonard lui dit : « Il faut te faire propre mon garçon. Mets ta blouse des dimanches ; donne-toi un coup de peigne, un coup de savon, et viens me trouver dans la salle », Julien préfère se passer de savon, par souci d’économie. Il se lave « à grande eau » uniquement, en se « frottant bien », pour ne pas « user » le savon. Il démêle ses cheveux avec le peigne destiné aux chevaux.

Du vinaigre pour se remettre de ses émotions

Lorsque Mme Bonard prend connaissance du vol perpétré par Frédéric, elle est prise d’une « attaque de nerfs ». Une amie présente utilise les grands moyens pour la calmer : « seaux d’eau sur la tête », « tapes dans les mains » et « plumes brûlées sous le nez ». Résultat peu concluant. Lorsque M. Bonard revient chez lui, il utilise des moyens plus raisonnables pour venir en aide à sa femme. Il la sèche, la met au lit, lui « frotte les tempes et le front avec du vinaigre ».

Même chose lorsque les gendarmes s’emparent de Frédéric pour cause de vol. Le pauvre jeune homme est tellement saisi qu’il en tombe évanoui. On le frictionne au vinaigre... Cela ne l’empêchera pas de sombrer dans une terrible maladie, l’âme bourrelée de remords. Le Dr Boneuil (et bon pied, sans doute !), appelé à la rescousse, met en place le trio gagnant de l’époque : saignée + sinapismes aux pieds + diverses autres prescriptions (sans précisions supplémentaires).

Frédéric revient petit à petit à la vie et s’engage dans l’armée afin de faire à nouveau honneur à sa famille. Il retombera encore une fois sous la coupe d’Alcide (qui fait partie, comme par hasard, du même régiment), mais finira glorieusement sous les traits d’un homme « à larges épaules, teint basané, longues moustaches et air martial. »

Le bon génie de la comtesse est bien au rendez-vous dans ce petit roman champêtre où les méchants sont punis et les gentils récompensés de leurs efforts. Pour une fois, c’est en sabots dondaine, que la comtesse nous démontre qu’il n’est jamais bénéfique de suivre son mauvais génie. Pas besoin de frotter la lampe pour se rendre compte de la justesse du propos !

Bibliographie

1 Comtesse de Ségur, Le mauvais génie, Hachette, 1981, 255 pages

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