> 15 janvier 2022
C’est dans le journal L’illustration du 17 novembre 1866 que le cas d’un homme, victime de la publicité, fut évoqué pour la première fois de mémoire d’Homme. Le rédacteur de l’article, un certain Emile Zola, nous y présente le cas d’un jeune homme dont la vie fut « un long martyre ».1 Trop crédule, ce jeune homme, pour qui le progrès constituait une religion, se pourrit littéralement l’existence par une croyance exagérée dans toutes les publicités insérées dans les pages des journaux.
Claude (notre publivore s’appelle en effet Claude !) décida de construire sa maison sur pilotis, selon une technique de construction innovante. Ecroulement prévisible... avec, avant cela, toute une série de malfaçons à faire frémir tout propriétaire qui se respecte.
Lancement d’une nouvelle lotion capillaire, capable de transformer illico presto des cheveux blond doré en cheveux noir corbeau. De quoi tenter Claude et sa tignasse couleur des blés. A peine posée sur son capillaire, la lotion se fait corrosive et attaque sans merci les bulbes pileux sagement alignés sur le crâne de Claude et qui demandaient simplement qu’on les laisse tranquilles. Et le voilà chauve. Chauve, mais pas déprimé pour un sou, puisque chaque déboire est l’occasion pour lui de rebondir et de tester une nouvelle innovation. Dans le cas présent, il n’a que l’embarras du choix ; les cosmétiques qui se présentent comme des produits miracles, destinés à faire pousser les cheveux sont légion. Le produit choisi est une pommade, la meilleure selon lui, une vraie panacée pour capillaire déprimé, un produit capable de multiplier par deux le nombre de bulbes pileux. Trop beau pour être vrai, nous direz-vous. Et vous aurez raison. L’article de journal ne parle pas, en effet, des résultats obtenus… il fait état, en revanche, d’un délabrement physique désastreux. Les actifs présents dans la pommade n’étaient vraisemblablement pas des plus sûrs toxicologiquement parlant.
De pilule fabuleuse en cataplasme exceptionnel, Claude devient un spécialiste incontesté des galéniques de pointe. Des cachets, des liniments, des pommades, des solutions pour injection, des formes topiques, des formes à usage per os, tout y passa ! Et notre pauvre Claude trépassa.
La dernière innovation testée : une eau thérapeutique, associée à un bain rajeunissant. Cette association qui devait ramener Claude bien des années en arrière (il était censé retrouver la vigueur de ses 16 ans) l’envoya directement ad patres. Au bout d’une demi-heure de trempage, Claude était totalement lessivé, ramolli, « étouffé »... Une mort rapide, sans douleur, sans un cri ! Une innovation finalement !
Le cercueil à « embaumement instantané » (promis sur facture) n’embauma que le portefeuille du défunt. La bière déliquescente s’ouvrit en deux et livra son contenu dans la terre du cimetière. On passera les détails sordides dont sembla se repaitre ce curieux journaliste du nom d’Emile Zola et on ne retiendra que la triste fin du testeur d’innovations.
A trop croire les services marketing, on risque bien de mettre à plat ses finances et de gâcher sa vie, voire même sa mort pour les plus invétérés admirateurs des produits dits innovants. Ne jamais porter foi aux allégations cosmétiques trop mirobolantes, nous conseille Emile Zola, cosmétologue averti à ses heures perdues !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette illustration du marketing... à mort !
1 Zola E., Une victime de la réclame in Contes et nouvelles I (1864 - 1874), GF Flammarion, Paris, 2008, 264 pages