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Une petite vieille qui sent la violette

> 09 juin 2019

Une petite vieille qui sent la violette

Chez Guy de Maupassant, les meilleures histoires se racontent au coin du feu, bien au chaud, dans un petit salon, « discrètement odorant ».1 Le parfum imprègne les tentures, la dentelle des abat-jours, ainsi que la vieille dame installée confortablement dans un fauteuil moelleux.

Cette vieille dame est « une vieille à cheveux blancs », « une de ces vieilles adorables dont la peau sans rides est lisse comme un fin papier et parfumée, tout imprégnée de parfums, pénétrée jusqu’à la chair vive par les essences fines dont elle se baigne, depuis si longtemps, l’épiderme : une vieille qui sent, quand on lui baise la main, l’odeur légère qui vous saute à l’odorat lorsqu’on ouvre une boîte de poudre d’iris florentine. »

Le cosmétique parfumé qui « poudrerize »2 la vieille dame de ce conte est peut-être la poudre à la Maréchale, une poudre de riz3,4 dont René Cerbelaud connaît la composition au gramme près. La poudre d’amidon de riz, utilisée pour unifier le teint et masquer les taches et autres imperfections cutanées, est parfumée à l’aide d’une composition complexe. Différentes poudres (semence d’ambrette, semence d’angélique, badiane, benjoin, bois de Rhodes, cannelle de Ceylan, semence de coriandre, iris de Florence, clou de girofle, musc du Tonkin, fleur sèche d’oranger, écorce de bigarade, pétale de rose de Provins, rhizome de souchet, résine de storax et bois de Santal citrin) sont incorporées masse pour masse à de l’amidon de riz. La poudre d’iris de Florence occupe, à elle seule, 25 % de la composition parfumante totale.5

La poudre de rhizome d’iris est largement utilisée au XIXe siècle ; ingrédient de choix des poudres dentifrices, elle permet à notre vieille dame de conserver une haleine irréprochable.6 Mélangée à de la craie, du chlorate de potasse, de l’essence de menthe et du carmin, elle concourt à l’obtention d’une poudre abrasive et parfumée qui permet aussi de venir à bout les taches présentes à la surface des dents.7

Un dernier mot pour en savoir plus sur cet iris Florentin. « Il a une odeur très agréable qui, dit-on faute de comparaison meilleure, ressemble à celle de la violette »,6 une odeur « violacée », si l’on se rapporte à la classification de Rimmel.7

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien. A regarder ton illustration (sur laquelle l'on n'hésitera pas à cliquer pour l'agrandir), on sent la violette !

Bibliographie

1 Maupassant G., La buche in Mademoiselle Fifi, Albin Michel, 1960, 180 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/neologisme-poudreux-949/

3 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-pomme-de-terre-c-est-pour-les-frites-l-amidon-pour-les-cosmetiques-495/

4 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-poudre-pour-perruque-une-histoire-tiree-par-les-cheveux-866/

5 Cerbelaud R., Formulaire de parfumerie, Paris, 1933, 764 pages

6 Piesse S., Histoire des parfums, Baillière, Paris, 371 pages

7 Monin E., L’hygiène de la beauté, Doin, Paris, 366 pages

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