> 29 septembre 2024
L’ingénieur aimait trop les chiffres pour le tandem Boileau-Narcejac.1 Les pharmaciennes n’aiment pas trop ce roman pour le tandem Couteau-Coiffard. Un roman cousu de fil de blanc sur une trame bien noire… forcément ça attire l’œil. Dans cet opus, deux copains de guerre sont mis en scène. L’un travaille dans une usine d’armement à Courbevoie. Il s’agit de Roger Belliard. L’autre travaille dans la police parisienne. Il s’agit du commissaire Mareuil. Tout commence par la mort de l’ingénieur Georges Sorbier, une tête chercheuse qui, au fil des ans, a mis au point une arme surpuissante dans l’usine où travaille Belliard. Un meurtre stupéfiant, survenant dans un bureau vide, dont les issues sont gardées par des observateurs sur lesquels on peut compter à 100 %. Un meurtre, assorti d’un vol, puisqu’un « tube » de 20 kg, permettant de faire sauter la moitié de la capitale, a disparu par la même occasion. Et tout cela en quelques secondes !
De quoi mettre la tête à l’envers d’un commissaire de police pourtant aguerri. Il va tâtonner le commissaire et puis, tout à coup, en se rasant, la lumière va se faire dans son esprit ! C’est simple comme deux et deux font quatre !
Dans ce roman « futuriste », les crimes semblent être perpétrés à longue portée. Le commissaire Mareuil, qui a pourtant les pieds sur terre, s’en inquiète : « On a l’impression que n’importe quoi peut arriver, ici… Qu’on peut devenir invisible, ou tuer à distance. »
Mme Linda Sorbier est une femme d’une chavirante beauté. Une « Suédoise » de 28 ans, à « l’exaltante beauté » et aux « cheveux de lin », des cheveux « blonds, extraordinairement blonds ». « Grande, mince, d’une élégance raffinée », Linda fait se retourner pas mal de monde sur son passage. On nous la décrit comme ayant des « yeux rares » ! Intriguant !
Drôle de boulot pour le commissaire Mareuil. Son meilleur ami lui affirme que personne n’est entré ou sorti du bureau de Sorbier. Et pourtant, celui-ci a été assassiné ! Dure journée pour le commissaire qui ne croit guère aux phénomènes surnaturels. Pour clore la journée, un bon « bain » s’impose !
Et lorsque ses chefs ricanent quand il évoque ce mystère du bureau jaune… Mareuil ne sait plus à quel cosmétique se vouer pour calmer ses nerfs. Une bonne « douche » peut-être ?
C’est en se rasant que le cerveau du commissaire fonctionne le mieux. Il opère avec un « vieux rasoir » qu’il affûte avec soin, avant emploi et dont il fait « glisser deux ou trois fois la lame sur sa paume », avant de se lancer dans la traque du poil. « Routine des gestes quotidiens. La glace suspendue à la fenêtre, le crissement du rasoir sur la peau ; en face de soi, ce visage, déformé par des grimaces pour que la lame coupe mieux les poils récalcitrants. » Tout en se rasant, le commissaire fait fonctionner ses petites cellules grises. Le crime et le vol sont-ils à mettre au compte d’une nation ennemie (on nage en plein espionnage !) ou bien sont-ils en lien avec une histoire plus personnelle ?
Une « belle estafilade » vient stopper la course du rasoir. L’esprit du commissaire Mareuil s’est figé sur l’image de la belle Linda. Une femme bien séduisante, qui ne laisse pas indifférent notre enquêteur enamouré.
Fin de l’étape rasage, avec une « goutte d’eau de Cologne » et « un peu de poudre » !
Un rasage, qu’il opère dans de bonnes conditions, chez lui, ou bien à l’arrache, avec le matériel trouvé sur place, à l’hôpital lorsque l’un des protagonistes de l’affaire (un dénommé Mongeot) se retrouve à l’hosto. « Il se rasa au galop, sans glace, avec un infâme rasoir mécanique emprunté au concierge et qui enflammait la peau comme une râpe. »
L’essentiel pour Mareuil, c’est d’être rasé de près, coûte que coûte !
Dans le bureau du mort, Mareuil a retrouvé un courrier en recommandé. Le gars du labo trouve dessus des empreintes de toutes sortes. Sept en tout… mais seulement deux exploitables. Le technicien n’en revient pas de ce phénomène de détérioration des empreintes digitales au fil du temps. « Minable, fit-il. Les gens se lavent trop. »
La piste mènera tout de même le commissaire vers un certain Raoul Mongeot, qui habite au 39 de la rue des Abbesses, à Paris ! Un homme qui n’est pas un inconnu, puisqu’il s’agit de l’ex-chauffeur de Sorbier, renvoyé pour indélicatesse !
Le commissaire Mareuil roule en 4CV et tente de suivre une 403 grise ! Mareuil enquête sur un meurtre réalisé, en 20 secondes, avec un révolver 6,35. Mareuil se demande comment il va pouvoir s’extirper des embouteillages un week-end de vacances, durant lequel « tout Paris sera sur les routes, comme en 40. » Un roman qui aime trop les chiffres, en somme, et pas assez les cosmétiques !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Boileau-Narcejac, L’ingénieur aimait trop les chiffres, Editions Denoël, 1959, 189 pages