> 27 octobre 2024
Que de coïncidences dans cet opus intitulé Deuil express !1 Alors que San Antonio pêche tranquillement avec Tonton Gustave, dans la région lyonnaise, … voilà que ça mort (oui, mort avec un « t », car ce qui s’est accroché au bout de la ligne est loin d’être de la première fraîcheur) ! Un repris de justice, du nom de Fred Almayer. Ou plutôt sa dépouille de noyé !
Une mort, qui est directement à mettre en lien avec l’affaire qui est confiée à San Antonio par le boss dès son retour à Paris, puisque de Fred, on passe à sa sœur et à son beau-frère. Et de là, à une histoire d’espionnage qui sème les cadavres à droite et à gauche.
Une histoire d’espionnage, avec un « plan relatif aux opérations d’Indochine », qui vient d’être subtilement subtilisé au général Pradon.
On vous met « au parfum » !
Cette charmante dame, qui se nomme Malvina et fait de l’œil à l’oncle Gustave, n’est pas avare de cosmétiques. « Ajoutez à ça : un sérieux crépissage ocre, des lèvres ripolinées, des cils pesants de Rimmel et vous pouvez vous faire une idée sur la Vénus ! »
Le chef de San Antonio est chauve, comme tout le monde sait. Son crâne, « lisse et pâle », est l’objet de quolibets de la part de Frédéric Dard, qui aime le comparer à toutes sortes de choses. Dans cet opus, ce n’est pas le cas. Quelle sobriété de style !
Ce supérieur est un garçon soigneux, à la « main manucurée et froide » !
Ce Suisse, du nom de Stumer, a fricoté pendant la guerre avec la Gestapo. En temps de paix, ce charmant individu s’est recyclé dans les affaires juteuses susceptibles de le maintenir à flot. Ce Stumer est le gars qui, déguisé en chauffeur, a drogué le général et volé la malette de documents confidentiels.
La copine de Stumer, Edith Almayer (la sœur de Fred), est une jolie blonde. « Naturel » ! « Pas de l’oxy, du chouette, style nordique ». Avec des « taches de rousseur sur sa peau ocrée… » « Sa peau a une couleur extraordinaire, chaude, ocrée, duveteuse »…
Une jolie fille, qui n’a pas l’air très intellectuel… « Une sensuelle, sa peau lui sert d’esprit. »
Une jolie fille, qui est enlevée par San Antonio et transportée inanimée chez Félicie, la daronne du policier.
Une jolie fille, qui est tuée dans la chambre même où Félicie l’a logée. De quoi faire un peu de ménage par la suite, quand on sait que la demoiselle a été égorgée. « Moi je vous le dis : les draps du lit n’ont plus la blancheur Persil. »
La femme du général Pradon est une splendide rousse, qui s’inonde de parfum. Son appartement en est tout imprégné. « l’appartement est cossu, bien entretenu. Il y flotte un agréable parfum de femme. Un parfum qui chante Paris. »
Une splendide, mais perfide, rousse, qui, à peine mariée avec le général, se lance déjà dans l’espionnage. Pas vraiment chouette, comme lune de miel !
En découvrant le corps d’un noyé au bout de sa ligne, le premier réflexe de San Antonio est d’appeler la police, afin de les mettre « au parfum de l’histoire » ! Un parfum pas vraiment agréable !
Pour convaincre San Antonio de se charger de cette affaire, le boss ne fait pas dans la dentelle. Un peu de flatterie et l’affaire est dans le sac. « Je ne vois guère que vous pour mener à bien une histoire aussi délicate. Le coup de pommade final, je connais ! ça veut dire : Petit père, lève le siège et fait le turbin. »
Comme bien souvent, Frédéric Dard donne quelques coups de pied, à son lecteur afin de vérifier ses réflexes.
« Non, vous avez de l’huile de ricin à la place de la cervelle, vous autres ! »
Et une fois de plus, le champion de la formule remporte la timbale avec une expression, qui fait mouche : « Furax comme un morpion importuné par la Marie Rose » !
Le boss est ulcéré dans cette affaire, car une fois de plus… San Antonio sème les cadavres derrière lui. Un petit sermon, qui ne convient guère au commissaire… « Je deviens un peu pâlot parce que les savons je les aime seulement quand je me lave les pattes. »
Pour faire avancer son enquête, le commissaire traine dans des endroits louches, interroge des piliers de bar, et en particulier un gars « bronzé comme un comprimé d’aspirine » !
On connait le goût du commissaire pour la bagarre, les alcools forts, l’aspirine. On apprend ici que Félicie soigne son gars avec des verres de « Quintonine » et des bols de « Banania ». Attention, top secret, à ne pas ébruiter…
En bref, cette affaire nous met en présence une fois de plus avec un commissaire San Antonio plein de verve, qui ne s’en laisse pas conter. Un roman qui commence à la pêche à la ligne et se poursuit par la pêche aux jolies filles. Pas une pêche au thon, en somme !
D’hameçons, en vers de ligne, San Antonio nous donne à becqueter tous les détails d’une sordide histoire d’espionnage. Une fois de plus, il aura le fin mot. Et pourra retourner pêcher tranquille avec l’oncle Gustave !
Ah au fait, on a oublié le principal. Les documents volés ont été retrouvés dans une des boules de cuivre de la chambre d’amie !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Dard F., Deuil express in San Antonio tome 2, Bouquins, Robert Laffont, 2022, 1258 pages