> 11 septembre 2021
Le train bleu d’Agatha Christie est un roman bien compliqué,1 avec de nombreux protagonistes... Il faut s’accrocher pour arriver au mot FIN ! Tout commence par la vente de bijoux de valeur dont le célèbre rubis dénommé Cœur de feu ! Cela continue ensuite avec le meurtre d’une jeune femme dans un train ; une femme à l’ovale « ravissant au teint mat, très maquillé mais d’étrange façon », rodant dans les couloirs. Cela se termine en beauté avec un mariage en perspective. Heureusement il y a un Hercule Poirot en pleine forme !
Olga Demiroff Vassilovna est une femme au « visage lourdement fardé ». Son rôle : vendre, à un Américain, « un inconnu imposant aux larges épaules », des bijoux de prix d’origine vraisemblablement douteuse. On la croise en début de roman, on ne la reverra jamais plus par la suite.
Rufus Van Aldin est l’Américain en question. Il est richissime et vit entouré de sa fille Ruth, qui est séparé de son mari, Derek Kettering, un individu qui nous est présenté comme un voyou, de son fidèle secrétaire, Richard Knighton - la perle des employés - et d’une foule d’employés de maison. Chacun est prêt à contenter le maître, dès que l’un de ses désirs est à peine formuler. « [...] Van Aldin se remettait entre les mains de son valet de chambre. Son bain était prêt. Une fois allongé dans l’eau chaude, il se remémora la conversation qu’il avait eue avec sa fille. »
Ruth, une jeune femme de 28 ans, possède des « couleurs admirables ». Elle tient, d’ailleurs, certainement, cette incandescence de son père, surnommé, autrefois, par ses camarades de classe, Poil de carotte. Les cheveux de Ruth sont magnifiques et « avec cela des yeux et des cils très noirs, dont l’effet était encore accentué par l’artifice ». Pas de teinture capillaire, donc... mais du mascara comme s’il en pleuvait !
Derek Kettering, 34 ans, « grand, mince », « bronzé », est un voyou fini, qui trompe ouvertement sa femme, avec une actrice et ce depuis des années. Ruth et Derek se sont mariés par intérêt, Ruth apportant une jolie dote, Derek un domaine et un titre nobiliaire prometteur.
Mireille, la maîtresse de Derek, est une belle femme au « teint doré », obtenu visiblement à l’aide d’une « épaisse couche de fard ». Pleine de charme, Mireille ne possède qu’un seul défaut : une main très lourde en matière de maquillage et de parfumage. Un rouge à lèvres « orange » constitue sa signature esthétique (ou peu esthétique, selon les plus critiques). Cette femme fatale laisse derrière elle un sillage parfumé, un « violent parfum exotique » ! Son appartement est une véritable cocotte-minute cosmétique. Son lourd parfum se mêle aux odeurs d’œillets, d’orchidées et de mimosas, au risque d’incommoder ses visiteurs.
Katherine Grey, une belle femme de 33 ans, au « joli teint » et aux admirables yeux gris, est une ex-demoiselle de compagnie ayant fait fortune. Sa patronne, Mrs Harfield, lui a, en effet, légué sa fortune en mourant. Une jeune femme bien sous tous rapports, voilà ce que disent d’elle les vieilles dames de St Mary Mead qui la distingue des « écervelées qui exhibent leurs jambes au-delà de ce que Dieu a jamais permis. » Se trouvant dans le train bleu et ayant eu la mauvaise idée de discuter avec celle qui sera bientôt une victime, Katherine se voit dans l’obligation d’identifier la morte. Un « minuscule grain de beauté » au poignet constitue l’élément qui permettra la reconnaissance du corps de la défunte, Ruth étant totalement défigurée.
La cousine de Katherine Grey, lady Tamplin, est une superbe femme de 44 ans, aux « cheveux d’or et aux yeux bleus » qui font penser à une poupée de « porcelaine ». La splendeur de ses cheveux et de son teint est à mettre directement en relation avec l’usage de cosmétiques (« d’artifices » !). Complètement fauchée, la brave dame. Ce serait bien si Katherine se souvenait un peu de sa chère cousine.
Pour résoudre cette énigme, c’est Poirot qui s’y colle. Un « homme de petite taille », un étranger aux « yeux verts », avec une « moustache cirée et une tête en forme d’œuf ». Entre Hercule et Katherine, c’est le coup de foudre amical, Poirot étant jugé « fort séduisant », pour la première fois de sa vie ! Lorsque l’on apprend que Poirot a revêtu, pour cette enquête, un « costume de toile blanche » et mis « un camélia à la boutonnière », on comprend mieux l’admiration lue dans les yeux gris de Katherine.
Un comte, raffiné aux « doigts manucurés », qui semble poursuivre Ruth de ses assiduités et qui n’est autre que le fils d’un « obscur grainetier de Nantes » !
Le Marquis est un individu louche, qui semble bien décidé à récupérer les bijoux acquis par Rufus. Ce mystérieux voleur, aux cheveux blancs, cache parfois les traits de son visage derrière un « petit masque de satin noir ». Sa tête a une « drôle de forme » ! Et l’on jurerait qu’il porte une perruque.
La femme de chambre de Ruth (Ada Mason, en réalité une actrice capable de prendre les traits de sa maîtresse) est de mèche avec le secrétaire-modèle de Rufus. Richard Knighton est le fameux Marquis ! Et dire qu’il était si sympathique ! Un roman qui s’achève sur une « odeur légèrement désagréable » de mimosas en fin de floraison, pimentée d’une pointe poivrée d’œillets au « parfum doux et pénétrant ». Tout est bien qui finit bien pour Katherine, la bonne amie d’Hercule... et çà c’est le principal !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour !
1 Christie A., Le train bleu, Editions du masque, 2006, 221 pages