> 07 août 2022
Pour Daphné du Maurier l’expression « femme fatale » présente une résonnance toute particulière.1 Avec Dilys, son héroïne ou plutôt anti-héroïne, Daphné revisite les contours de la femme dite « fatale ». Dans le cas présent, Dilys (ou Dilly pour les intimes) est une hyper-sensible, qui sème la discorde et le malheur partout où elle passe. Une petite fille qui engendre un ulcère chez son père ; une jeune fille qui s’accroche à Vernon Miles, un acteur à succès et lui pourrit la vie ; une jeune femme qui sème le trouble dans un duo de couturiers connu sous le nom de Rosanke (Rose et Kenneth Sawbones vont entrer en lutte sur les bons conseils de Dilys)... Bref, une catastrophe ambulante... une femme qui crée la discorde partout où ses pas la mènent.
La femme fatale de Daphné du Maurier est une femme qui, à 40 ans, constate que ses « charmes déclinent ». A 40 ans, cette femme en fait 65 ... « Parfois je m’aperçois dans la glace - je fais soixante-cinq ans au moins, avec ces rides lasses, et mes cheveux qui ont perdu leur couleur. » Il est loin alors le temps de la jeunesse, le temps des cheveux abondants, bouffants... « Mes cheveux étaient blonds et avaient du volume à l’époque, je ne me les teignais pas comme aujourd’hui, et j’étais vraiment jolie, même si c’est moi qui le dis. »
La spécialité de Dilys : le harcèlement moral... Même son médecin en fait les frais !
En quelques pages, Daphné du Maurier nous propose une autre vision de la femme « fatale ». Fatale, elle l’est indubitablement. Pour la beauté, en revanche, on repassera. Telle une araignée, Dilys tisse sa toile autour de sa proie. Telle une sangsue, Dilys vit au dépend des autres.
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour l'illustration du jour !
1 du Maurier D., La sangsue, in La poupée nouvelles, Albin Michel, 2013, 251 pages
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