> 20 janvier 2022
Noirs sont les cheveux de ma bien-aimée est un roman de Frank G. Slaughter,1,2 mettant en scène Américains et Indiens d’Amérique, dans les années 1840. En Floride, dans la région des Everglades, une poignée d’Indiens, menés par le chef Chekika continue à se battre, pour ne pas mourir. Entre les deux clans, un chirurgien, surnommé Salofkachee (le couteau qui guérit) met son art aux services des Séminoles ou des Américains, tour à tour. Un rapprochement semble possible entre les deux peuples, grâce à celui qui guérit, sans distinction, les uns et les autres... Le frère de Chekika, Chittamicco, un homme dur, en a, toutefois, décidé autrement. La guerre entre les soldats blancs et les Indiens au teint cuivré aura bien lieu...
Il y a, bien sûr, dans ce roman, une histoire de guerre, mais également une histoire d’amitié (entre Chekika et Roy Coe, entre Roy Coe et Andrew Jackson Winter) et une histoire d’amour (la fiancée d’Andrew s’éprend de Roy, qui ne reste pas insensible !).
Il y a, bien sûr, dans ce roman, des bouffées parfumées. « Le parfum des orangers en fleur mêlé à l’haleine salée de l’Atlantique » nous parle d’amour-passion. « Le fumet de chair cuivrée, une odeur aussi sauvage que l’haleine même des Glades » nous parle des Indiens qui s’enduisent le corps d’une huile ayant une forte tendance à rancir, une huile de poissons, destinée, entre autres, à « écarter les insectes ». L’odeur de soufre qui provient de la rivière « Big Sulphur » nous parle d’un combat ultime entre Chittamicco et Roy, un combat à mort pour les beaux yeux de Mary.
Royal Coe est un homme brisé depuis longtemps par un amour ancien qui a tourné au drame. La « blonde aux cheveux d’or fluide » qui s’est suicidée lorsqu’il l’a demandé en mariage hante toujours ses nuits. Cette « blonde comme les blés », cette femme qui possède des « cheveux-en-soie-couleur-de-blé-mûr », c’est Irène Boucher, une grande cocotte, rencontrée à Paris, « une ville pétillante de champagne ». Préférant quitter la scène plutôt que de ternir le nom de son amant, Irène, dont les yeux sont comme « des cierges allumés au Paradis », a fermé ses yeux à jamais, au grand désespoir de Roy.
Après le désespoir... l’espoir et l’amitié. Roy rencontre Andrew (il sera surnommé Andy) et ces deux-là deviennent inséparables.
Sur un plan physique, Roy est un bel homme dont la peau a pris avec le temps une teinte « acajou ». Son corps qui n’a pas bénéficié d’une photoprotection vestimentaire - Roy vit à la mode indienne - est devenu un « cuir de la même teinte riche et sombre » que celle des Indiens, auquel il rend visite régulièrement. Sa « peau brûlée à fond par le soleil » est « aussi foncée que celle d’un Séminole ». Ses cheveux longs « d’un noir-bleu » n’attendent plus que la traditionnelle plume pour ressembler à 100 % à ceux d’un Indien. Avant de rentrer au Fort, Roy se hâte de se raser, afin de satisfaire aux exigences de l’armée. « Sur le brasier qu’il avait allumé sitôt débarqué, l’eau ne fut pas longue à bouillir : il en remplit un bol de cèdre, puis assis en tailleur sur la berge, tenant d’une main un bout de miroir, entreprit de se raser [...] ». Et c’est donc rasé de près que Roy fait la connaissance de Mary Grant, la jeune fille aux cheveux noirs et au teint « d’albâtre », qui lui sera présentée ultérieurement comme la fiancée d’Andy Winter, qui est, rappelons-le, son meilleur ami.
Avant de partir en guerre contre les Indiens, Roy badigeonne son corps de graisse d’ours et de noir de fumée, afin de se rendre insoupçonnable aux yeux ennemis. Dans son canoë, à la brune, Roy glisse sur l’eau... invisible !
Andy Winter est un homme aux cheveux d’un roux ardent. Son « toupignard carotte » le rend repérable de loin... Il devrait bien se raser la tête pour passer inaperçu ou bien user d’une teinture qui permettra de le confondre avec un Indien... se dit Roy. Oui mais voilà... ce n’est pas possible car Mary s’oppose à tout traitement cosmétique. « Elle tient à ce que je sois au naturel pour le mariage ».
Mary, la fille de Livingstone Grant, est une jeune fille riche, élevée dans le nord du pays. Arrivée au Key West Fort avec une troupe de comédiens, Mary est bien décidée à retrouver son fiancé et à se marier sans délais.
Mary, c’est une jeune fille au fort tempérament, et aux cheveux descendant en « cascade », jusqu’à la taille.
Mrs Simmons, une corpulente personne, toute empaquetée « dans des couches successives de châles et de fichus » afin de se « préserver des atteintes du soleil », est une sorte de duègne qui veille, un temps durant, sur la bonne tenue de sa pupille Mary.
Qui dit chirurgien, dit opération (faite à la lumière d’une lampe à « huile de baleine »), dit parfois aussi amputation... Le Dr Slaughter ne nous passe à ce sujet aucun détail. Avant que Roy ne traite de manière expéditive la gangrène qui se met dans la jambe d’un pauvre pêcheur, il n’oublie pas les gestes barrières de rigueur. Un bon savonnage des mains pour éviter le pire... « Roy lava à fond ses mains et ses avant-bras à la petite cuvette au coin de la salle. Il constata, pour l’approuver, que l’eau était bouillante ; le savon épais et caustique partout employé dans les keys (on le faisait en filtrant la potasse de la cendre de bois et en la traitant ensuite à la graisse de porc) brûla sa peau plus sûrement que n’avait fait l’eau bouillante. »
Pour suivre la course du temps, Roy dispose d’une montre savonnette.
Roy, appelé au chevet de Petite Aigrette, la femme de Chekika, se lance dans une opération risquée. En tout premier lieu et avant de se servir de ses outils tranchants, Roy casse la poupée traditionnelle placée au chevet de la malade (« une longue écharde d’os, imprégnée d’un poison mortel et qui transperçait le ventre de cire et de boue, avait pour mission de chasser l’infection déjà installée. »). La guérison sera obtenue grâce à sa science et non par l’entremise du fétiche de Chittamicco. Le narcotique qui plonge Petite Aigrette dans une demi-torpeur, depuis plusieurs jours, est d’origine indienne ; c’est le coontie, une plante locale du genre Zamia,3,4 qui a fourni le principe actif nécessaire. Roy, comme on s’en doute, guérira Petite Aigrette !
Il y a une amitié sincère entre Andy et Roy et pourtant Roy va chiper la fiancée de celui-ci. Il y a une amitié sincère entre Chekika et Roy et pourtant Roy guide l’armée jusqu’au camp retiré de celui-là. Il n’y a rien à comprendre à l’attitude de Roy, dans ce roman d’aventure qui conduit le lecteur dans les marécages des Everglades, au milieu des moustiques, de la Dengue (pensez à se munir de quinine), des serpents à sonnettes et des flèches empoisonnées. L’odeur des Indiens monte comme un « encens dans l’air calme »... l’encens d’une messe des morts qui n’en finissent pas de mourir. Evidemment, les Américains gagneront le combat ; Mary, qui a été capturée en tant qu’otage, sera délivrée par le beau Roy et finira ses jours à ses côtés. Le méchant Chittamicco finira sa vie, comme on peut l’imaginer aussi, au fond de la rivière sulfureuse !
1 Slaughter F.G., Noirs sont les cheveux de ma bien-aimée, Les presses de la cité, Paris, 1952, 375 pages
2 https://www.babelio.com/auteur/Frank-G-Slaughter/49763
3 Vesely DL, Gower WR Jr, Giordano AT. Atrial natriuretic peptides are present throughout the plant kingdom and enhance solute flow in plants. Am J Physiol. 1993 Sep;265(3 Pt 1):E465-77.
4 Braatz E, Sincage J, Gezon ZJ, Maynard LT, Ardente A, Savage A, Sullivan KE, Livingston S, Valdes EV. Un régime alimentaire modifié pour soutenir la conservation du papillon Atala (Eumaeus atala Poey). Zoo Biol. 2021 Sep;40(5):429-435.
Retour aux regards