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Un roman qui laisse des traces de Rouge… Baiser !

> 17 novembre 2024

Un roman qui laisse des traces de Rouge… Baiser !

Radin, le gars Bérurier, le collègue de San Antonio, qui offre, comme cadeau de mariage, à son neveu préféré (le boxeur), un appareil photographique d’occasion… un appareil, qui contient une pellicule avec quelques photos déjà prises !1 De quoi faire travailler le labo de la police ! Et, de la pellicule usagée, naît la photo d’un homme, qui semble mort d’une balle dans la tempe. A partir d’une noce bien arrosée, voilà San Antonio à la noce. Avec des histoires d’espionnage, de gestapiste, de chercheur passé à l’Est ! Bref, de quoi s’amuser un peu et ce d’autant plus que l’auteur sème sur nos pas tout un tas d’allusions cosmétiques.

Une histoire de Rouge Baiser !

En lorgnant la photo de celui qui semble mort, San Antonio a l’impression de se retrouver face à une photo réalisée par le laboratoire afin d’identifier un inconnu. Et Frédéric Dard nous explique, en cette occasion, la façon de transformer un mort en un vivant ! « On fait un brin de toilette au monsieur, on lui nettoie la vitrine, on y colle du Rouge Baiser aux labiales, du noir au-dessus des lampions, on ouvre ceux-ci pour que le zouave paraisse vivant, on rajuste son nœud de cravetouze et roulez les rotatives » !

Une histoire de sourire Colgate

Il y a bien sûr dans cette histoire des serveuses de bar aux attraits indéniables : des « roberts avantageux » et un « sourire Colgate » !

Une histoire de savon de Marseille

Entre deux filatures, San Antonio file chez Maman Félicie, qui le bichonne comme un vrai poupon. « Le front de ma Félicie sent le cheveu gris et le savon de Marseille » !

Une histoire de savon Cadum

Le médecin légiste, un certain Bermuel, est « un petit gros avec un bide de bouvreuil et un visage signé Cadum » ! Il est, nous dit San Antonio, « appétissant comme un jambonneau » ! ça fait envie !

Une histoire de cocu magnifique

Dans cette affaire, San Antonio est secondé par son collègue Bérurier, qui a flairé quelque chose de louche dans cette histoire de bobine impressionnée.

L’occasion pour San Antonio de faire les cornes à son cher Bérurier… En effet, tout le monde sait dans la maison que le pauvre inspecteur est cocufié par le coiffeur du coin. Ce « pommadin » (expression utilisée à 3 reprises dans l’ouvrage) a ses entrées libres dans l’appartement du couple.

Une histoire de toilette express

Ce brave Bérurier n’est pas le roi de l’hygiène. Sa toilette se fait en 2 secondes, devant l’évier de la cuisine. « Ses ablutions sont toujours extrêmement sommaires. Il se rase, se donne un coup de peigne et frotte ses battoirs sur un linge humide qu’il ne se donne même pas la peine de décrocher. »

Une histoire de femme non maquillée

Mme Bérurier est une femme habituellement « fardée, frisée, baleinée, équipée pour ravager les quinquagénaires » et, en particulier, le coiffeur du quartier. Aussi, lorsque cette petite madame vient pousser la porte à San Antonio, sans un gramme de cosmétiques sur l’épiderme, il y a de quoi se poser des questions. « Elle est pâlichonne, pas peinturlurée, mal coiffée »… San Antonio est en droit de se dire qu’il y a quelque chose de pas net. Et en effet, il découvre, dans une pièce de l’appartement, Caseck et la fille blonde, tenant Bérurier et le coiffeur en respect !

Une histoire de rasage raté

Ce brave Pinaud (un autre collègue de San Antonio impliqué dans cette enquête) n’est pas un adepte du rasage de précision. Une belle « estafilade à la joue » traduit son incapacité à éliminer sa barbe en beauté. Il faut dire que le bonhomme se rase devant « le calendrier des PTT » et non devant un miroir. Un excès de vin blanc, peut-être ?

Une histoire de voleuse de valise et de rouge à lèvres

C’est Marthe Bonvin, dite Martha Vol-au-Vent, qui a piqué la valise d’une jeune femme blonde, prête à prendre le train de Strasbourg, au moment où celle-ci était en train de « se filer du rouge à lèvres » !

Dans cette valise, une trousse remplie de seringues et de médicaments met logiquement San Antonio sur la piste d’une infirmière ! Et tout d’abord dans un hôpital psychiatrique, tenu par le professeur Lafrère !

Une histoire d’infirmière mafflue

Celle-ci n’est pas la blonde pulpeuse espérée par San Antonio, mais une petite bonne femme d’un mètre cinquante, dotée « de quatre mentons, d’un strabisme convergent, d’un parfum refusé par le groupement d’achat d’Uniprix » ! Bref, une quinquagénaire qui ne réjouit pas la vue du commissaire ! Rien à tirer de cette Mme Duchemin, qui le conduit tout de même à une autre infirmière, Mme Berthier, puis, enfin, à la belle blonde.

Une histoire de femme tondue

Mme Berthier a travaillé pour les Allemands pendant la guerre, ce qui lui a valu « la coupe melba ». A la Libération, elle a croisé sur son chemin des hommes ayant « libéré leurs instincts », « en s’improvisant coiffeurs pour dames. »

Mme Berthier a été la maitresse, durant l’Occupation, d’un Tchèque gestapiste, un certain Caseck, celui que San Antonio décrit comme ayant la tête d’un lavement mal digéré. Et de fil en aiguille, on en arrive à ce Caseck, qui a visiblement enlevé un chercheur et ne lui souhaite pas que du bien.

Une histoire d’infirmière sexy

La belle blonde qui fait courir San Antonio se nomme Marie-Louise Kessmann. Se nomme… vite dit, quand on sait que la vraie Melle Kessman est morte noyée, il y a peu, au Danemark ! Cette jeune femme, infirmière de son état, a, en effet, eu comme patient un chercheur d’élite, qui a mis au point un explosif surpuissant, le professeur Munhssen. Un explosif, qui lui pète un jour au visage !

Une histoire de lavement mal digéré

Le précieux appareil photo, à peine récupéré chez les jeunes mariés, qui filent le parfait amour à l’hôtel « Mes délices » de Riva-Bella, est chouravé par un individu, « maigre comme un fakir », dont la figure est comparée par Frédéric Dard à un « lavement mal digéré » !

Une histoire de cataplasme de farine de lin

Dans ce roman, l’on croise une concierge, « blême comme un cataplasme de farine de lin avec la même consistance ».

Et de la géométrie

Dans les auréoles laissées par les verres de vin sur le marbre d’une table de bistrot, San Antonio découvre des « pensées géométriques », qui le « branchent sur la logique ». Mieux semble-t-il que le marc de café !

Et un lecteur maltraité

Comme bien souvent, l’intrigue du roman est complexe. Les lecteurs qui seraient un peu lent du ciboulot sont traités de « bande de gougnafiers » tout simplement ! Au fil des pages, Frédéric Dard se moque de nos neurones un peu faiblards (« un cerveau pareil à du chewing-gum trop mâché »), arguant du fait de l’oubli de notre « phosphore » matinal.

Il nous invective lorsqu’il nous découvre « à bâiller comme des carpes et à rouler des boules de loto »…

Et un brin de poésie

Avec un San Antonio tout guilleret qui respire l’air de Paris avec délice. « Ce matin, l’air de Paris sent la petite femme honnête qui va au rancard de son premier amant. C’est frais, délicat, juvénile comme l’acné d’un collégien ».

Et un San Antonio au pif démesuré

San Antonio a un « sens olfactif » « développé »… Un vrai nez !

Des gueules d’enterrement, en bref

Comme d’habitude, Frédéric Dard ne sort jamais sans son savon Cadum, ni son dentifrice Colgate. Il raffole également du rouge à lèvres Rouge Baiser. Il n’en goûte, toutefois, pas cette fois-ci, étant étonnement sage. Aucune aventure privée, dans cette affaire d’espionnage, qui met notre cerveau à rude épreuve. Tout coule de source… avec une bonne aspirine à portée de main !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Dard F., Des gueules d’enterrement in San Antonio – Tome 3, Collections Bouquins Robert Laffont, 2010, 1288 pages

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