Nos regards
Un remake du lion et du rat avec Félicie et Diloy !

> 21 mai 2020

Un remake du lion et du rat avec Félicie et Diloy !

L’histoire de Félicie et de Diloy, c’est celle du lion et du rat, à deux siècles d’intervalle tout pile ;1 Félicie (la lionne) est une petite fille de 12 ans, « belle et régulière », mais sans charme, car sans cœur. Georges Diloy (le rat) est un brave chemineau, qui ne va pas cesser de ronger le filet qui emprisonne la petite altesse qui tente de régner par la force dans la famille d’Orvillet. Le courageux chemineau va sauver successivement Mme d’Orvillet et ses plus jeunes enfants, Anne et Laurent, d’un ours de foire égaré, Félicie de la noyade... Il a sauvé, il y a quelques années, l’oncle de Félicie, le général d’Alban d’une embuscade en Afrique. Félicie, l’orgueilleuse, va, au fil du temps, s’adoucir... La comtesse, au fil des pages, nous glisse quelques secrets cosmétiques (rien d’autres que le savon) et médicaux dans une ambiance délicieusement désuète.

De mauvais sentiments contagieux comme des « maladies de peau »

Félicie est entraînée vers le mal par deux gugusses du voisinage, bien nommés Cunégonde et Clodoald de Castelsot... Ceux-ci exercent sur la petite fille une bien mauvaise influence. La bonne (entendez par là, la domestique) Valérie met en garde Mme d’Orvillet vis-à-vis de ces deux voisins. « [...] l’orgueil se gagne, comme les maladies de peau ; en visitant les malades, on gagne leurs maladies. » Le général d’Alban, fait de même, dans une conversation en tête à tête avec sa nièce à forte tête. « Je dis donc que ces gens-là sont une peste pour toi ; tu sais qu’on fuit les pestiférés, de peur d’attraper la peste. Fuis-les, crois-moi. »

De l’eau et du savon pour effacer les larmes

Félicie voit dans les « paysans » (c’est ainsi qu’elle nomme toute personne qui n’est pas issue de la noblesse) des gens « ignorants, sales », qu’il serait nécessaire de savonner à grande eau. Ces gens « sentent mauvais » et sont « mal peignés ». Ces gens ne connaissent pas les cosmétiques visiblement ! Le savon est, en revanche, le produit d’hygiène de base des habitants du château d’Orvillet. Lorsque la bonne cousine Gertrude, cœur et âme sensibles, se met à pleurer du fait de sa séparation d’avec sa mère, une seule solution : « vite, vite, de l’eau, du savon », pour nettoyer le visage des larmes qui l’ont sillonné.

Des potions pour apaiser la toux

Le petit Germain, fils des fermiers de Mme d’Orvillet, a été guéri de la toux par la potion préconisée par Mme d’Orvillet. « [...] la potion que Mme la comtesse lui a donnée l’autre jour a enlevé la toux comme avec la main. »

Une huile contre les coups qui marche à tous coups

Le premier contact entre Félicie et Diloy est plutôt musclé. La petite fille, impertinente, se fait fouetter par un Diloy, un peu éméché. Ce chemineau « affectionné aux enfants », comme il aime à le répéter, ayant bu plus que de mesure, se saisit d’un bâton pour corriger la petite insolente. Félicie se garde bien de se confier à quiconque de cette correction. Quelle honte ! Un manant a porté la main sur la noble enfant ! La bonne Valérie, en lui lavant « le cou et les épaules », constate la présence de multiples bleus. Une « huile de mille-pertuis » (sic) très efficace fut appliquée. « Dès le lendemain, elle ne souffrait plus. » L’huile de millepertuis est toujours utilisée de nos jours. Elle est répertoriée à l’inventaire européen sous le nom INCI d’Hypericum perforatum oil. Cette huile fixe, obtenue à partir des fleurs de cette plante (également appelée St. John's Wort), y est considérée comme un agent « émollient »,2 pour un usage cosmétique et comme un agent cicatrisant pour un usage médical.3

Une tisane de tilleul et de l’arnica pour parer les bleus

A la suite d’une paisible partie de pêche qui manque de s’achever en drame du fait d’une malheureuse glissade dans l’eau, Félicie est réconfortée avec « une tasse de tilleul et quelques gouttes d’arnica ». L’ensemble des enfants présents sont soumis au même traitement, afin de se remettre de leurs émotions. La comtesse recommande, en effet, l’arnica (par voie topique et par voie orale en cas de « chutes et coups ».4

Diloy, quant à lui, est, séché, frictionné avec « une flanelle » et réchauffé avec un « grand verre de vin chaud sucré ».

De l’anisette et du café pour retrouver des forces

Après un effort physique intense au potager, Diloy et les membres de la famille qui ont joué les ouvriers reçoivent de l’anisette et un « café noir tout bouillant » (ration adaptée en fonction de l’âge et du sexe évidemment).

Diloy le chemineau ou la recette du bonheur !

Heureusement tout est bien qui finit bien chez la comtesse de Ségur. La lionne s’assagit et devient presque aimable, le rat devenu jardinier pour Mme d’Orvillet trouve le bonheur au milieu de sa famille et ne s’enivre sans doute plus, le général trouva chaussure à son pied en la charmante veuve de Saintluc et les mariages se succédent à vitesse grand V. Avec du tilleul, de l’arnica, du millepertuis, de l’anisette, du café bien fort, Sophie Rostopchine dispose de tout ce qu’il faut pour effacer les bleus à l’âme et construire autour d’elle un foyer chaleureux où chacun trouve naturellement sa place, du lion au rat en passant par l’ours et les escargots, de la potion antitussive, sans oublier les poissons de l’étang et les oiseaux du jardin !

Bibliographie

1 de Ségur S. Diloy le chemineau, Bibliothèque rose, Hachette, 1970
2 https://translate.google.fr/?hl=fr#view=home&op=translate&sl=en&tl=fr&text=St.%20John's%20Wort
3 Cobanoglu A., Sandir M. The effect of hypericum perforatum oil on the healing process in the care of episiotomy wounds: A randomized controlled trial, European Journal of Integrative Medicine, 34, 2020, Article 100995
4 http://www.bibebook.com/files/ebook/libre/V2/segur_comtesse_de_-_la_sante_des_enfants.pdf

Retour aux regards