Un parfum de dévouement !

Le fils de Georges Simenon est l’histoire d’un père (Alain Lefrançois) qui se raconte à son fils.1 Tout commence par un triste jour d’enterrement. Le grand-père, ancien préfet de La Rochelle, homme « élégant et racé » est inhumé. Le père (Alain) est désormais seul face au monde. Il ne lui reste plus qu’à se confier à son fils (Jean-Paul) de 16 ans, afin d’être un peu moins seul, afin d’être écouté et compris. Alain se raconte afin que Jean-Paul découvre l’histoire de sa famille.

L’enterrement d’un père

« La date la plus importante, dans la vie d’un homme, est celle de la mort de son père. » On devient alors « l’aîné », « l’ancêtre » et il n’existe plus de barrage entre vous et la mort. Commence alors une introspection pour le fils ! Et une réflexion sur la notion de paternité et de dévouement paternel.

Le mariage avec une infirmière

Alain nous confie rapidement que c’est une « pleurite » qui lui a fait rencontrer sa femme, une infirmière, sur la Côte d’Azur où il était venu en convalescence. Alice Chaviron ne fait pas chavirer le cœur du narrateur. Une douce amitié… voilà plutôt ce qui semble prévaloir entre ces deux êtres.

Au voisinage de la clinique (celle-ci est proche d’un marchand de vins), l’on est accueilli par « une odeur de vinasse » mêlée à un « parfum d’eucalyptus »… Une odeur prémonitoire. Les rapports des deux époux sentant rapidement le vinaigre !

L’amour de jeunesse

A 18 ans, Alain a rencontré Maud Chotard, une jeune fille de 17 ans travaillant à la préfecture. Une jeune fille issue d’un milieu modeste, puisque son père, Emile, tient un café sur le port de la Rochelle.

Les évènements de 1928 !

On nous parle de ces évènements tout au long du roman. En gardant le mystère, sans nous donner d’explications. Puis, enfin, on apprend la nature du drame qui a eu lieu dans cette famille de notables.

Une odeur trouble

Alain nous confie son aversion pour « l’odeur des parents ». « Je n’aimais pas l’odeur du lit de mes parents, l’odeur de leur chambre, le matin. » Une odeur « trouble », qui laisse le petit garçon qu’il fut au seuil de la chambre parentale.

Une attitude trouble

La grand-mère de Jean-Paul vit murée dans le silence, depuis qu’une opération lui a volé sa féminité. Cette grande séductrice a perdu toute féminité et ne désire plus, désormais, se mêler aux vivants.

Une odeur agressive

Chez les Lefrançois, la bonne Emilie, qui n’est pas croyante, va tout de même le dimanche à la messe à titre de récréation. Elle change également ses habitudes et s’autorise des produits de maquillage et du parfum. « […] pour affirmer ses prérogatives, elle reste maquillée toute la journée, comme ses soirs de sortie, et répand un parfum à la fois fade et agressif. »

Chez les Lefrançois, ce parfum agressif (« son écœurant parfum ») est celui d’un dimanche long et ennuyeux, qu’il s’agit de combler au mieux, en invitant des amis car le couple supporte difficilement de rester en tête à tête.

Une teinture agressive

Les Tremblay, les amis des Lefrançois, sont des gens charmants, qui viennent combler le vide des après-midi dominicaux. Charmants, mais un peu ridicules. Surtout madame, avec sa « voix haut perché » et ses cheveux teints « d’un roux flamboyant » ! Une teinture utilisée depuis que des cheveux blancs ont commencé à apparaître. Des amis éprouvés par le malheur, puisqu’une incompatibilité sanguine des époux a mené à la mort de leurs 4 bébés.

Une odeur de poiscaille

C’est l’odeur qui règne chez la mère d’Alice, qui vit avec une cousine. Dans la maison « règne une si étrange odeur, celle de deux vieilles emmitouflées de lainages », accompagnée d’une odeur de poissons dans la mesure où l’on se trouve à Fécamp.

Une odeur de changement

La sœur d’Alain, Arlette, est mariée à un écrivain. En le rencontrant, elle a changé du tout au tout. Modifiant son « langage », sa « coiffure » ! Elle a adopté une « nouvelle coiffure », en devenant Mme Vachet.

Une odeur de bouleversements

Et Simenon de revenir sur la période de l’adolescence, cette période de bouleversements… Pas vraiment « l’âge innocent » pour le narrateur, plutôt l’âge « des boutons qu’on se découvre en se rasant et que l’on considère comme une tare […] ».

Le fils, en bref

Le fils est un roman qui traite de l’ascension sociale (la grand-mère d’Alice était marchande de poissons) et du rapport entre les individus. Un mariage entre Maud et Alain semble impossible. Pourtant l’amour est bien là, qui existe. Un amour qui se concrétise par la venue d’un enfant qu’il va falloir faire passer… Oui, mais Maud meurt au cours de l’avortement ! Et le père d’Alain prend tout sur lui, en cette fatale journée de 1928 ! Une odeur de dévouement va désormais imbiber toute la vie familiale !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Simenon G., Le fils, Le monde, 2025, 206 pages