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Un maquillage sophistiqué bien inutile, c’est Sagan qui en est la cause !

> 11 août 2024

Un maquillage sophistiqué bien inutile, c’est Sagan qui en est la cause !

Un ex-mari, quitté par sa femme, vaut tous les remontants du monde.1 C’est la morale de cette histoire qui nous est contée par Françoise Sagan. Justine a été quittée par son mari, il y a un an, un an tout juste, tout pile. La rupture a été actée en public, chez l’amie Judith. En forme de cadeau d’anniversaire, Judith organise un nouveau dîner, réunissant, pour la première fois depuis le divorce, les protagonistes de l’affaire, soit Richard, Justine et « l’Autre », la belle Pascale. A l’issue du dîner, les mêmes mots seront prononcés. Mais, cette fois-ci, c’est Pascale qui fait souffrir… Justine, qui a été sur les chardons ardents pendant toute la soirée, se sent enfin libérée. C’est en pleine forme qu’elle pourra quitter les lieux abandonnant derrière elle sa carapace de femme délaissée ! La vie est belle désormais pour Justine !

Justine, un profil aiguisé

Justine est une jeune femme « moderne », qui a vu son profil se transformer depuis le divorce. Les rondeurs de l’enfance, de l’innocence, ont disparu au profit d’un corps svelte et aiguisé.

Justine, un visage maquillé

Pour la circonstance, Justine s’est maquillée avec soin, afin de rivaliser avec « l’Autre », celle qui a pris sa place aux côtés de Richard. Elle a, pour cela, « soigneusement » maquillé ses yeux. Un maquillage destiné à Richard et à personne d’autre. Un maquillage qui lui a pris du temps, qu’il a fallu « travailler », afin d’être la plus jolie possible, la plus conforme aux désirs de Richard. Avec un crayon, Justine a « allongé la forme de ses yeux ». Avec un bâton de rouge à lèvres, elle a « appuyé la courbe de sa bouche ». Avec une poudre compacte, elle a « accusé d’ombre ses joues exactement comme Richard aimait qu’elle fît, un siècle plus tôt. » Ce maquillage, elle le peaufine devant la glace de l’entrée de l’appartement de Judith, histoire de retarder le moment où elle va devoir affronter le regard de son ex ! Pour retarder ce moment fatidique, Justine sort « son poudrier » de son sac et se repoudre « le nez sans grand enthousiasme ».

Richard, un séducteur invétéré

Richard est un « homme grand, brun, élégant ». Un séducteur, habitué à charmer de la voix, du regard ! Un homme qui, en un an, n’a pas pris une ride ; un homme qui reste, toujours, « aussi beau, aussi séduisant » !

Pascale, une charmeuse invétérée

Pascale est une femme pleine de charme. « Elle était le charme même ».

Un an, déjà, en bref

Même lieu, mêmes personnages, même drame. Après avoir quitté Justine, Richard est plaqué par Pascale. Ce genre de scène devient habituelle chez Judith. Pour cela, elle réunit quelques couples, afin que la rupture soit actée de manière officielle et irréfutable. Et dire que pour cette soirée Justine avait passé des plombes à se faire le visage-même de la séduction, dans le but de reconquérir l’amour de sa vie. Des éclats de voix, une Pascale irritée, un Richard déconfit… Justine n’en demandait pas plus pour reprendre pied dans la vie. « […] Justine se sentait tout à coup parfaitement en forme. » Par un effet boomerang, l’arroseur est arrosé et la victime sort de l’affaire aussi sèche que possible !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Sagan F., Un an, déjà in Certains sourires, quatre nouvelles, Ernst Klett Verlag, 44 pages

 

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