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Un maquillage bien trop vulgaire, no comment !

> 26 novembre 2022

Un maquillage bien trop vulgaire, no comment !

Une histoire de séduction, de pureté (et d’impureté), de jeunesse, de maturité… Alors qu’un vil séducteur a pris pension dans une petite localité des Hautes-Pyrénées, une proie arrive… Une jeune fille… qui, en réalité, n’en est plus une depuis au moins… 4 ans ! Tel est pris qui croyait prendre !1

Le décor

Un hôtel situé dans la région de Lourdes. Les hôteliers, M. et Mme Pédebidou, s’occupent au mieux d’une clientèle encore peu nombreuse. Mme Pédebidou, corsetée à l’extrême, tient son établissement d’une main ferme. Chaque soir, elle place sur son capillaire des rangées de bigoudis !

Daniel Trasis, le séducteur qui sent l’eau de Cologne

Daniel est une sorte de démon au visage d’ange. En digne héritier de son oncle Louprat, un coureur de jupons invétéré, il aime la compagnie des femmes. « Son odeur de tabac et d’eau de Cologne » a fait chavirer le cœur de plus d’une de ses conquêtes.

Daniel est venu s’enterrer dans cette région éloignée de tout, afin de mettre de la distance avec une maîtresse en titre un peu trop envahissante. Il fait un peu de tourisme, visite des églises… « Il oublia l’heure, revint en hâte, et, sans prendre le temps de se laver les mains, affamé, courut au restaurant. »  Oui, mais voilà… Daniel s’ennuie ferme ! Et est même tenté de repartir ! Du moins, jusqu’à ce que l’arrivée d’une petite jeune fille soit annoncée. Une certaine Melle Gisèle de Plailly.

Pour elle, Daniel retrouve son tonus. « Il se rasa de près » ! Et la jeune fille en question mérite, en effet, le détour ! Fasciné par le « nuage d’odeur » qui flotte autour de « ce corps », Daniel se dit qu’il ferait bon en savoir plus sur la demoiselle.

Le soir, l’haleine du jardin de l’hôtel monte vers les étages. « L’odeur de menthe et de mousse du Gave pur » trouble les sens du vacancier qui attend un évènement…  une rencontre !

Et puis, lorsque Melle de Plailly est enfin installée dans une chambre et lorsque la porte de la chambre en question est ouverte, quelle ivresse ! « La chambre était vide, et malgré les fenêtres ouvertes, l’odeur y régnait du corps absent roux. » Vertiges de l’amour !

Melle Gisèle de Plailly, la séductrice qui sent « la rousse » !

Une superbe rousse de 26 ans, qui a abusé du soleil. Son épiderme en reste marqué. Ses bras sont, en effet, « abîmés d’anciens coups de soleil ». Un visage très jeune.

Une jeune fille qui aime les hommes… mais qui ne se mariera pas. Son père en a décidé ainsi. Afin de la conserver pour lui tout seul ; il n’est, en effet, pas question de la doter !

Une jeune fille, accompagnée d’une duègne, Mme de Villeron. Celle-ci s’est jurée de protéger Gisèle contre elle-même. Elle s’est, d’ailleurs, chargée de la petite fille dont Gisèle a accouché, en cachette, après une brève aventure avec un aspirant à « l’odeur d’astiquage ».

Mme Lucile de Villeron, la duègne qui sent la vertu

La duègne qui fait barrage autour de Gisèle possède des « yeux azurés » (des « flaques d’azur »). La petite rousse qu’elle présente comme sa fille (elle se prénomme Marie) ne lui ressemble en rien. C’est normal puisqu’il s’agit, en réalité, de la fille de Gisèle.

Daniel classe, tout de suite, Lucile dans la catégorie des femmes « non comestibles ». C’est tout dire !

Une histoire de feu qui brûle

Cette jeune fille enflamme l’imagination de Daniel qui prend feu ! Pour se calmer… un cachet d’aspirine s’impose (il « emplit d’eau son verre à dents, avala un comprimé d’aspirine »).

Une histoire émouvante de bain

Ses maîtresses… Daniel les veut vierges… le plus vierges possible ! Et surtout, n’allez pas lui raconter vos histoires de cœur passées, rien ne l’énerve plus. La pauvre Thérèse Herlant a ainsi signé son arrêt de mort : « […] ainsi le martyrisa plusieurs semaines une confidence de Thérèse Herlant touchant un jeune homme qu’elle avait connu, jeune fille, à Cabourg, et dont elle avoua que le bain l’émouvait. »

Une histoire de pèlerins qui puent

Précieux, Daniel l’est certainement… de surcroit, il est doté d’un odorat délicat. Il est donc extrêmement gêné par ces pèlerins qui ne se sont pas « déshabillés depuis deux jours » !

Une histoire d’église qui parle au cœur de l’enfant

Dans l’obscurité d’une église, Daniel est touché par une senteur… Il est plongé dans une « obscurité d’étable - d’une étable d’Epiphanie parfumée d’encens et de myrrhe ».

Et puis un adolescent avec un drôle de… masque !

Celui-ci est aperçu à l’hôtel, un instant. Juste le temps de remarquer que son visage est « masqué de boutons. »

Et un départ en train

Un départ, dans un wagon surchauffé. Et la petite Marie attrape une escarbille dans l’œil. Et Gisèle, maternelle, de s’inquiéter. Avec un peu « d’eau de Cologne », elle frotte les joues de sa fille, avant de faire des retouches à son maquillage. « Puis elle s’enduisit de rouge la figure, y recouvrit de poudre le charbon de la nuit. » Rouge à lèvres et poudre de riz ne sont, bien sûr, pas au goût de Lucile !

Le fleuve de feu, en bref

Une nuit d’amour suffit à Daniel, qui n’apprécie que « l’odeur des petites filles, l’été, cette odeur de lait suri ». Les petites filles, pas les femmes. No comment. Rien à ajouter ?

Ah si tout de même, une notion à retenir. Pour les femmes non comestibles, il ne fait pas bon posséder dans son sac à main un bâton de rouge à lèvres et un poudrier. Trop vulgaire !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Mauriac F. Le fleuve de feu, Grasset, 1975, 123 pages

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