> 30 mai 2020
Lizzie Mac Kay n’a vraiment pas de chance.1 Elle s’est trouvée dans un compartiment avec 2 noirs et 4 blancs bien éméchés. Rixe... et un homme, un noir, qui reste sur le carreau. Mauvais lieu, mauvais moment !
Afin de l’encourager à faire un faux témoignage qui permettra d’innocenter son cousin Thomas, Fred, un fils de bonne famille, passe la nuit avec Lizzie.
Cette prostituée a des habitudes un peu bobonnes... Après une nuit de travail, rien de tel que de se replonger dans la vie quotidienne et d’effectuer une succession de tâches ménagères. « Le lendemain matin, c’est plus fort que moi : il faut que je prenne un bain et que je passe l’aspirateur. » La journée commence bien. Le soleil brille, les oiseaux chantent. « Ah, je me sens à mon aise : il fait beau, j’ai pris un bon bain, j’ai bien fait l’amour ; ce que je suis bien, ce que je me sens bien ! »
Lizzie est, semble-t-il, une bonne professionnelle, une bonne fille, au cœur tendre, capable de s’émouvoir lorsqu’on lui parle d’une mère éplorée - celle de Thomas - qui va perdre son fils si celui-ci est convaincu de meurtre.
Lizzie qui ne cherche qu’une vie tranquille, rangée, avec des habitués qui viendraient la voir 3 à 4 fois par semaine (elle serait pour eux une « chère habitude »), se retrouve placée au centre d’un drame. Fred, des policiers, un sénateur (qui parle bien !) se succèdent à ses côtés afin de la faire pencher du bon côté, celui qui permettra l’accusation du noir et la mise en liberté du blanc. Une petite larme par-ci par-là... Un billet (un peu juste) par-ci ; une promesse de vie luxueuse par-là, grâce à un Fred littéralement envoûté (« Tu colles à moi comme mes dents à mes gencives »).
Est-elle respectueuse Lizzie ? Oui, vis-à-vis des blancs pourvus d’une certaine influence.
Est-elle une tueuse Lizzie ? Oui ; c’est elle qui, au final, va livrer aux loups, le noir innocent qui s’est réfugié chez elle.
« Tout est rentré dans l’ordre » constate Fred à la fin de la pièce... La salle de bain est bien rangée, les cosmétiques sagement alignés, l’aspirateur est à sa place, la maison est en ordre. Tout est propret. Oui, mais...
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette p***** pas très respectueuse !
1 Sartre J.P. La P... respectueuse, 1954, 245 pages
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