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Un blaireau contaminé, une belle arme pour un crime... presque parfait !

> 06 février 2021

Un blaireau contaminé, une belle arme pour un crime... presque parfait !

Dans son roman Cartes sur table, Agatha Christie organise un dîner pas comme les autres. Un richissime excentrique - M. Shaitana - qui ressemble vaguement à Méphistophélès, a décidé de s’offrir le grand frisson en invitant 4 assassins présumés (le Dr Roberts, le major Despard, Miss Lorrimer, Mrs Meredith) et 4 fins limiers (Hercule Poirot, le superintendant Battle, le très « bronzé » colonel Race, Mrs Oliver). A la fin du repas, deux tables de bridge sont organisées. Les assassins d’un côté, les limiers de l’autre. Au milieu, et près d’un bon feu de cheminée, dans un profond fauteuil à haut dossier, M. Shaitana... A la fin de la soirée, le grand frisson est bien passé par là. M. Shaitana est retrouvé mort, un profond stylet ayant perforé son cœur. Il ne reste plus à nos quatre limiers qu’à se mettre en chasse de l’assassin de leur hôte. Pour Hercule Poirot, un défi à relever... le meurtre ayant été commis à son nez et à sa barbe (ou plutôt moustache !).

M. Shaitana, une paire de moustaches spectaculaire

M. Shaitana possède « une très belle moustache, peut-être l’unique moustache à Londres comparable à celle de M. Hercule Poirot. » Afin de domestiquer cette belle moustache, M. Shaitana utilise une cire cosmétique (« moustache aux pointes raidies par le cosmétique »). Une impériale (un bouc très Second Empire) et des « sourcils fantastiques » le font ressembler à un véritable diable. Très soucieux de sa personne, Shaitana est critiqué par le major Despard, qui juge son « élégance outrée », ses cheveux « trop longs » et trop parfumés (« Il portait les cheveux trop longs et empestait les parfums. »).

Mme Olivier, Mrs Oliver, une tignasse hors norme

Mme Olivier (pour les Français) ou Mrs Oliver (pour les Anglais) est une femme un peu excentrique. Cette auteur, spécialisée dans le roman policier a une imagination débordante. Sa chevelure (« une toison de cheveux gris ») est changeante, car elle est toujours à la recherche de la « coiffure adéquate ». Pour la soirée chez Shaitana, c’est une frange qui orne le front de l’amie d’Hercule Poirot.

Le Dr Roberts, un médecin très policé

Le Dr Roberts est un médecin « bien frotté et désinfecté », « rasé de près ». Lorsqu’il tend la main à son interlocuteur, on peut sentir un frais parfum de propre (« main rose fleurant le savon et une légère odeur d’acide carbonique »). Il semble bien pourtant que ce médecin, à qui l’on ferait toute confiance tant sa mise paraît honnête, a tué le couple Craddock. Pour éliminer M. Craddock, le Dr Roberts a « infecté à dessein » son blaireau avec le bacille du charbon (« Il mourut du charbon contracté en se rasant avec un blaireau infecté. »). Profitant d’un scandale sanitaire lié à des blaireaux souillés, des blaireaux d’importation, qualifiés de « camelote japonaise » (« Oui, à cette époque les bazars regorgeaient de blaireaux à bon marché... dont quelques uns étaient infectés »), l’assassin a perpétré son crime en toute impunité. Par la suite, le Dr Roberts sortira à nouveau sa trousse médicale, injectant à Mme Lorrimer, un anesthésique, la N-méthyl-cyclohexene-nyl-méthyl-malonyl-urée ou Epivan, à forte dose.

Cartes sur table, en bref

Empoisonnements, meurtre par balle, stylet en plein cœur... les invités de M. Shaitana n’ont pas vraiment la conscience tranquille. Pourtant, les hommes semblent respectables et les femmes sont maquillées avec soin. Miss Meredith poudre son visage sans excès (« visage poudré sans être peint ») ; Mrs Lorrimer « se tamponne le nez de poudre », lorsqu’on la surprend, chez elle, pour un interrogatoire en règle ! Avec cette belle brochette d’assassins, il ne fait pas bon boire du sirop de figues (celui-ci risque d’être en fait du vernis à chapeaux), ni prévoir un week-end de camping, pas plus qu’une soirée bridge.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, de mettre... cartes sur table pour son illustration du jour !

 

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