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Traitement de cheval pour âne malade !

> 27 août 2020

Traitement de cheval pour âne malade !

En se glissant dans la peau d’un âne, la comtesse de Ségur, ne perd pas une once de son talent.1 Après avoir régalé son jeune public des Malheurs de Sophie, des aventures Des petites filles modèles ou pris des Vacances en famille, la bonne grand-mère se coule avec délice dans la peau de celui qui porte une croix sur le dos, « depuis qu’un des leur eut l’honneur d’être monté par Notre-Seigneur Jésus-Christ ». L’âne Cadichon en question est un âne plein d’intelligence doué de sentiments humains. Tour à tour doux, dévoué, aimant, coléreux, rancunier, agressif, il s’adapte à chacun de ses maîtres et réagit au quart de tour lorsque l’on a besoin de lui.

Les saignées, les pilules, les onguents sont distribués généreusement pour une comtesse soucieuse de la santé des enfants et de celle des animaux.

Une maîtresse exigeante

La première maîtresse de Cadichon est une fermière exigeante qui entasse les paniers sur le dos du pauvre animal, chaque mardi, afin de se rendre au marché de Laigle, une commune toute proche de celle d’Aube dans l’Orne, où vécut la comtesse, de nombreuses années, au château des Nouettes.2

Une maîtresse pleine d’amour

Cadichon va enchaîner les maîtres et maîtresses, fuyant les personnes injustes et s’attachant aux personnes loyales à son égard. Lors de ses pérégrinations, il rencontre la charmante Pauline, une petite fille de 12 ans à la santé fragile. Celle-ci s’attache terriblement à son compagnon, au point de mêler les cheveux de sa mère et les poils de Cadichon dans un même médaillon. On imagine la réaction maternelle !

Une maîtresse pleine de compassion

Une fois arrivé chez la bonne grand-mère qui va le garder jusqu’à la fin de sa vie, Cadichon fait connaissance avec une joyeuse troupe d’enfants. Jacques, Madeleine, Elisabeth, Camille, Thérèse et les autres vont l’entourer de soins et d’attentions. Les enfants sont élevés au château, dans un esprit de compassion à l’égard des pauvres gens. Ainsi lorsque Thérèse trouve une petite fille vêtue de haillons, abandonnée de tous, elle s’empresse de la mener à sa maman et se propose de la laver. La petite est « si sale que personne ne voulait ni la laver ni l’approcher ». La petite ne souffre d’aucune maladie de peau ; elle a, en revanche, les « cheveux pleins de vermine ». Avant de laver la petite, la maman lui coupe donc les « cheveux tout court sans y toucher avec les mains ». Elle réalise ensuite un shampooing soigneux au savon, afin de « bien la nettoyer ». Une fois cette opération réalisée, Thérèse et ses amies filent dans la salle de bain. Un bain est préparé à l’intention de leur protégée qui est vivement déshabillée. Dans la baignoire, la petite fille est « savonnée des pieds à la tête ». Au début, cela est amusant, puis cela dure un peu trop longtemps... Les petites filles finissent enfin la toilette de la petite orpheline en la séchant et la frottant énergiquement jusqu’à lui faire « rougir la peau ». Lorsque la toilette est finie, la séance d’habillage peut commencer. Puis, nos petites filles dévouées vont courir chez leur bonne grand-mère à la recherche d’un onguent afin de traiter une plaie située au niveau du coup de pied.

Un maître plein de bonne volonté

Le petit Jacques est un garçon plein de gentillesse qui s’attache immédiatement à Cadichon. Cet attachement le conduit à quelques erreurs. Il rend ainsi malade la pauvre bête par excès de nourriture. Il ne reste plus qu’à appeler le vétérinaire. En l’attendant, on pratique une saignée salvatrice. « Bouland pris sa lancette, me la posa sur une veine du cou, la frappa d’un petit coup de marteau, et le sang jaillit aussitôt. » De l’eau de son est administrée afin d’hydrater le patient.

Un maître plein de vantardise

Parmi les enfants qui se pressent au château, il faut mentionner Adolphe, un jeune garçon vantard qui s’est fait de Cadichon un ennemi en tuant par mégarde, lors d’une partie de chasse, son grand ami, le chien Médor. Pour se venger, Cadichon expédie Auguste dans une fosse remplie d’une boue infecte. Le père d’Auguste est alors obligé de le décrotter dans une mare voisine. Il est recouvert d’une boue « collante et grasse » qui lui interdit l’accès à la salle de bain, en l’état. Le récurage, « le lessivage » d’Auguste est long et fastidieux car la boue adhère fortement à ses cheveux et à sa peau. La suite de cette aventure se situe dans un lit ; fièvre, délires et convulsions sont les conséquences d’un « agacement des nerfs » diagnostiqué par le Dr Tudoux. La grande agitation qui fait voir à Auguste des Cadichons menaçants dans ses cauchemars est traitée par des pilules calmantes.

Cadichon est vraiment la crème des ânes. Il sauve Pauline d’un incendie, fait arrêter des voleurs (et les assomment d’un coup de sabot - prévoir une bonne saignée du Dr Tudoux pour Finot et Passe-Partout, les deux escrocs en question), promène les enfants sages sur son dos, fait le pitre à la foire, roule des yeux doux ou furieux selon les circonstances. Au fil des années, au fil des rencontres, Cadichon a compris que, pour être aimé, il fallait ôter de son esprit toute trace de méchanceté et toute idée de vengeance. C’est donc un âne plein de sagesse qui finit sa vie... au château de la bonne grand-mère ! Hihan !!

Bibliographie

1 Comtesse de Ségur, Les mémoires d’un âne

2 http://www.paysdelaigle.com/aube

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