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Théophile Delaporte, le Monsieur Propre de la littérature française !

> 12 mai 2019

Théophile Delaporte, le Monsieur Propre de la littérature française !

Lorsque l’on prend pour pseudonyme Théophile (parce que l’on aime Dieu) Delaporte (parce qu’il faudra bien réussir à franchir coûte que coûte la porte du paradis), on ne peut pas nier une certaine propension au mysticisme. Julien Green, car c’est bien de lui dont il s’agit, est tiraillé entre ses appétits charnels et une foi aussi pure que du cristal. Ses récits d’une jeunesse claustrée dans un petit appartement modeste entre ses sœurs, Mary, Anne, Lucy et son père, ont un goût âcre. Combien de fois n’a-t-on pas envie d’ouvrir les fenêtres pour laisser entrer une bouffée d’air printanier ? Dans cette tranche de vie tourmentée, Julien Green fait couler l’eau à flots, pour tenter de blanchir la part sombre de lui-même qui le fait tant souffrir. Ludovic, Paul, Ted, Mark, Camille et les autres sont les démons tentateurs qui ne cessent de le harceler. L’un a un « teint d’ambre clair » et la « bouche fraîche et gourmande », l’autre des « mains parfaites », « longues et trop fines pour être tout à fait potelées, elles eussent fait honneur à la plus belle femme. » De souvenir en souvenir, Julien Green ouvre à fond le robinet de sa mémoire.1

Un bain de soleil pour la vitamine D

Alors qu’il est en adoration devant le Saint Sacrement, Julien se souvient de sa mère qui le faisait rester « en plein soleil, à l’angle de la rue de Passy et de la rue de la Pompe », afin de profiter des effets bénéfiques du Soleil. « Cela te fera du bien », ne manquait-elle pas de remarquer, afin de motiver son jeune garçon qui plissait des yeux... Dans la chapelle où il se trouve alors que ce souvenir lui revient en mémoire, il expose, désormais, son âme « aux rayons du Soleil de justice ». Il espère, là encore, que cela lui fera du bien.

Une chambre pour deux

Julien partage la chambre avec son père. « Le matin, debout à sept heures, il se rendait à la salle de bain d’où il regagnait notre chambre dans des effluves d’eau de Cologne. » Si Julien partage l’espace avec son père, il ne partage pas ses goûts en matière d’hygiène. Julien n’a pas recours à l’eau de Cologne ; il se lave à grande eau et ce d’autant plus que ses sorties nocturnes ont été fructueuses. « La répulsion suivait la volupté, je fuyais, n’ayant de cesse que je ne me fusse lavé, frotté, savonné, non pas une fois, mais dix, dans notre salle de bain, faisant couler l’eau pendant un grand quart d’heure dans le silence de la maison endormie, comme si j’avais voulu effacer jusqu’au souvenir des mains inconnues, étrangères, qui m’avaient touché et rêvant d’une impossible purification qui m’eût débarrassé de tout cela. » Apprenant qu’un de ses amis a contracté la syphilis, Julien est pris de panique. « [...] rentré chez moi, je me lavai les mains et le visage avec furie, n’en finissant pas de me frotter la peau avec du savon. » Julien se revoit enfin au dessus d’une cuvette, dans une chambre glauque, se lavant « avec une sorte de panique maîtrisée ».

Un appartement qui sent la marmelade

Chez les Green, chacun cherche sa vocation. Pour vivre, il n’y a qu’une seule paye, celle modeste du père de famille. Afin de gagner de l’argent, Mary se lance dans la fabrication de marmelade, durant une très courte période. « Un arôme exquis d’oranges très légèrement brûlées se répandait jusque dans ma chambre où je fermais les paupières pour mieux savourer la finesse de cette odeur capiteuse. » Julien est promu représentant de commerce afin d’écouler la marchandise. Malheureusement ce représentant peu convaincu et très peu convaincant reviendra bredouille de ses longues expéditions.

Chacun dans sa sphère

Dans la famille Green, la pudeur règne en maîtresse. Chaque membre de la famille vit dans une « sphère aussi fragile qu’une bulle de savon ». Ces sphères tournent sur elles-mêmes, tournent les unes autour des autres, sans jamais s’entrechoquer.

Une visite aux Bains turcs qui tourne au cauchemar

Lorsque Jim débarque d’Amérique, il n’a qu’une idée en tête : découvrir les Bains turcs parisiens. La scène ne ressemble nullement à celle de La Grande Vadrouille, imaginée par Gérard Oury, en 1966. Il n’y a ni « Big moustache », ni Stanislas Lefort, ni Augustin Bouvet. Personne ne chantonne « Tea for two ». L’ambiance surchauffée ressemble furieusement au contenu du chaudron au-dessus duquel officie Satan. C’est « l’image de l’enfer » ! Il y a la « lumière rougeâtre dans la vapeur » qui met dans l’ambiance. Il y a « la laideur » « des ventres monstrueux et des crânes chauves ». La beauté est totalement absente.

Des amis proustiens

Dans son petit monde littéraire, « la consigne était d’aimer Proust sous peine de se rabaisser au rang des sauvages et des concierges » ! Les Palmer, dont l’intérieur est parfumé avec « une fine senteur de vétiver », ne doivent pas, cependant, être des proustiens avertis. Chez Marcel, le vétiver est une fragrance tabou.2

Un besoin irrépressible de se sentir beau

« On ne peut être aimé que si l’on est beau. »

Joan, une véritable princesse des « Mille et Une nuits »

Joan est une amie avec laquelle il fait bon discuter en toute amitié. Elle sent « bon ». Des « parfums délicats s’exhalaient de sa peau. »

Chez Julien Green, la porte du Paradis est étroite, « les trottoirs de Paris » mènent « droit en enfer ». Heureusement, une lumière brille dans le lointain.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette illustration sur laquelle vous n'hésiterez pas à cliquer pour mieux la voir et l'apprécier.

Bibliographie

1 Green J. Jeunesse, Plon, Paris, 1974, 310 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/du-cote-de-guermantes-un-samedi-a-la-campagne-144/

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