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Teint rayonnant pour portrait ovale !

> 05 juillet 2020

Teint rayonnant pour portrait ovale !

Il y a d’abord Edgar Poe (1842) qui nous fait frissonner,1 en ouvrant la porte d’un château hanté... Puis Huysmans (1884) nous prend « A rebours » et nous emmène dans les délires créatifs d’un héros pas très héroïque, un certain des Esseintes qui pose les bases de l’homéopathie olfactive et se glisse dans la peau d’un grand parfumeur.2 Les effluves de parfums concoctés par notre parfumeur légèrement névrosé sont alors venus titiller les narines d’Oscar Wilde qui s’est empressé d’initier son personnage, Dorian Gray, à l’art de la formulation des parfums (1890). Devant son alambic, Dorian se rend compte que les parfums obtenus peuvent influer sur ses états d’âme ; il pose les bases de l’aromathérapie.3 Oscar Wilde, quant à lui, pratique une arithmétique très personnelle (1 roman + 1 roman = 1 roman) en mixant les idées de ces deux prédécesseurs.

Passer une soirée avec Edgar Poe n’est pas vraiment reposant. Il vous emmène dans des endroits où le vent se glisse sous les portes et fait crier les volets. Alors que l’on s’apprête à dormir paisiblement dans une chambre qui semble sortir tout droit d’un conte de fées, le candélabre se met à éclairer un portrait qui glace le sang. La jeune femme qui y est représentée est... vivante. On n’en voit pourtant que le buste... mais c’est bien suffisant pour mettre sa tête sous les draps. Les cheveux de la femme sont rayonnants (quelle teinture capillaire a donc le pouvoir de mettre le feu à une chevelure ?), son visage n’est que « lumières et sourires » (quel fond de teint a donc le pouvoir de rendre le teint aussi lumineux, aussi radieux ?). Le peintre qui a capturé la vie de son modèle n’est rien d’autre que son mari. Cet homme passionné par son art a placé son épouse en pleine lumière pendant des semaines, afin de pouvoir capter toutes les nuances de sa carnation. La lumière trop vive a desséché « la santé et les esprits » de la jeune femme jusque-là pleine de vie. Petit à petit, la vie s’est retirée du modèle et n’est plus restée que sur la toile. « Et il ne voulait pas voir que les couleurs qu’il étalait sur la toile étaient tirées des joues de celle qui était assise près de lui. »

Au dernier coup de pinceau, à l’heure où le glacis vient apporter dans une touche finale toute la subtilité nécessaire pour rendre le portrait vraiment humain, la jeune femme épuisée rend l’âme. Le peintre de grand renom vient de sacrifier son amour à son art.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour nous offrir trois portraits ovales pour le prix d'un !

Bibliographie

1 Poe E. Le portrait ovale in Nouvelles histoires extraordinaires, Le livre de Poche, 2018, 264 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/des-esseintes-histoire-d-un-parfumeur-franchement-dejante-1192/

3 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/un-fard-de-theatre-meurtrier-a-la-ceruse-1424/

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