Nos regards
Tatouages, piercing, blanchiment des dents et faux ongles : quand des pratiques corporelles se révèlent dangereuses, l’Académie de Pharmacie alerte !

> 27 juin 2017

Tatouages, piercing, blanchiment des dents et faux ongles : quand des pratiques corporelles se révèlent dangereuses, l’Académie de Pharmacie alerte ! En 2013, 10% des Français, et jusqu'à 20% des personnes âgées de moins de 35 ans, étaient tatouées ou porteuses d’un piercing. Cette pratique très en vogue ne cesse de faire de nouveaux adeptes.

Le problème est d’importance, au point que l’Académie nationale de Pharmacie lui consacrait une séance thématique, le 14 juin dernier. En est sortie une série de recommandations, à destination des professionnels de santé.

Commençons par des définitions. Selon le dictionnaire de l’Académie nationale de Pharmacie, un tatouage est une « Décoration d'une partie du corps, par des inscriptions ou des dessins permanents ou semi-permanents, ou maquillage, permanent ou semi-permanent, des yeux ou des lèvres, obtenus par injection de matières colorantes sous l'épiderme. Ce type de tatouage n'entre pas dans le domaine cosmétique. » (http://www.acadpharm.org/publications/html.php?zn=40&lang=fr&id=&id_doc=4185). Au regard de l’article L. 513-10-1 du Code de la Santé publique, « On appelle produit de tatouage toute substance ou préparation colorante destinée, par effraction cutanée, à créer une marque sur les parties superficielles du corps humain, à l'exception des produits qui sont des dispositifs médicaux au sens de l'article L. 5211-1 ».

Pratique esthétique jugée sans danger, le tatouage est source de nombreux effets nocifs. L’illustration la plus dramatique en est le décès récent de cet Américain, atteint par ailleurs d’une hépatite chronique, décédé suite à un choc septique lié à un tatouage contaminé (Nicholas Hendren,
Senthil Sukumar, Craig S Glazer (2017) Vibrio vulnificus septic shock due to a contaminated tattoo. BMJ Case Reports 2017; doi:10.1136/bcr-2017-220199). Les effets indésirables secondaires à un tatouage sont nombreux et touchent environ 10% des personnes concernées, selon une étude américaine de 2015. En France, jusqu’à 600 000 personnes pourraient être victimes de cette situation.

L’Académie préconise la diffusion d’une information pertinente auprès des personnes souhaitant se faire tatouer en les incitant à s’adresser aux professionnels de santé. L’attention est attirée sur les dangers d’Internet, qui incite à l’utilisation de produits non contrôlés et, par voie de conséquence, à des pratiques dangereuses.

Le docteur Nicolas Kluger, dermatologue à l’hôpital universitaire d’Helsinki (Finlande), est à l’origine de la première consultation française spécialisée, à l’hôpital Bichat, à Paris. « Cela va permettre de limiter le risque de complications et de trouver les meilleures solutions thérapeutiques, indique-t-il. Mais aussi de mener des recherches sur cette problématique trop peu explorée. » (https://www.sciencesetavenir.fr/sante/tatouage-faux-ongles-les-dangers-des-decorations-corporelles_113889)

Si en France, on comptait au maximum une vingtaine de tatoueurs il y a 30 ans, le nombre de professionnels du secteur a, depuis, été multiplié par un facteur 10 environ, par décennie : plus de 300 studios recensés en 1997 et aujourd'hui, plus de 4000 professionnels exerceraient le tatouage comme activité principale (https://www.s-n-a-t.org/snat_dev.htm). La profession de tatoueur est désormais réglementée. La généralisation du recours à des aiguilles à usage unique a permis de rendre quasi inexistant le risque de contamination infectieuse, à condition toutefois que le « client » suive rigoureusement les conseils du tatoueur lors de la période de cicatrisation. (https://www.sciencesetavenir.fr/sante/tatouage-faux-ongles-les-dangers-des-decorations-corporelles_113889)

Actuellement, les médecins sont majoritairement confrontés à des réactions allergiques causées par les encres, notamment celles de couleur rouge. « Il nous est impossible de prévoir comment réagira une personne à une certaine encre, précise le Dr Kluger. Il existe des types de peau considérés comme étant à risque. On surveille de près les maladies cutanées et, parfois, certains grains de beauté. »

Par ailleurs, une fois le tatouage réalisé, certaines personnes regrettent leur choix (de l’ordre de 40% des personnes tatouées, en 2014). On observe donc, en parallèle de l’augmentation des demandes de tatouages, une augmentation du nombre… de détatouages ! Seul un médecin est habilité à réaliser un détatouage, opération qui se pratique au laser (Karsai S Removal of Tattoos by Q-Switched Nanosecond Lasers. Curr Probl Dermatol. 2017;52:105-112), ce qui n’est pas, non plus, dépourvu de risques. Selon la dermatologue, Isabelle Catoni, une hyperpigmentation post-inflammatoire peut survenir (http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/06/15/la-decoration-corporelle-face-aux-risques-sanitaires_5145278_1650684.html). De plus, le traitement actuel peut s’avérer plus ou moins efficace (Eklund Y, Rubin AT. Laser tattoo removal, precautions, and unwanted effects. Curr Probl Dermatol. 2015;48:88-96) du fait, par exemple, d’encres nouvelles utilisées par les tatoueurs.

L’Académie nationale de Pharmacie s’est intéressée également aux « bars à sourire » et aux « bars à ongles ». Ce qui est proposé en ces lieux n’est pas non plus sans danger pour l’usage.

En ce qui concerne les « bars à sourire » leur développement est lié au fait que des dents parfaites (sous-entendu parfaitement blanches) sont indispensables pour l’estime de soi. Le principe est simple : il consiste à avoir recours à un gel blanchissant formulé à l’aide de peroxyde d’hydrogène, plus connu sous le nom d’eau oxygénée (H2O2). Sur un plan réglementaire, la Directive 2011/84/UE du 20 septembre 2011 a restreint l’utilisation des produits dont la concentration en peroxyde d'hydrogène est comprise entre 0,1% et 6,0%, chez les adultes seulement par les chirurgiens-dentistes.

Le métier de prothésiste ongulaire, quant à lui, est très peu encadré. Pour le Dr Edith Duhard, dermatologue à Tours et spécialiste de l’ongle : « Un certificat de qualification professionnelle doit être à nouveau exigé compte tenu des dangers. Il faut informer les consommatrices sur les risques et effectuer un contrôle régulier sur les lampes UV utilisées pour durcir les ongles. La protection des mains lors des périodes d’exposition est essentielle pour prévenir la formation de mélanomes. » (https://www.sciencesetavenir.fr/sante/tatouage-faux-ongles-les-dangers-des-decorations-corporelles_113889)

Alors qu’un certain nombre de Français regardent les cosmétiques avec une grande circonspection, alors même que la liste des ingrédients incorporés dans les formules s’affichent sur l’emballage en toute transparence, on constate de plus en plus de pratiques à risque via l’utilisation de produits (encres de tatouage, préparations pour blanchir les dents, préparations pour fixer les faux-ongles) dont les professionnels du secteur ignorent eux-mêmes (pour certains) la composition. Il est important d’alerter sur le sujet et de travailler à la mise en place de mesures correctives.

Retour aux regards