Nos regards
Stop au bronzage en cabine… tout simplement !

> 17 avril 2018

Stop au bronzage en cabine… tout simplement ! Sur nos écrans de télévision, la publicité concernant la Dacia Sandero nous montre que pour « Bien rouler », il n’est pas besoin d’options inutiles ; tondeuse et solarium resteront donc au garage (https://renault-dacia-larressore.eden-auto.com/actualites-des-concessions-auto/edenauto-vous-propose-les-incontournables-videos-de-promotion-de-dacia-sandero/).

Etes-vous en colère et vociférez-vous, on vous demandera de « baisser d’un ton » ; pour faire passer ses idées il est parfois nécessaire de les répéter sur « tous les tons » ; pour être dans « le ton » ou « de bon ton » il convient de faire des efforts linguistiques… Le « ton » est mis à toutes les sauces dans la langue française. Ton grave, ton cassant, ton chaleureux, ton froid… Il y a autant de tons que de tempéraments… Il y a également autant de tonalités de peau que d’individus. Oui, mais voilà… une subite envie de « ton sur ton » s’est déclarée depuis que les premières icônes du milieu de la mode ou de la littérature se sont laissées caresser par les rayons du soleil… La teinte idéale est une teinte bronzée ! Pour rentrer dans la norme (Patrycja Klimek, Kalina M. Lamb, Kelsey A. Nogg, Benjamin M. Rooney, Aaron J. Blashill, Current and ideal skin tone: Associations with tanning behavior among sexual minority men, Body Image, 25, 2018, 31-34), il ne reste plus qu’une solution, s’exposer au soleil naturel ou artificiel… Oui, mais voilà…

Avant même que les beaux jours n’arrivent, les adeptes des cabines de bronzage s’affairent… Il s’agit d’aller vite. L’enjeu est de taille, il convient de griller (sans mauvais jeu de mots) de vitesse ses collègues de travail, ses amis, ses voisins… Il faut être les premiers sur la ligne d’arrivée de la course au bronzage. S’il est indispensable de revenir bronzé de ses vacances d’été, il est du meilleur ton de brunir doucement, quasiment insensiblement, avant même que le soleil n’ait pointé le bout de son nez.

Aux Etats-Unis, la fréquentation des cabines de bronzage abonde pour une part non négligeable du chiffre d’affaires secteur de la beauté. Cette technique est très populaire auprès des jeunes : 20 % des adolescents y ont recours et ce sont majoritairement des jeunes filles blanches (Meg Watson, Dawn M. Holman, Kathleen A. Fox, Gery P. Guy, DeAnn Lazovich, Preventing Skin Cancer Through Reduction of Indoor Tanning: Current Evidence, American Journal of Preventive Medicine, 44, 6, 2013, 682-689).

La technique qui consiste à s’allonger sous une rampe de lampes ultra-violettes est pointée du doigt par de nombreux dermatologues qui montrent, chiffres à l’appui, les liens de causalité entre cette pratique esthétique et la survenue de mélanome (Berwick M, Doré JF., Invited Commentary: Indoor Tanning-A Melanoma Accelerator?, Am J Epidemiol, 2017, 1, 185, 3, 157-159). Oui, bien sûr… mais ce marché est lucratif (2,9 billions de dollars en 2015 aux Etats-Unis) ; il concerne 10 000 centres et 61 000 employés ; le taux de croissance annuel est estimé à 2,2% (C.D. Hagan, B.A. Hardwick, T. Opel, C.L. Sweet, J. Chen, Indoor tanning: bringing the sun inside? Public Health, 140, 2016, 261-264). Chaque année, environ 30 millions d’Américains s’engagent ou sont engagés dans la course au bronzage uniforme.

Classé depuis 2009 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dans le Groupe I (cancérigène pour l’homme), le rayonnement ultraviolet émis par les installations de bronzage est autrement plus dangereux que le butylhydroxyanisol (BHA), les parfums (renfermant des allergènes) ou la paraffine tant décriés par certains (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/reponse-a-la-depeche-non-les-ingredients-cosmetiques-ne-sont-pas-des-armes-chimiques-514/). Des dermatologues français se sont même posé la question, il y a quelques années, de la création d’une taxe visant les centres de bronzage. Une augmentation du tarif des séances engendrerait sans nul doute des réticences chez certains utilisateurs ( Boniol M, Césarini P, Chignol MC, Césarini JP, Doré JF., Why indoor tanning must be taxed? A proposal from La Sécurité Solaire, WHO collaborating centre, Presse Med, 2010, 39, 12, 1236-1237).

Une communication subtile en faveur du bronzage en cabine… le bronzage en solarium est présenté comme permettant de préparer la peau au bronzage et comme bénéfique à la santé, du fait de la synthèse cutanée de vitamine D (rappelons au passage que cette synthèse se fait sous l’action des UVB et non des UVA) (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/statut-en-vitamine-d-et-utilisation-de-produits-de-protection-solaire-une-controverse-263/) ! Ce message passe visiblement très bien auprès des jeunes qui réalisent, parfois, leur première séance avant l’âge légal de 18 ans et qui mentionnent utiliser cette technique pour préparer leur peau au bronzage, raison invoquée par 70 % des personnes interrogées lors d’une enquête réalisée à Lille en 2013 (Scalbert C, Grenier M, Maire C, Cottencin O, Bonnevalle A, Behal H, Duhamel A, Glantenet R, Mortier L, Indoor tanning: motivations and beliefs among users and non-users in the population of Lille (Northern France), Ann Dermatol Venereol., 2015, 142, 1, 10-16).

Une communication-choc à l’encontre du bronzage en cabine… Quelques chiffres peuvent, sans doute, faire réfléchir ceux qui hésitent encore à se lancer dans l’aventure du bronzage en cabine. Pour un sujet âgé de moins de 35 ans, le risque de développer un mélanome suite à une première séance en solarium augmente de 75 % par rapport à un sujet qui ne s’expose pas ; pour un sujet de moins de 25 ans, le risque augmente de 102 % ; chaque séance augmente ce risque de 2 %... (Derek D. Reed, Ultra-violet indoor tanning addiction: A reinforcer pathology interpretation, Addictive Behaviors, 41, 2015, 247-251).

Sachons utiliser les réseaux sociaux à bon escient pour sensibiliser les adolescents au lien établi entre solarium et cancers cutanés. Lorsque l’on sait que 70 % des adolescents sont connectés via Facebook (71 %), Instagram (52 %), Snapchat (41 %) et twitter (31 %) (Ashley E. Falzone, Claire D. Brindis, Mary-Margaret Chren, Alexandra Junn, Eleni Linos, Teens, Tweets, and Tanning Beds: Rethinking the Use of Social Media for Skin Cancer Prevention, American Journal of Preventive Medicine, 53, 3, Suppl. 1, 2017, s86-s94)… Lorsque l’on sait que 400 millions de tweets sont échangés par jour dans le monde (Mackenzie R Wehner, Mary-Margaret Chren, Melissa L Shive, Jack S Resneck, Eleni Linos, Twitter: an opportunity for public health campaigns, The Lancet, 384, 9938, 2014, 131-132)… on se dit qu’un petit message de temps en temps par ci, par là, ne serait, sans doute pas de trop. Avec en moyenne 30 messages échangés chaque jour par adolescent, il doit être possible de glisser un petit message de santé publique de temps en temps…

Allez, faites passer le message : pour « bien rouler », pour « rouler longtemps et en bonne forme », il est indispensable de ne pas se laisser tenter par le gadget « solarium », un gadget dangereux qui, pour le moins, provoque un vieillissement accéléré de la peau et qui, au pire, conduit à des cancers cutanés photo-induits.

Alors que les sénateurs avaient voté l'interdiction des cabines UV, en juillet 2015, la ministre de la Santé Marisol Touraine se limitait à prôner un meilleur encadrement et l'interdiction des forfaits illimités. Au cours d’une conférence de presse, elle avait déclaré : « Nous devons rappeler sans relâche que les cabines de bronzage n'assurent aucune protection mais accroissent le risque de cancers cutanés et oculaires. Plus généralement, c'est toute la pratique des UV artificiels qu'il faut déconseiller et encadrer ». Quelle sera la politique menée par Agnès Buzyn, dans ce domaine ? Nous ne sommes pas mesdames Soleil…

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