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Souvenirs napoléoniens de fin de règne : que de bains, que de bains !!!

> 26 janvier 2019

Souvenirs napoléoniens de fin de règne : que de bains, que de bains !!!

Les souvenirs de Sophie-Henriette Cohendet, lectrice de l’impératrice Marie-Louise - ne l’appelez surtout pas « femme de chambre » vous la vexeriez terriblement -  sont pleins de fraîcheur. Notre lectrice est l’un des rouages d’un système très performant qui vise à ne jamais laisser l’impératrice seule. Même dans sa chambre (surtout dans sa chambre !), Marie-Louise est accompagnée d’une dame de service qui veille au grain, car « la souveraine d’un grand empire doit être placée hors de l’atteinte d’un soupçon. » Chat échaudé craint l’eau froide, dit-on, Napoléon, quant à lui, ne craint pas le bain, qu’il prend à profusion...

Sophie-Henriette nous fait partager quelques années de la vie de l’impératrice Marie-Louise, de 1810 à 1814. A son arrivée en France, la jeune Autrichienne est dans la fleur de l’âge. Dix-huit ans et demi, « une taille majestueuse, une démarche noble, beaucoup de fraîcheur et d’éclat, des cheveux blonds qui n’avaient rien de fade, des yeux bleus. », Marie-Louise est l’opposé de Joséphine ; elle est timide, douce et paisible. Napoléon, quant à lui, s’arrondit, pour son avantage, en vieillissant. Sa peau devient même blanche. Le petit caporal malingre, au teint olivâtre, a fait place à un empereur, plein de superbe. Napoléon apparaît primesautier, aimant à « tirer les oreilles, à pincer les joues » de ses familiers. Lorsqu’il assiste à la toilette de Marie-Louise, il ne résiste pas au plaisir de « lui pincer le cou et la joue ». Si l’impératrice se fâche devant ses gamineries, il la prend dans ses bras pour se faire pardonner. Attention à la toilette ; Marie-Louise est attendue au virage. Napoléon est attentif à la bonne tenue des dames de la cour. Un « mot gracieux » salue celle qui prend soin de sa tenue. Une « mauvaise plaisanterie » est destinée à celle qui ne fait pas beaucoup d’efforts vestimentaires.

« Faites-moi couler un bain », pourrait être le sous-titre de ces Mémoires sur Napoléon et Marie-Louise.1 La toilette y occupe une place importante et rythme tous les grands évènements de la vie impériale. « Dans son palais, il se baignait presque tous les jours, se frottait tout le corps d’eau de Cologne, et changeait quelquefois de linge plusieurs fois dans la journée. » Lors de l’accouchement de l’impératrice, le clairvoyant (!) chirurgien accoucheur Dubois, ne prévoyant qu’une délivrance lointaine, engage Napoléon à aller se coucher. Napoléon, pour se détendre, va donc se « mettre au bain ». C’est finalement en ce lieu, en cette tenue, que Napoléon est prévenu qu’il faut se rendre de toute urgence aux côtés de sa femme prise de douleurs. L’accouchement est réalisé devant 22 personnes, ce qui rend difficile toute velléité de duperie concernant la naissance du petit prince. Celui-ci reste 7 minutes sans « donner aucun signe de vie ». On lui met dans la bouche « quelques gouttes d’eau-de-vie », on le frappe « du plat de la main sur tout le corps », on l’enveloppe de « serviettes chaudes » et le cri tant attendu survient enfin ! Napoléon est aux anges ; Sophie-Henriette le décrit comme un père plein de tendresse qui adore son fils et n’hésite pas à le prendre sur ses genoux au moment du repas. « Un doigt dans la sauce » et voilà le roi de Rome qui goûte au menu du jour et qui finit le visage tout barbouillé. Au moment des épreuves, on retrouve un Napoléon plein de noblesse qui décide de l’heure de son départ. Celui-ci est prévu à 8 heures. Il aura lieu à midi passé. A 8 heures, Napoléon est encore « non habillé et sa barbe non faite » ; c’est sa montre qui commande une fois encore. Lorsqu’il quittera l’île d’Elbe, il laissera derrière lui « une baignoire encore pleine », dans le cabinet de toilette attenant à sa chambre. On en déduit, qu’il a pris un bain le matin même ou la veille au soir. En prenant possession de l’Elysée, son premier acte politique est de prendre « un bain et un bouillon ». N’ironisons pas sur le bouillon qui sera pris cent jours plus tard !

 « Faites-leur couler un bain », est l’expression qui pourrait figurer dans le règlement de l’institution des filles de la légion d’honneur. Ce règlement, rédigé par Napoléon lui-même, met l’hygiène à l’honneur. « Les soins de propreté, de tenue, étaient très multipliés. Toutes les semaines, les élèves prenaient des bains de pieds, et l’été, des bains entiers. Une coiffeuse venait chaque mois leur couper et arranger leurs cheveux [...] ». Les grandes élèves prennent les petites sous leur protection et jouent le rôle de « petites mamans ». On constate, toutefois, que le souverain a prévu un nombre de bains limités pour des questions pratiques d’organisation...

A en croire Sophie-Henriette, Napoléon a passé une bonne partie de son existence dans son cabinet de toilette - dans l’emploi du temps figurant dans ces mémoires il est fait mention d’un bain quotidien au réveil, c’est-à-dire vers 5 ou 6 heures du matin. Ce goût du bain et, de manière générale, pour la toilette, est corroboré par les mémoires de Constant.2

Mais, sortons de la salle de bain un instant. Napoléon a une confidence à nous faire, concernant la versatilité du peuple français. Parlant de Louis XVIII, il prédit : « Les Français, l’aimeront pendant les 6 premiers mois, ils se refroidiront pendant les 6 autres, et l’année suivante, adieu !... Oh, je les connais ! » Nous nous garderons bien de commenter cette parole, pleine de sagesse !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour sa manière non conventionnelle, de nous montrer Napoléon, l'impératrice Marie-Louise et le roi de Rome, au bain !

Bibliographie

1 Cohendet S.H. Mémoires sur Napoléon et Marie-Louise (1810-1814), 2014, Mercure de France, Collection Le Temps retrouvé, 321 p.

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/et-si-l-on-se-glissait-dans-la-salle-de-bains-de-napoleon-682/

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