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Secrets cosmétiques de cocotte par un spécialiste, Paul Léautaud !

> 08 mars 2020

Secrets cosmétiques de cocotte par un spécialiste, Paul Léautaud !

Pour qui veut se glisser dans l’intimité des dames de petite vertu de la moitié ou de la fin du XIXe siècle, il est recommandé de prendre contact avec un certain Emile Zola ou un certain Paul Léautaud.1,2 Ce dernier en connaît un rayon sur ses petites amies. Il les fréquente quotidiennement et ce depuis sa petite enfance. Il vous indiquera où trouver les produits cosmétiques de qualité au meilleur prix et vous recommandera l’eau de Cologne vendue en vrac passage Verdeau. Le parfum grisant de Loulou, ses dentelles, le linge élégant de sa jolie maman exhalant un parfum qui étourdit, les femmes « musquées » du quartier des Martyrs... enfance et adolescence sont rythmées par des fragrances lourdes de sens. Ce témoin attentif d’une « vie de musiques, de chahut, de libertinage, de légèreté, de flânerie, de chaleur et de fards » se garde bien de juger ; le tableau qu’il dresse est digne d’un entomologiste, étudiant avec amour un papillon venu se prendre dans son filet.

Elevé par un père qui gravite dans le milieu du spectacle, abandonné par une mère qui semble vivre de ses charmes, le petit Paul est, le plus souvent, laissé à la garde de Marie, une bonne qui s’occupe de lui avec tendresse. Très tôt, Paul a été subjugué par les lieux de spectacle, « emplis de grâce et de parfums ». Il vit dans un quartier de Paris où l’on croise des « femmes pleines de poudre de riz », qui chantent « toute la journée ». Il connaît les gestes « adroits » des femmes pour qui les fards constituent un outil de travail.

Devenu adulte, Paul se consacrera à l’écriture et restera fidèle à toutes ses bonnes amies. Il tiendra ainsi la main de La Perruche, lorsque celle-ci sera gravement malade. Cette prostituée sentimentale l’a pourtant rasé plus d’une fois en lui faisant ses confidences amoureuses (« Elle vous rasait alors avec son adoré Georges, tout comme elle vous avait rasé avec son adoré Edouard et comme elle devait vous raser après avec son adoré un tel. »).

C’est lors du décès de sa tante Fanny qu’il retrouvera sa mère et pourra échanger quelques paroles avec elle. La petite grue d’autrefois s’est rangée ; elle joue désormais le rôle d’épouse et de mère de deux enfants. En fouillant dans sa chambre, Paul découvre que sa mère chausse du 37, aime les bottines à talons hauts, utilise une poudre de riz Le trèfle incarnat de chez L.T. Piver, l’une des plus anciennes maisons de fabrication de parfums encore en activité et se parfume avec une eau de toilette du célèbre parfumeur Houbigant.

Avant que chacun ne reparte de son côté, Paul reçoit de sa mère de menus cadeaux, comme un vieux porte-cartes, une boîte de cachou, un savon...

Paul Léautaud se présente, dans son œuvre Le petit ami, comme le confident des belles de nuit. Mieux qu’un bureau austère, il fait des chambres de ses amies un cadre de travail propice à l’inspiration. Il rédige, corrige les épreuves au chevet de celles qui n’ont pas de secret pour lui. « Travail léger, flâneur, qu’on fait sans y penser beaucoup, à peu près comme une femme, au moment de sortir, après s’être avivé les yeux, d’un peu de noir et les lèvres d’un peu de rouge, se met sur le visage un peu de poudre de riz. Ecrire d’ailleurs, n’est-ce pas farder à sa manière les mots de tout le monde. » C’est à deux pas des cabinets de toilette croulant sous les « flacons, pots et brosses », tout un attirail de « coquetterie et de métier », qu’il est le plus à l’aise pour jouer avec les mots et retrouver le parfum du passé.

Bibliographie

1 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/enquete-discrete-sur-la-nana-d-emile-zola-956/

2 Léautaud P. Le petit ami, Mercure de France, 1968, 191 pages

 

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