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Sea, Noces and Sun !

> 20 juin 2020

Sea, Noces and Sun !

Quarante ans avant que Serge Gainsbourg n’écrive son succès « Sea, sex and sun » en 10 minutes, sur un coin de table,1 Albert Camus se prêtait au même type d’exercice, afin de célébrer l’amour de la vie, l’amour de terre (« les caroubiers mettent une odeur d’amour sur toute l’Algérie »), l’amour du ciel, l’amour de la mer, l’amour du soleil.2 Tipasa, l’odorante, Djémila, la contristante, Alger la flamboyante et Florence, la fraternelle, ouvraient la paume de leurs mains pour en laisser échapper des bribes de soleil, des fruits juteux et généreux. Les petits seins de bakélite de Jane Birkin sont remplacés, avantageusement, par la « gorge gonflée » d’une danseuse, dont le corps est moulé dans une robe bleue et qui arbore un collier de jasmin, à fonction désodorisante. Par parenthèse, on précisera que l’odeur de sueur ressortait tout de même, créant une « odeur mêlée de fleurs et de chair ». Chaque étape du parcours d’Albert Camus est l’occasion de se brûler la peau au soleil et de se parfumer aux effluves de la terre.

A Tipasa, l’odorante

La terre est « noire de soleil ». Les parfums auraient vraiment tendance à monter à la tête tant ils sont nombreux. Les absinthes, les bougainvillées rosat, les hibiscus, les roses thé forment un nuancier coloré qui reprend toutes les variations du soleil, du levant au couchant. « L’odeur volumineuse des plantes aromatiques » se déploie dans toute sa splendeur, entre ciel et terre. « Le parfum d’alcool du romarin » aurait presque tendance à enivrer. Albert Camus est « abruti de soleil » ; le sel se dépose sur la peau à la sortie du bain. Il ne reste plus qu’à se jeter « dans les absinthes pour » se sécher et « faire entrer leur parfum dans le corps ». Les pêches sont mûres à point !

A Djémila, la contristante

Djémila, c’est le bout du monde. C’est un concentré de « vent et de soleil ». La peau s’y dessèche (« ma peau se desséchait jusqu’à n’être plus mienne ») à vitesse grand V. Un « bain violent de soleil et de vent » !

A Alger, la flamboyante

« Un certain poids de soleil » pèse sur les épaules d’Albert qui ne dit pas « prendre un bain », mais « se taper un bain », à la manière algérienne. Le rendez-vous des jeunes est le port, à midi tapant. On s’y retrouve pour bronzer et profiter des joies de la baignade. On est « bien au soleil ». Tellement bien que l’on diminue au minimum l’interface entre l’épiderme et les rayons ultra-violets. En tenue d’Adam... c’est ainsi que l’on fait.  La couleur de la peau évolue au fil des jours. Le nuancier passe du blanc au doré, puis au brun, pour aboutir à la couleur tabac, la teinte la plus foncée qui puisse être prise. La « frise cuivrée » représentée par les corps des baigneurs tranche merveilleusement sur le blanc de la Kasbah.

A Florence, la fraternelle

A Fiesole, le couvent des Franciscains distille une « odeur de lauriers ». Entre les jeunes de la plage de Padovani et les Franciscains, Albert établit une comparaison audacieuse. Le dénuement des uns est mis en parallèle avec le dépouillement des autres. Dans le dépouillement, la vie prend toute son ampleur. Et puis, dans le jardin de Boboli, d’énormes kakis dorés sont à portée de main des gourmands, juteux à souhait. Leur chair orangée met le soleil à portée des doigts.

Les Noces d’Albert Camus ont lieu en plein soleil. Destination : des pays de feu où les rayons ultra-violets tapent dur et fort. Dans sa valise, pas de produit solaire. Une addiction solaire forte, des endorphines produites en quantité... du plaisir, tout simplement, à l’heure où l’on ne se rend pas encore bien compte des dangers encourus !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette invitation aux Noces !

Bibliographie

1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Sea,_Sex_and_Sun

2 Camus A. Noces, suivi de L’été, Gallimard, 2017, 183 pages

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